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26 septembre 2017 2 26 /09 /septembre /2017 15:32

 

 

« En fait, l’histoire de mon père est celle d’un type qui trouve une fonction à sa photographie, qui va trop loin, qui craque, et qui, obligé de se réinventer, le fait d’une façon qui engendre beaucoup d’espoir » - Juliano Ribeiro Salgado

 

Ceux et celles qui me connaissent savent que Sebastião Salgado est à mes yeux le plus grand photographe humanitaire. Je l’ai croisé une première fois au détour d’une route, puis j’ai marché sur ses pas, empruntant les chemins iodés du Sel de la Terre. Plus qu’un coup de foudre, cet homme a changé ma vision de l’humanité. Le monde qui nous entoure possède des étendues insoupçonnées de richesses humaines, malmenées par les Hommes.

 

Il a voulu que nous nous sentions concernés par l’ampleur des bouleversements qui marquent notre planète. Que nous prenions conscience de notre part de responsabilité dans ce grand chaos, désordre d’inhumanité que représentent les guerres, les génocides, les famines, les exodes... Seule une conscience collective pourrait mener les hommes à cesser de s’entretuer. Mais le photographe en est arrivé au constat que « … les êtres humains ne sont pas faits pour vive en communauté ». Enfin, il a voulu que nous saisissions les motivations de l’homme vis-à-vis de son prochain et sa force d’intelligence dans le processus d’adaptation à son milieu.

 

Ses observations sont fortes et douloureuses. Le chemin qu’il nous amène à emprunter fait écho aux réflexions de celui qui a côtoyé les pires tragédies et les plus grands bouleversements des dernières décennies.

 

Dans « Les enfants de l’exode », Salgado donne une voix aux enfants du monde. Les mots sont inutiles, les visages parlent d’eux-mêmes. C’est dans leur regard que l’on devine leur histoire...

 

Au-delà des mots, je suis bouleversée par ces photographies. Les enfants ne demandent qu'à s'épanouir. Plus encore, les violences planétaires ne les concernent pas, ils n'ont besoin que d'amour. Je leur offre le mien. Comme une petite goutte d'eau sur la mer des grandes émotions... <3

 

Merci mon sweet manU, kinG des marais, pour ce livre magnifique que j'ai déposé sur mon cœur. Je ne te remercierai jamais assez...

 

« Ce livre de photographies montre quatre-vingt-dix enfants, photographiés en différents points du globe, un certain jour de leur vie. Ils semblent beaux, heureux, fiers, tristes ou songeurs. Pendant un bref instant, ils ont été capables de dire « j’existe ». Ils deviendront adultes beaucoup trop vite et d’autres enfants prendront leur place. »

 

 

 

 

« Chaque enfant, à travers ses vêtements, sa pose, son expression et son regard, m’avait raconté son histoire avec une franchise et une dignité désarmantes. »

 

 

 

 

« Leurs yeux étaient comme des fenêtres ouvertes sur leurs âmes. »

 

 

 

 

« À travers elles, la tristesse et la souffrance vécues au cours de leurs brèves existences apparaissaient d’une façon poignante. »

 

 

 

 

« L’histoire qu’ils vivent a beau être celle de leurs parents, ils la subissent eux aussi. »

 

 

 

 

« Lorsqu’ils fixent l’objectif, cherchent-ils l’espoir ou la compassion? Ou n’est-ce pas plutôt ce que nous ressentons qu’ils méritent? »

 

 

 

 

« J’ai rencontré des enfants à un moment décisif de leur vie. »

 

 

 

 

« Les enfants réfugiés ont des blessures qui mettent plus de temps à cicatriser que les traumatismes physiques. »

 

 

 

 

« Lorsqu’un père a été assassiné, une mère peut-elle apprendre à son enfant à pardonner? »

 

 

COUP DE COEUR... <3

12 septembre 2016 1 12 /09 /septembre /2016 02:08
Mémoire de mes putains tristes - Gabriel García Márquez

« Je suis fou d’amour. »

 

Le narrateur a été journaliste durant quarante ans. Un journaliste « médiocre », une vie gâchée. Il est « laid, timide et anachronique », je n’invente rien, il se décrit lui-même dans ces mots élogieux. Il faut déjà un sacré courage – une force d’autodérision ? – pour se renvoyer une image de soi-même aussi peu glorifiante. Ou encore serait-ce le dépit des années ? Car des années il en a d’accumulées, il aura bientôt quatre-vingt-dix ans ! Mes respects… Les « vieux » ont une histoire à raconter et je passerais des heures à les écouter. Leur vie est comme une musique dont le refrain ne me lasse jamais. Que les notes qui s’en dégagent soient fausses, justes, ou aléatoirement sur la gamme des émotions, elles portent en elles une certaine vision de la sagesse. Mais là je m’écarte du sujet, c’est le vieil homme qui me porte à divaguer tant je me suis prise d’affection pour son histoire d’amour. Parce que vous verrez, c’est une grande histoire d’amour sans âge, qui aura eu le mérite d’avoir été vécue.

 

« Le sang circulait dans ses veines avec la fluidité d’une chanson qui se ramifiait jusque dans les recoins les plus secrets de son corps et remontait vers son cœur, purifié par l’amour. »

 

À l’aube de ses quatre-vingt-dix ans, il a voulu s’offrir une jeune vierge. Ben oui, pourquoi pas ? On ne va quand même pas s’offusquer d’une idée aussi audacieuse. Et puis comment ne pas accorder à un homme d’âge mûr la satisfaction de ses envies ? Il n’a jamais connu de l’amour que les bordels de la place. Comment lui refuser la chance de s’offrir tel qu’il est, pour ne pas mourir seul ? Rosa, amie de longue date et tenancière d’une maison réputée, lui trouvera une jeune fille de quatorze ans, Delgadina. Elle coud des boutons dans une usine. Belle, rayonnante, un corps de nymphe, vierge…

 

« On n’a pas l’âge que l’on paraît mais celui que l’on sent. »

 

Il rase les murs d’un quartier douteux. Les heures de l’attente sont interminables. Et la petite, il faudra la prendre avec délicatesse, c’est sa « première fois ». Dans le respect de ses peurs, il se contentera de passer des nuits allongé tout contre elle, sans la toucher, veillant sur son sommeil. Elle s’abandonnera, doucement. Et leurs rencontres subséquentes seront faites de gestes tendres et d’attentions, de petits cadeaux, nougats, chocolats et fleurs de toutes sortes. De soupirs et de saveurs, des parfums de son corps et de son âme. Il la couvrira de baisers auxquels elle répondra par le « langage naturel de son corps ». Auprès d’elle, il s’étonnera de l’attendrissement qu’il éprouve à son contact.

 

« Jamais je n’aurais imaginé qu’une petite fille endormie puisse provoquer en moi un tel cataclysme. »

 

Gabriel García Márquez aborde un sujet ambitieux. Contrairement à ce que le titre laisse présager, son roman n’a rien à voir avec le sexe, encore moins la perversion. Au fond, c’est une histoire d’amour incroyablement belle, sans limites et qui défi les âges, mais aussi celle d’une grande solitude. Ce sont les Mémoires d’un homme qui réapprend à vivre au seuil de sa mort. Qui découvre la relation faite de respect et de douceur, ces sentiments qui tuent l’amertume. Qui se redécouvre à travers l’autre. Qui apprend la douleur du vide que seule la présence de l’être aimé peut combler. C’est la découverte d’un premier amour. Le plaisir de contempler le corps nu d’une femme endormie. Une histoire de destin et de la nostalgie du temps qui passe. Ce sont les Mémoires d’un vieil homme attachant qui a souhaité laisser sur papier les traces d’un amour plus grand que nature…

 

« Le désir que j’ai éprouvé ce jour-là était si impérieux que j’ai cru à un message de Dieu. »

 

*********************************

 

Un BISON a aimé ce roman, « parce qu'il faut oser, oser baiser à tout âge, oser rêver à tout âge, et surtout oser aimer à tout âge »

 

8 mai 2016 7 08 /05 /mai /2016 19:05
Les amants de Coyoacán - Gérard de Cortanze

« Je ne crois pas au destin. Je ne veux que vivre, c’est le but central de ma vie »

Frida Kahlo

 

En 1936, Léon Trotski et sa femme Natalia quittent le port d’Oslo pour le Mexique. Voyageant en tant que prisonniers en liberté surveillée, cette terre d’accueil leur promet un asile politique, pour autant qu’ils prêtent le serment de ne s’impliquer dans aucune activité liée au marxisme. Président du premier soviet de Saint-Pétersbourg, créateur de l’Armée rouge et de la révolution d’Octobre, Trotski est accusé d’espionnage et de terrorisme, aux suites desquelles Natalia et lui se sont vus retirer la citoyenneté soviétique. 24 heures sur 24, policiers et gardes privés – des Trotskistes mexicains - assurent une surveillance accrue sur un large périmètre encerclant la Maison bleue de Coyoacán, qu’ils habitent, depuis leur arrivée, avec Frida Kahlo et Diego Rivera. Trotski est menacé par les agents de la Guépéou. L’exil tant attendu ne sera qu’une suite de la longue descente en enfer que le Mexique se proposait de réparer en eux.

 

Mais avant l’abîme il y eut l’amour, celui entre Frida et Trotski, un amour passionné, passionnel, pimenté d’escapades nocturnes dans la maison de campagne d’Hidalgo à Bojorquez. Les amants se glissaient d’abord des mots d’amour dans les livres qu’ils s’échangeaient secrètement. Puis vint les heures des nuits torrides sous la chaleur du Mexique. Communions de corps et d’âme, ils remplissaient chez l’autre le vide que Diego et Natalia n’arrivaient plus à combler.

 

« L’amour dure autant de temps qu’il donne du plaisir » - Frida Kahlo

 

« Frida, mon amour, je couvre de baisers tes épaules, tes mains, tes seins, ton ventre… » - Léon Trotski

 

« Nul besoin de l’aube, dit Léon, le nez enfoui dans le sexe de Frida. Te sentir toi, ici, c’est comme sentir le premier de tous les matins. Ton parfum ressemble au parfum perdu de l’ancien lac de Mexico. » - Léon Trotski

 

Gérard de Cortanze nous peint, avec le mérite qui lui revient, le portrait d’une femme libre. De la belle mexicaine à la beauté mystérieuse, avant-gardiste, rayonnante, théâtrale et indépendante. Les années plus sombres aussi, les dépressions, l’accident de tramway qui, s’il ne lui a pas coûté la vie, l’aura cloué dans un lit avec des douleurs atroces au dos et l’impossibilité d’avoir des enfants. Un drame qu’elle aura souvent peint, d’ailleurs n’a-t-elle pas transposé ses souffrances, ses amours, ses passions, ses folies et ses euphories à l’ensemble de son art? À 13 ans, Frida Kahlo rejoignait les Jeunesses communistes. Ses voyages à Paris et New York lui ont ouvert la voie d’une renommée internationale ; elle était admirée de Kandinsky, Picasso, Miro et tant d’autres artistes...

 

J’ai eu un énorme coup de cœur pour ce roman! C’est le plus complet que j’ai eu l’occasion de lire sur la vie de cette femme passionnante. Si l’auteur nous parle plus spécifiquement de sa relation d’amour à Trotski, il nous raconte aussi, inévitablement, sa vie avec Diego, leur mariage, leurs séparations puis le divorce. Ses amants, ses maîtresses, Franck, Nick, Maria, Jacqueline et plusieurs autres… Le lecteur découvre la provenance de ses œuvres et leurs sources inépuisables d’inspiration. Quel régal... L’ensemble du roman est placé dans le contexte historique de la Révolution mexicaine. À lire et relire <3

 

« Le jus de tes lèvres est riche de tous les fruits, le sang de la grenade, la rondeur du mamey et l’ananas parfait. Viens demain à 8 heures. À l’entrée ouest du parc du Centenaire. J’ai hâte d’être à toi » - Léon Trotski

 

« Mon Léon, JE – voudrais être – La PREMIÈRE FEMME de ta

V

I

E »

 

Un immense merci au sweet kinG des marais pour ce cadeau merveilleux :-*

 

Coup de cœur <3

Les amants de Coyoacán - Gérard de Cortanze
Les amants de Coyoacán - Gérard de Cortanze
Les amants de Coyoacán - Gérard de Cortanze
Les amants de Coyoacán - Gérard de Cortanze
Les amants de Coyoacán - Gérard de Cortanze
2 février 2016 2 02 /02 /février /2016 17:53
Dernières nouvelles du Sud - Luis Sepúlveda &amp; Daniel Mordzinski

« En Patagonie, on dit que faire demi-tour et revenir en arrière porte malheur. Pour rester fidèle aux coutumes locales, nous avons poursuivi notre chemin car le destin est toujours devant, et on ne doit avoir dans son dos que la guitare et les souvenirs. »

 

Attendez, j’vous raconte…

 

J’arrive à peine d’un voyage enchanteur au pays de Sepúlveda pour vous donner les Dernières nouvelles du Sud, le Sud du bout du monde. Mon sac-à-dos est chargé de souvenirs, pas de ceux qui s’abîment et se perdent, mais des souvenirs comme des odeurs qui s’impriment à jamais dans les mémoires du coeur. Mes compagnons de route, Luis Sepúlveda et Daniel Mordzinski - photographe franco-argentin - avaient envie de nous raconter la richesse lumineuse dont sont imprégnés les gens qui vivent dans cet endroit que l’on dit l’un des plus purs de la planète : la Patagonie. Et moi, je ne demandais pas mieux que de les suivre…

 

À bord d’une vieille bagnole, notre voyage débutait à San Carlos de Bariloche, où nous descendions vers le Cap Horn, à l’Ouest argentin de la Terre de Feu, pour revenir par la Patagonie chilienne jusqu’à l’île de Chiloé, quatre mille cinq cents kilomètres plus loin. La quila venait de fleurir, une variété de bambou andin. Pas un seul nuage dans le ciel, d’un bleu immaculé. Nous avons traversé la steppe patagonienne, affrontant de face les vents violents de ces grands espaces indomptables. Ils nous ont rappelé les beautés sauvages d’une terre qui côtoie de près les eaux glaciales de l’Antarctique et les masses d’air froides qui battent de plein fouet sur la Cordillère des Andes.

 

« La steppe patagone invite les humains au silence car la voix puissante du vent raconte toujours d’où il vient et, chargé d’odeurs, dit tout ce qu’il a vu. »

 

Comme seule boussole, nous avions une envie furieuse de nous abreuver du parfum des fleurs sauvages, des saveurs des ravioles con tuco et de l’agneau rôti sur la broche, que mes amis voyageurs affirmaient dur comme fer être le meilleur au monde. Le vin chilien coulait dans les verres au son des guitares et des accordéons, avant de finir la soirée devant un bon maté que nos hôtes au visage tanné par le vent nous servaient avec fierté.  

 

De toutes ces rencontres que nous ayons faites, si je devais n’en revivre qu’une seule, j’irais revoir La dame aux miracles, cette vieille femme de quatre-vingt-quinze ans avec ses beaux sillons de rides qui témoignent de son histoire. Sa petite maison de campagne est entourée d’un jardin qui abonde de fruits et de légumes. Les herbes miraculeuses qui foisonnent de toutes parts ont ce don d’éveiller la fertilité. Mais je voudrais surtout, au coin du feu, qu’elle me reparle des souvenirs de l’homme sur la photo sépia. Je saurais alors que le plus beau des voyages est celui qui nous offre le cadeau d’une fenêtre ouverte sur le cœur des gens…

 

« Un jour mourait en Patagonie mais, à l’aube suivante, une vieille dame de quatre-vingt-quinze ans, qui avait fêté son anniversaire avec deux hommes des grands chemins, garderait la merveilleuse habitude de vivre. »

 

Je pourrais aussi vous parler de l’homme-luthier, El Tano, avec lui nous avons cherché dans chaque recoin de la steppe des bois rares pour la confection de ses violons. Ou encore des Gauchos de Patagonie, ces cavaliers qui franchissent la Pampa au galop, hommes élégants avec un foulard rouge autour du cou. Ils sont maîtres du lasso avec leurs gestes lents et harmonieux…

 

Ce récit de voyage est dédié à Osvaldo Soriano. Des pages émouvantes témoignent de son amitié envers l’écrivain et scénariste argentin.

 

« Osvaldo Soriano se dirigeait à pas lents vers Callao, il s’est arrêté pour saluer un vendeur de journaux, s’est penché un peu  plus loin pour caresser un chat de gouttière puis a continué à s’éloigner, à s’éloigner jusqu’à ce que sa silhouette se perde sous les arbres, jusqu’à ce qu’il ne reste plus de lui qu’un souvenir inoubliable, définitif, têtu, incombustible, installé pour toujours dans le cœur de ma mémoire. »

 

Le temps me manque pour vous en dire davantage, le Patagonia Express arrive dans quelques minutes. Je monterai à bord et je me fermerai les yeux sur ces souvenirs inoubliables d’images et de rencontres.

 

Des Grandes Plaines du Montana en passant par un igloo du Québec, je dois le cadeau inestimable de cet aller-simple au Sud du 42ème parallèle à un Bison. Si vous passez un jour à la petite maison de campagne de La Dame aux miracles, vous seriez gentils de la serrer très fort dans vos bras de ma part. Dites-lui qu’il n’y a pas un jour qui passe sans que je pense à elle et à la photo sépia suspendue à son mur.

 

L’amour est le plus beau des voyages…   

 

Pour lire les billets du Bison sur trois livres de Sepulveda:

 

Le monde du bout du monde

 

Rendez-vous d'amour dans un pays en guerre

 

Un Nom de Torero

Dernières nouvelles du Sud - Luis Sepúlveda &amp; Daniel Mordzinski
Dernières nouvelles du Sud - Luis Sepúlveda &amp; Daniel Mordzinski
Dernières nouvelles du Sud - Luis Sepúlveda &amp; Daniel Mordzinski
Dernières nouvelles du Sud - Luis Sepúlveda &amp; Daniel Mordzinski
11 décembre 2015 5 11 /12 /décembre /2015 02:11
L'ultime secret de Frida K. - Gregorio León

Un thriller politique situé dans le Mexique de Frida Kahlo, j’allais me régaler c’est certain! À Mexico ont débuté les préparatifs pour la célébration du centenaire de la naissance de l’artiste. Au même moment, des autels sont profanés, la guerre est déclarée à la Santa Muerte. Vierge des oubliés ou Sainte des narcotrafiquants, elle est cette figure emblématique d’un mouvement religieux mexicain - un squelette habillé d’une robe de mariée. Alors que des stripteaseuses sont retrouvées mortes avec cette icône macabre tatouée sur le sein gauche, dans une galerie d’art, un autoportrait de Frida avec un colibri dans la main droite (représentation de l’amour), dédicacé à Trotski, est volé. L’inspecteur Machuca et Daniela, une jeune détective privée, enquêtent…

 

Le contexte historique mouvementé dans lequel Gregorio León nous plonge est captivant, envoûtant, hypnotique! Du moins, et je reconnais manquer d’objectivité, pour ceux qui affectionnent ce pays autant qu’il me fascine. Le Mexique est donc divisé entre ceux qui défendent El Peje et ceux qui ont voté pour le Parti d’Action Nationale de Gustavo Madero Muñoz (enfin, même si en vérité il n’existe à mon sens qu’une seule division, marquée par une ligne géographique avec les États-Unis…). Néanmoins, l’auteur manie avec brio des allers retours entre le Mexique d’aujourd’hui et celui des années 40 à la Maison Bleue, 7 de la rue Coyoacan où habitaient Frida et Diego avec leurs invités Trotski et Natalia Sedova. Vous devinerez que je tournais les pages avec l’enthousiasme de retrouver le couple d’artistes! Gregorio León en a si bien peint la réalité que pour un instant je me serais cru dans une toile de l’un ou de l’autre à partager des fajitas tout en discutant Révolución…   

 

L’autoportrait de Frida dédicacé secrètement à Trotski est donc l’élément clé autour duquel pivote le roman. Il fait l’éveil notamment d’une correspondance entre les amants pour le moins compromettante. Alors que Diego s’était battu pour trouver un asile à Mexico à Trotski et sa femme, l’invité partageait le lit de son hôtesse. Il ne faut pas non plus se méprendre, je ne suis pas à faire l’apologie de Diego qui avait, à l’heure ou Frida se payait du bon temps, couché avec la moitié de Mexico! Trouvant donc refuge à la Maison Bleue, en dépit de leurs différents politiques, les deux hommes se lient d’amitié, du moins pour un temps. Si Rivera avait fait triompher la Révolución avec ses convictions politiques de gauche, le second, héros de la révolution d’Octobre et phare de la pensée marxiste, travaillait à une biographie sur Staline.

 

Quel régal que ce thriller politique! En plus d’y relater les frasques du couple, leur histoire, leur idéologie, leurs déchirures, leurs tromperies et plus encore, Gregorio León n’y va pas de main morte pour illustrer les corruptions, souvent d’actualité, entre l’église, les narcotrafiquants, la police et le milieu de la prostitution. 

 

J’ai dit déjà que je me suis régalée? :D

L'ultime secret de Frida K. - Gregorio León
28 avril 2015 2 28 /04 /avril /2015 00:57
Le Sel de la Terre - Sebastião Ribeiro Salgado

« L’homme est le sel de la terre »

 

Il arrive que certaines rencontres changent quelque chose en nous. Comme un cadeau venu du ciel, j’ai eu ce privilège en empruntant un chemin qui m’a menée à marcher sur les pas de l’homme, les deux pieds enfouis dans « Le Sel de la Terre ». Sur ma route, j’ai croisé l’œuvre photographique du grand brésilien Sebastião Ribeiro Salgado et j’ai su que ma vision de l’humanité venait d’être ébranlée dans ses fondements les plus profonds.

 

« Un photographe est quelqu’un qui écrit avec la lumière et dessine le monde avec des ombres »

 

En prenant part à ce documentaire, réalisé par son fils Juliano Ribeiro Salgado et Wim Wenders, photographe allemand, j’ai pris conscience plus que jamais des étendues insoupçonnées du monde qui nous entoure. De sa beauté et de ses souffrances. De ses drames et de ses richesses. De ses édifications et de ses fractures. Le photographe a voulu que nous nous sentions concernés par l’ampleur des bouleversements qui marquent notre planète. Que nous soyons émerveillés, tout autant qu’horrifiés, par ses 40 ans d’images captées sous l’œil témoin de son objectif, dans une volonté de mieux saisir les enjeux auxquels l’humain fait face. Que nous réalisions que nous avons notre part de responsabilité dans ce chaos. Que s’éveille notre conscience collective face à ces désastres qui frappent le vaste monde que nous partageons. Que nous saisissions enfin les motivations de l’homme vis-à-vis son prochain et sa force d’intelligence dans le processus d’adaptation à son milieu.

 

« Plus que jamais, je sens que la race humaine est « une ». Au-delà des différences de couleur, de langue, de culture et de possibilités, les sentiments et les réactions de chacun sont identiques. Les gens fuient les guerres pour échapper à la mort ; ils émigrent pour améliorer leur sort ; ils se forgent de nouvelles existences dans des pays étrangers, ils s'adaptent aux pires situations… »

 

Le chemin qu’il nous amène à emprunter fait écho aux réflexions d’un homme qui a côtoyé les pires tragédies et les plus grands bouleversements des dernières décennies. Qui a fait le tour de la planète et vécu les guerres, les génocides, les exodes… et vu de ses propres yeux les conditions difficiles auxquelles sont exposés les migrants, les mineurs, les victimes de famine, etc. Qui a vécu avec les Touareg, le peuple Yali de Papouasie Occidentale, en plein cœur du génocide Rwandais, avec les travailleurs de la Mine d’or de la Serra Pelada (un de ses reportages les plus prisés), traversé la Mer de Sibérie orientale, le Soudan, l’Équateur, le Pérou, la Bolivie, l’Arctique, l’Antarctique, l’Amazonie, bref le bout du monde, de l’est à l’ouest, du nord au sud, de parallèles en méridiens. Un ensemble de réflexions en ont découlé et l’ont mené à la triste conclusion que les hommes sont incapables de vivre en collectivité…

 

« Je ne suis plus certain que les êtres humains soient vraiment faits pour vivre en communauté, je ne suis pas sûr que nous puissions survivre en tant qu'espèce »

 

Si Le Sel de la Terre est un film documentaire consacré à l’œuvre de Sebastião Ribeiro Salgado, il est avant tout l’écho intime d’un fils parti à la rencontre de ce père qu’il a très peu connu. L’hommage d’une vie dédié à l’un des plus grands photographes humanitaires au monde.

 

« En fait, l’histoire de mon père est celle d’un type qui trouve une fonction à sa photographie, qui va trop loin, qui craque, et qui, obligé de se réinventer, le fait d’une façon qui engendre beaucoup d’espoir »

 

Un grand moment d’émotions, de bouleversements, de larmes et d’émerveillement, un voyage intérieur au cœur de la Terre. Parfois dérangeant, mais toujours émouvant, Le Sel de la Terre a été présenté dans la sélection « Un certain regard » du Festival de Cannes 2014 où il a remporté trois prix. Il a également remporté le prix du meilleur film documentaire aux Oscars en 2015…

Durée: 1h50

 

Plus qu’un coup de cœur, c’est un immense coup de foudre <3

 

Bande-annonce

 

Reportage photos

 

« Au cours des ans, Sebastião Ribeiro Salgado a offert sa collaboration à plusieurs organisations humanitaires, dont l'UNICEF, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Médecins sans frontières et Amnesty International. Avec son épouse, Lélia Wanick Salgado, il se consacre à un projet de reforestation et de revitalisation communautaire dans l'État brésilien de Minas Gerais »

Le Sel de la Terre - Sebastião Ribeiro Salgado
Le Sel de la Terre - Sebastião Ribeiro Salgado
Le Sel de la Terre - Sebastião Ribeiro Salgado
Le Sel de la Terre - Sebastião Ribeiro Salgado
Le Sel de la Terre - Sebastião Ribeiro Salgado
Le Sel de la Terre - Sebastião Ribeiro Salgado
Le Sel de la Terre - Sebastião Ribeiro Salgado
Le Sel de la Terre - Sebastião Ribeiro Salgado
21 mai 2014 3 21 /05 /mai /2014 23:27

sepulveda

 

«L’autre s’éloigna pour ne pas le gêner, mais l’attention que le vieux portait au livre était telle qu’il ne supporta pas de rester à l’écart. 

-De quoi ça parle ?

-De l’amour.

À cette réponse du vieux, il se rapprocha, très intéressé.

-Sans blague ? Avec des bonnes femmes riches, chaudes et tout ?

Le vieux ferma le livre d’un coup sec qui fit trembler la flamme de la lampe.

-Non. Ça parle de l’autre amour. Celui qui fait souffrir.

L’homme se sentit déçu. Il courba les épaules et s’éloigna de nouveau. »  

 

Je savais qu’en relisant ce si beau roman, je serais à nouveau touchée d’émotions par cette jungle de l’Amazonie, peinte à travers le regard d’un homme qui a le courage de ses convictions. C’est en réalité plus qu’un roman, un grand cri humain auquel je me suis senti la volonté de me rallier, pour le meilleur et pour le pire. Quand on aime la nature autant qu’elle habite l’âme et les tripes de l’auteur, on ne peut que pleurer en le refermant sur ses dernières pages. Ce face-à-face avec la nature est douloureux, criant de vérité sur la bêtise de l’homme, la soumettant aux cruautés de son ignorance. Ce roman est d’autant plus douloureux qu’il le dédie à Chico Mendes, ami et défenseur de la forêt amazonienne, assassiné quelques années plus tôt pour ses idéaux.   

 

Antonio José Bolivar habite El Idilio, un bord de fleuve amazonien, en apparence idyllique, où il jouit d’une certaine liberté. Papayers, ouistitis, toucans et nature sauvage sont autant de beautés qu’il côtoie chaque jour. Les Jivanos, indigènes issus du peuple des Shuars, lui ont tout appris de la chasse et de leurs mœurs. Dans la solitude de sa cabane en bambou, il fume des cigares, s’abreuve de Frontera et lit des romans d’amour. Mais pas n’importe lesquels… Il lui en faut qui font bien souffrir, même terriblement, avec des amours désespérées et des fins heureuses. Des romans d’amour où il s’émeut tant qu’il pleure à chaudes larmes. Une manière d’échapper à ce monde de brutes, « d’oublier la barbarie des hommes »… Un contraste que je rends grâce à l’auteur d’avoir eu le génie de trouver.

 

Quand est retrouvé dans une pirogue le cadavre d’un homme, Antonio José Bolivar est le seul à comprendre qu’il s’agit d’un acte de justice. S’ensuivront 3 autres assassinats. Une femelle ocelot a perdu ses petits, sauvagement tués par la main de l’homme. Folle de douleur et de rage, elle sort ses griffes, acérées, rôde et tue. Sur les berges du fleuve, on entend ses sanglots, désespérés, presque humains… Merde, il n’y a pas que les hommes à ressentir des émotions! Et c’est à ce passage du livre que j’ai pleuré la première fois… J’ai pris part à cette vengeance de l’animal comme une mère protectrice le ferait si on s’attaquait à ses petits…

 

Accompagné d’un groupe de cinq aventuriers Shuars, Antonio sera mandaté par le maire de la ville, alias la Limace, de retrouver la bête et de la tuer. Ce gros colon est plus occupé à gérer son stock de bière qu'à faire régner l’ordre. On le déteste d'autant qu’il est à l’image de ces imbéciles qui brutalisent les forêts et se les approprient. Si Antonio se sent contraint de prendre part à ce massacre, c’est uniquement pour se venger de cette jungle qui lui a pris son amour et ses rêves, Dolores Encarnacion del Santisimo Sacramento Estupinan Otavalo (…!), sa fiancée. Il est habité par la honte, marchant à contresens des valeurs qui lui sont viscérales. Il sait que la paix est constamment menacée dans cet environnement. Il sait aussi que les hommes, de tout temps, et en tous lieux, ont soif de pouvoir et manquent de jugement. Qu’ils détruisent ce qu’ils n’arrivent plus à contrôler. Qu’ils se sentent bien plus grands et bien plus forts que tout ce qui les entoure, probablement parce qu’au fond d’eux-mêmes ce sont eux les plus vulnérables. Quand une femelle ocelot se venge, qui est alors la proie de qui ? Qu’importe le dénouement du combat entre l’homme et l’espèce, Antonio ne se sentira jamais vainqueur. Si seulement les hommes avaient en eux un peu de sa foi. Quant à moi, je sors de ce roman avec un sentiment de fragilité, de peine, car comme lui, j’ai honte et je sais que la partie n’est pas gagnée. L’humain est capable de tout…

 

ocelot1

11 mai 2014 7 11 /05 /mai /2014 03:01

dernier mousse

 

Cap au sud, le Baquedano, voilier-école de la Marine chilienne, appareille pour son dernier voyage, avec 300 hommes à bord. Les provisions sont chargées dans les écoutilles, les voiles sont déployées et on hisse le grand mât. Départ du Chili, Caltahuano, direction le Cap Horn, ce bout du monde situé à l’extrémité sud de l’archipel chilien. Je n’ai pu m’empêcher d’être du voyage, de vivre ce grand rêve. Alors je suis montée à bord avec Alejandro, clandestinement, et je me suis cachée dans une soute de proue. Ce jeune garçon de 15 ans avait rêvé de devenir marin, de suivre les traces de son père, mort dans le naufrage de l’Angamos. Moi, j’avais envie de découvrir les beautés époustouflantes du Cap Horn. De connaître un peu plus la mer, d’en être imprégnée, ébranlée, chavirée ... Mais lui, il rêvait avant tout de devenir un homme et de retrouver son frère parti aux Magellanes sans laisser de nouvelles. Il sera le dernier mousse. Et je l’accompagnerai…   

 

Il faut comprendre une chose quand on prend le large, c’est qu’on ne supporte plus de s’en éloigner. On s’y attache, s’y amarre, tangue, ballotté par la houle redoutable, les vagues qui ondulent, irrégulières et sauvages. Le baromètre descend, point de rupture avec la mer, la tempête approche comme nous approchons du Cap Tres Montes. Il faut se munir d’une bonne dose de sang-froid, car on louvoie, voyageant à tombeau ouvert. Le spectacle est terrifiant. De violentes nausées me rappellent la mer des Caraïbes, déchaînée, indomptable. Le vent rugit dans les cordages. Pourtant, j’y suis revenue, avec Alejandro, comme on revient vers de vieux souvenirs ineffables. Parce qu’avant tout, il y a ce vent salé du large. L’infinitude de cette plaine liquide, la lune et ses marées, autant de beautés que les tempêtes n’arriveront jamais à affaiblir. Dans ce tumulte, un vieux loup de mer nous raconte ses périples en mer, la nostalgie au creux des yeux. Ainsi, nous voyageons encore un peu plus loin…   

 

« En mer, quand la mort s’approche, il faut ouvrir grands les yeux et la regarder en face ; alors, elle fait moins peur, c’est comme si tu allais descendre à quai. C’est pour ça qu’un naufrage est moins dur sur une barque que sur un navire. Sur une barque on regarde la mort dans les yeux, on a envie de se lever et de marcher à son bras au milieu des vagues, mais sur un navire, tout est trop grand, il y a trop de bruit, d’appels, la mort s’annonce de façon si terrifiante que lorsqu’elle arrive on est comme fou. Plus grand est le bateau, plus dur est le naufrage. » 

 

Punta Arenas, au bord du détroit de Magellan, face à la Terre de Feu. C’est le spectacle qui s’offre à nos yeux, inouï, grandiose, alors que nous approchons de notre but. Sa beauté dépasse tout ce que vous ne pourrez jamais imaginer. Les grandes estancias avec leurs millions de moutons. Des icebergs, redoutables géants de glace, dans toute leur immensité. Et chaque dimanche, un hommage à cette grandeur sans nom, le salut aux couleurs. Le nom en soi est d’une poésie incroyable. Je réalise néanmoins que j’ai oublié de vous parler du « Paradis des loutres », ce lieu secret protégé des Alakaluf, groupe indigène de la zone australe du Chili. Nous avons croisé leur route. Ces nomades se déplacent en canot et vivent dans des huttes. Ils nous ont accueillis, un peu sauvagement au départ, mais comme nous connaissions leur chef, Manuel, ils nous ont ouvert les bras et offert le couvert, de la chair crue de phoque. Ce n’est surtout pas le temps ni le moment de faire la fine bouche, car ils ne sont pas peu fiers de leur offrande. Après quelques jours en leur compagnie, nous reprenons la mer...

 

…et accostons, au terme de ce long périple, dans la partie la plus australe de l’Amérique du Sud, le Cap Horn. Nous avons eu du mal à le franchir, à cause de ses tempêtes mortelles, mais ce qui s’offre à nos yeux n’a pas de nom. C’est grâce à Francisco Coloane, cet écrivain touchant et profondément humain, que nous y sommes parvenus. Mais je dois avant tout la découverte de cet auteur au Bison des grandes plaines, proprio du Ranch sans nom.

 

Pour lire son magnifique billet aux saveurs marines

Il faut clicker ici

       

Le marin Manu en garde aussi des images mémorables :-)

 

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Quelques photos de la Patagonie, prises par Sophie, ma voyageuse d’amie. Pour en voir d’autres, C'est ici

 

Sous le lien « Les voyages de Sophie », il y a une tonne d'autres magnifiques photos…

 

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21 avril 2014 1 21 /04 /avril /2014 22:24

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« Frida a formé des disciples qui figurent aujourd’hui parmi les éléments les plus remarquables de la génération d’artistes mexicains. Elle impulsa toujours en eux la préservation et le développement de la personnalité dans leur travail en même temps que le souci de clarté sociale et politique des idées » - Diego Rivera

 

« Ma peinture porte en elle le message de la douleur, chaque touche de pinceau est une trace de souffrance » - Frida Kahlo

 

« Ni toi, ni Derain, ni moi ne savons peindre des visages comme ceux de Frida Kahlo. » - Pablo Picasso à Diego Rivera

 

À l’époque où j’ai lu cette biographie de Frida Kahlo, je revenais, bouleversée, d’une exposition de peinture à Toronto intitulée « Frida & Diego : Passion, Politics and Painting ». Je me souviens avoir ressenti cette même fébrilité un certain jour d’avril, au Musée Rodin, face aux productions artistiques sculpturales du maître et de son élève, Camille Claudel. Devant les œuvres de ces artistes, je m’étonne chaque fois d’être prise d’un sentiment de vulnérabilité qu’il m’est difficile d’exprimer, car sans doute est-il à l’image de cette femme passionnée qui vibre en moi. Mes yeux se mouillent, une émotion dense et fragile émane de mon âme et je me sens si petite devant toute cette grandeur. Je voue une fascination indescriptible aux couples d’artistes, particulièrement ces deux-ci, qui ont lutté toute leur vie pour tenter d’atteindre un équilibre difficile entre leur passion commune de l’art et celle de leurs sentiments, qui mena les amants, dans un cas comme dans l’autre, à la folie.

 

Frida et Diego, ce couple passionné et un peu fou, a révolutionné l’art du vingtième siècle au Mexique et dans le monde entier. Outre des bases classiques chez les deux, leurs arts étaient engagés dans des voies différentes, Diego ayant travaillé la murale, Frida choisissant les œuvres sur toiles. Si, une vie durant, ils ont vécu dans la complicité du regard porté sur le travail de l’autre, leur personnalité, à la fois passionnée et impulsive, les mena vite à un amour destructeur, dont Frida n’est jamais ressortie indemne, comme Camille Claudel… 

 

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Contrairement à tout ce que j’ai lu de ces deux artistes, Rauda Jamis apporte un regard nouveau à plusieurs égards, notamment sur le premier amour de Frida, Alejandro Gomez Arias. Si les écrits associent instinctivement Diego à Frida, Jamis brise cette alliance le temps de nous parler d’un homme qu’elle a profondément aimé, tout autant, sinon plus, que Diego. Au moment où leur tramway frappa un train et bouscula à jamais la vie de cette femme, Alejandro se trouvait à ses côtés. Ils étaient heureux, complices. Mais de cette première idylle amoureuse vint, quelques années plus tard, le premier chagrin. Frida s’est longtemps refusée de voir la fin de leur relation, disant qu’il était la seule personne la rattachant à la vie, suite aux noirceurs qu’avait provoquées en elle l’accident qui lui fut presque fatal.

 

« Ce fut un choc étrange ; il ne fut pas violent, mais sourd, lent, et il malmena tout le monde. Et moi plus que les autres. (…). Il est faux de dire qu’on se rend compte du choc, faux de dire qu’on pleure. Je n’eus aucune larme. Le choc nous déporta vers l’avant et la main courante me traversa comme l’épée le taureau. » - Frida Kahlo

 

« Fracture de la troisième et de la quatrième vertèbre lombaire, trois fractures du bassin, onze fractures au pied droit, luxation du coude gauche, blessure profonde de l’abdomen, produite par une barre de fer qui est entrée par la hanche gauche et ressortie par le sexe. Péritonite aiguë. Cystite nécessitant une sonde. »

 

Les conséquences de ce lourd diagnostic la clouèrent de longs moments sur une chaise roulante ou sur un lit dont elle ne pourra à peine bouger. Cet immobilisme donna naissance à la plupart de ses oeuvres, dont la majorité furent des autoportraits, qu’elle peignit à l’aide d’un miroir suspendu au plafond de son lit. Elle extériorisa, par ce médium, l’image d’un corps meurtri, renvoyé par les échos visuels de la glace, mais aussi celui d’une âme en mal de vivre. Frida ne pourra jamais plus avoir d’enfants et n'en fera jamais le deuil. Ses nuits étaient hantées par des cauchemars récurrents. Elle souffrait de dépression, d’une peur panique de la mort, d’une profonde dépendance, d’un épuisement permanent, d’ennui. Rebelle, elle se vêtit, un temps, comme un homme, avec des pantalons à revers et une chemise, ce qui était assez contrastant et provocateur, pour l’époque. Bisexuelle, elle a entretenu des liaisons amoureuses et intimes avec des femmes connues du milieu artistique, en plus de Léon Trotsky, qui glissait des lettres d’amour dans les livres qu’il lui recommandait de lire. À cette époque, les deux couples, Natalia et Léon Trotsky, Frida et Diego, vivaient ensemble dans la maison bleue. Frida eut envie de se dégager de l’emprise affective de Diego, dont elle souffrait atrocement des innombrables infidélités qu’il lui imposait.

 

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La maison bleue

 

 C'est lors d’une « chaude soirée animée et bien arrosée », chez un militant communiste cubain, qu’elle fit la connaissance de Diego. À l’époque, il revenait de Moscou où il avait assisté au dixième anniversaire de la Révolution d’Octobre, dont il avait peint une immense murale. Diego croyait que par son œuvre, à grande échelle, il « participait à rendre le monde meilleur ». Communiste, il participa à la révolution mexicaine. On le qualifiait d’excessif, de colérique, de mythomane, de bon vivant, aux actes démesurés, de provocateur, d’infidèle (épouse Frida, divorce, fréquente sa sœur, revient auprès d’elle, a de nombreuses maîtresses à la fois, dont il eut plusieurs enfants pour lesquels il n’assura jamais sa paternité), de scandaleux et aussi bien couvert d’éloges que d’insultes. Pas très beau, du haut de son physique imposant, il était « sanctifié par l’aura de l’artiste »…

 

La situation s’envenime, Diego se plaint des coûts occasionnés par les soins médicaux de Frieda. Et c’est la fin… La confrontation de deux génies, habités d’une même passion, s’éteint. Non sans avoir laissé derrière eux un héritage artistique hors du commun. Une histoire émouvante…

 

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9 février 2014 7 09 /02 /février /2014 04:59

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Je dois à Zafon la force de l’emprise qu’il a à me faire voyager dans le Barcelone mystique que j’aime tant. Il a le pouvoir d’emprisonner mes pensées pour les mener vers des lieux d’évasion desquels je ne voudrais jamais revenir. Dans ce roman, j’ai revu avec nostalgie La Rambla, menant à la mer, le Parc Guell et ses jardins magnifiques, le quartier gothique, la Sagrada Familia, œuvre grandiose, le marché abondant de la Boqueria, le Palau de la Musica où j’ai été emportée d’émotions par un quatuor à cordes et les pas d’un flamenco… J’ai aussi et surtout revu Gaudi et chaque recoin de son œuvre architecturale qui m’avait initialement amenée à faire ce voyage. Ne serait-ce que pour m’avoir permis de revisiter ces lieux, je suis comblée par le roman… Mais avant tout, et objectivement, il est très bon.  

 

L’histoire se situe donc à Barcelone, en période d’avant et après-guerre. Quelques brèves références historiques à la guerre civile opposant les républicains et les nationalistes, ainsi qu’à la chute de Barcelone, viennent alimenter le contexte de l’histoire sans en faire pour autant un roman historique. La prison de Montjuic, qui a gardé sous les verrous les détenus politiques sous Franco, est au cœur de ce roman énigmatique. L’atmosphère est chargée, elle donne froid dans le dos. Il s’agit sans doute du tome le plus noir de cette trilogie, car si les deux premiers tomes nous laissaient l’empreinte mystique, voire enchanteresse, des quartiers gothiques de la ville, celui-ci nous plonge dans l’univers sinistre du milieu carcéral et des sentiments fragiles.

 

Nous retrouvons quelques personnages tels que Daniel Sempere, chez qui la magie de l’enfance a laissé place aux soucis et aux responsabilités familiales. Fermin sera le principal acteur. Nous découvrirons enfin les énigmatiques David Martin et Julian Carax, même si certains questionnements me sont restés à leur sujet. Et surtout, nous sommes ramenés au cœur du Cimetière des Livres Oubliés, ce lieu que j’ai envié Daniel de découvrir. Tout au long de ce roman, on est transporté par l’amour, celui du cœur et des sentiments, par la fidélité de l’amitié et les fantômes qui se cachent derrière les réminiscences du passé… Ah…! Zafon, je l’aime, tout simplement…

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