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28 mai 2023 7 28 /05 /mai /2023 00:30

Lieu : Brésil

Lever du soleil : 06 h 31 - Coucher du soleil : 17 h 47

Décalage horaire : +2 heures

Météo : 22° C, soleil de plomb

Latitude : -15.793889 - Longitude : -47.882778

Musique : James Bond Theme • Monty Norman & John Barry

Un Verre au Comptoir : Cocktail de Caïpirinha

 

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« Un crime scientifique est toujours laborieux. Ce n’est pas un hasard si la plupart des assassins préfèrent résoudre le problème à coups de pistolet automatique.» 

Un hélicoptère de la police tourne dans le ciel. Flack Flack. Le bruit des pâles qui brassent l'air chaud et étouffant de cette fin d'après-midi. Schlack Schlack. Des bruits, des rumeurs, une descente de police au soleil tombé. La butte est encerclée. Les premiers tirs commencent, fusils AR-15 et HK-47, comme à un concert de hard-rock, explosions de grenades, comme à un concert de funk. Mais ici, favela Berimbau, Rio de Janeiro, c'est la samba qui coule son rythme sur une terre de poussière et de linges colorés séchant au vent. Une fumée épaisse. Puis le silence au petit matin. Les débris d'un hélicoptère. Du sang séché mêlé à la poussière. La vie reprend. Les policiers ont été refoulés à l'extérieur de la favela. Boum. Les tambours rejouent la joie de vivre, l'insouciance pour oublier la peur ou la misère. Boum. On compte les morts dans chacun des camps. Mais la butte reste là, fidèle à son point de vue. Les guetteurs reprennent du service. Le regard porté sur le vent. Attendant la prochaine livraison. De drogue. D'armes. De larmes. Boum. Une musique défile dans l'étroitesse des ruelles. Le carnaval toute l'année...

D’autres bruits, d’autres rumeurs. Des sifflements SSSSSSSSSSS. Sao Paulo, Boum! La morsure… Ici on joue dans la cour des contrebandiers de venin lyophilisé. Il n’y a pas que le brocoli déshydraté version camping sauvage qui se lyophilise, on en apprend chaque jour. Tension qui faiblit, maux de tête, vomissements ; ce ne sont que quelques symptômes que vous pourriez vous estimer chanceux d’avoir. Car la vipère du désert, Échis carinatus pour les intimes, la plus mortelle, ne fait pas que vous arracher quelques remontées gastriques incommodantes. Son poison névrotoxique vous paralyse les muscles et vous envoie six pieds sous terre avant même que vous n’ayez eu le temps de recevoir une dose de sérum qui, de toute manière, n’aura aucun effet contre la Bête. Ici, l’Enfer a la langue bifide et aucune pitié pour les maris infidèles, encore moins les Ronald. Quand on est biologiste membre de l’Association d’erpétologie, on en connait large sur les substances toxiques et les empoisonnements de toutes sortes. C’est une sacrée idée de génie que d’utiliser le serpent comme arme de crime. C’est nettement plus propre et ne laisse aucune trace. Vite fait, bien fait. Chapeau Fulvia! Gangster Queen de première!

Petit Roi et ses soldats est devenu le Prince de la favela. Le maître qui promène ses pitbulls avec une horde féminine prête à lui apporter une bière fraîche. Et plus si affinité (deux bières ? un whisky ? Juste un doigt) et avec le roi dollar, affinité il y a. SSSSSSSS, ce serpent qui glisse entre ses cuisses. Et dire que sa mère veut l’envoyer à l’école… A quoi sert de résoudre une équation, si la seule inconnue de ta vie est de savoir qui sera le prochain qui te plantera un couteau dans le dos. Bullet in the head. C’est pour cette raison que Petit Roi, du haut de ses seize ans, a son propre code de conduite : tue ceux qui te gênent, sans remords, sans semonces. Tuer ou être tuer, il n’y a que ces deux alternatives dans la favela Berimbau. Shakespeare in favela. L’éloge de l’Enfer tu vis, comme tu bois un jus vert.

Tuer ou être tué, Licence to kill, mais trouver le bon endroit, le moment propice. Crotalus durissus, le féroce, l’assassin, que même Bond ne saurait déjouer. Désolée James, échec et mat! Sur ce coup aucune chance, pas même pour Petit Roi, ses pitbulls et ses Bond girl, alors oublies la bière fraîche, tu devras aller te servir toi-même au frigo et tandis que tu y es, je prendrais bien un p’tit jus vert… Mais pour revenir à nos reptiles carnivores, je vois de ma fenêtre empoussiérée de chaleur Fulvia The Queen et son José, main dans la main et s’embrassant à tout vent, s’adonner à une petite ballade estivale dans le parc, mine de rien, lui avec son Sucuri - genre anaconda de six mètres - et elle avec son python burma albina, tous deux serpentant librement dans l’herbe. Les pitbulls n’en menaient pas large, ils faisaient moins les malins face à leurs copains aussi longs qu’affamés de chair fraîche. Parlant fraîcheur… dois dedos di cachaça fresco por favor! Rápido macho!!! 

Alors tu montes sur la butte, là où les serpents ne se baladent pas à découvert, une sorte de mirador sans les barbelés autour, mais avec une myriade de fils électriques qui pendent de partout. Tu poses ton regard sur l’horizon et tu vois un champ d’antennes satellites qui poussent comme des marguerites après une pluie d’eau tiède. Tu respires encore la poudre d’hier, cette odeur de soufre dans l’air. Les yeux rougis par l’autre poudre que tu t’es collée dans le nez, tu écoutes le son de la vie : des postes de télévision branchés 24h sur 24 sur des novelas à l’eau de rose, des ghettos-blasters qui crachent des onomatopées de hip-hop, des caisses claires qui cognent dans ce labyrinthe. Tout ça, c’est ton territoire. Fragile. En un clin d’œil, l’honneur, l’argent, les armes peuvent te basculer en « Enfer ». Seul avec ton venin dans les veines, la cachaça.     

 

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Nos lectures :

 

« Enfer » (CLICKER)

et

« Éloge du mensonge » - Patricia Melo

 

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Musique (CLICKER)

James Bond Theme • Monty Norman & John Barry

 

 

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Les Escales

Un trip littéraire composé à 4 MAJEURS (CLICKER)

 

Prochaine escale : l'Angleterre

2 décembre 2022 5 02 /12 /décembre /2022 23:56

Lieu : Finlande

Lever du soleil : 8h45 | Coucher du soleil : 15h29

Décalage horaire : +7 heures

Météo : -1°C, venteux

Latitude : 60° 11' 31.4124'' NLongitude : 24° 56' 44.9916'' E

Musique : Värttinä - Seelinnikoi

Un Verre au Comptoir : Salmiakki Koskenkorva

 

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Fair Play by Tove Jansson

 

 

«Il n’y a pas de silence aussi absolu que celui imposé par l’attente dans le brouillard en pleine mer »

Il m’est plus d’une fois arrivée de m’imaginer sur une île déserte. Celle de Västerbådan, entre la Finlande et la Suède, dans le golfe de Botnie, se prêterait bien à mes rêveries. Amarrée sur la grève, quelques coups de rames me mèneraient à Kvarken, l'archipel du silence. En poussant l’audace de mes songes encore un peu loin, je m’y trouverais avec Tove Jansson et l’un de ses comparses, Pipo, le meilleur ami de Moomin. Le regard porté à l’horizon, il nous jouerait des airs d’harmonica. Le rêve est de loin le plus fidèle des compagnons de route…

...Bonjour, vous êtes sur les ondes de Yle Radio Suomi, ne quittez pas dans quelques minutes en direct de Heinola, nous vous présenterons le grand évènement sportif du week-end, le championnat du monde de Sauna. Retrouvez-nous juste après cet instant de communion avec Children of Bodom en concert au Tuska Open Air Metal Festival...

Dans cet espace de tranquillité, Tove me parlerait de Jonna et Mari, de vieilles connaissances. Elles ont, il y a fort longtemps déjà, été de l’équipage du Viktoria, un petit bateau viking d’une dizaine d’âmes, membres de l’équipage compris. L’évocation de ces souvenirs arracherait quelques larmes à mon amie finlandaise - tristesse ou tremblements - l’histoire le dira. Cette nuit-là régnait sur la mer un spectacle à la fois grandiose et étrange…

...Radio Yle, je rappelle certains points du règlement officiel de la compétition : la température de départ est de 110 degrés Celsius. Un demi-litre d’eau est versé sur le poêle toutes les 30 secondes, le dernier concurrent quittant le sauna est déclaré vainqueur. La longueur des maillots de bain ne peut excéder 20 centimètres, il est interdit de parler, de se toucher ou de toucher l’adversaire, les concurrents doivent restés assis le dos droit, fesses et cuisses contre le banc. Après le flash météo, je reviendrais vous présenter le vainqueur des trois précédentes éditions ainsi que son grand challenger…

En fin de soirée, un brouillard glacial s’était levé qui fit place, le soir venu, à un puissant orage embrasant la nuit céleste, voilant les étoiles. Des profondeurs marines, un long bourdonnement, les grondements de la mer déchaînée. À cette tempête de décembre se mêlait le blizzard. Les vents les feront dériver puis s’échouer, pour se retrouver du côté de Tallinn, non loin du port. Quelques coups de rames, mêlés à une marée favorable, suffirent à les faire s’amarrer et rejoindre la Terre ferme. Il s’en est fallu de peu. Vittu! La vie est fragile… Il suffit parfois d’en prendre conscience pour savourer l’instant présent. Réflexions faites, ils prirent le chemin de la ville médiévale et s’offrirent un aquavit estonien digne de ce nom. 

…Niko le triple champion du monde remet donc en jeu son titre. Hardeur professionnel dans le monde du porno alternatif. Ne souriez pas ma chère Nadine, c’est une chose - si je dois appeler chose cet instrument de plaisir - sérieuse en Finlande. Le porno alternatif, c’est la Finlande même, surtout blonde, avec sa propre charte : choix des partenaires, recherche du plaisir, refus de l’humiliation. C’est une sexualité exhibitionniste consensuelle et authentique. Doux, équitable et intello. Un « label bio ». Oui j’ai enquêté en profondeur sur le sujet, on est journaliste ou pas, conscience professionnelle… A ma droite donc, encore dans son peignoir gris, Igor considéré comme l’éternel challenger, trois fois second. Un physique maigrichon voir laid comparé à la musculature imberbe de notre star du porno finlandais… 

Attablés au Labor Baar, l’akvavit réchauffait le gosier. C’est alors qu’une agitation se fit sentir, des cris d’encouragement, des exclamations étonnées de Vikings surexcités! Nos rescapés se retournèrent et virent, sur les ondes de Yle Radio Suomi que renvoyait une immense télé de 292 pouces, le très célèbre Championnat du monde de Sauna ! Tenir à 110 degrés Celsius relève du miracle. De quoi faire fondre une banquise…

…J’interromps tout de suite les programmes, les finalistes se présentent devant l’entrée du sauna. Igor semble contracté par l’enjeu, le sourire crispé, le regard noir. Il sait ce qu’il l'attend dans quelques secondes. Niko, surnommé également le Pieu de Thor, le sourire aux lèvres, entouré de son fan-club composé essentiellement de poupées Barbie blondes, parait à l’inverse totalement décontracté si ce n’est cette érection visible dessous son peignoir. Ne rougissez pas ma chère Nadine, c’est la vie et le dilemme de Niko qui en a retourné des culs et des cœurs dans la gente féminine tout au long de sa carrière. La sono est à fond. Les cris d’une foule en délire, Thunder ! Thunder !, le riff d’Angus démarre, la porte du sauna se referme sur les derniers finalistes… Thunder ! Thunder !   

« Il y a des espaces vides que l’on doit respecter, des périodes, souvent longues, où l’image s’esquive, où les mots refusent de se présenter et au cours desquelles on a besoin de tranquillité. »

 

 

Tove Jansson (1914-2001)

 

 

Moomins - Wikipedia

 

 

 

NOS LECTURES :

 

« Chaleur - CLICKER » - Joseph Incardona

et

« Fair Play» - Tove Jansson

 

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MUSIQUE:

Värttinä – Seelinnikoi

 

Värttinä music, videos, stats, and photos | Last.fm

 

Écoutez en CLICKANT

 

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Les Escales

Un trip littéraire composé à 4 MAJEURS (CLICKER)

 

Prochaine escale le Brésil

9 juillet 2022 6 09 /07 /juillet /2022 08:49

Lieu : Congo

Lever du soleil : 6h07 | Coucher du soleil : 18h00

Décalage horaire : +5 heures

Météo : 30 degrés C, 65% d'humidité

Latitude : 0° 39' 38.08" N | Longitude : 14° 53' 47.69" E

Musique : Black Bazar - Alain Mabanckou

Un Verre au Comptoir : Une Ngok congolaise bien fraîche

 

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Viens, assieds-toi, prends-toi un tabouret, je t'offre une bière, tu veux ? Presque minuit, l'heure des chauves-souris et des chats gris qui fouillent dans les poubelles de ce boui-boui. Viens, n’aie pas peur du noir, j'aime la pénombre, ça dissimule ma tristesse. Qu'est-ce que tu prends ? Une Sierra Nevada, jolie. Le silence s'installe autour du comptoir, un instant évaporé loin du brouhaha de la piste de danse où les gazelles noires, de leur pagne coloré, bouge leur arrière-train de façon provocante, ces filles habillées comme si elles n'étaient pas habillées, on voit tout gratuitement, mais je ne vais pas m'étaler ici, autrement on va encore dire que moi j'exagère toujours et que parfois je suis impoli sans le savoir...

Tu veux une deuxième bière, mon histoire est longue et parler me donne toujours soif, à croire que mes mots viennent du désert. Pas si longue que ça, quoique ça fait longtemps que je n'ai pas revu mes cours d'anatomie, non mon histoire dure trois jours. Tu t'en souviens toi, de ces trois longues journées du samedi 19 mars 1977 au lundi 21 mars 1977. Oui, je vois, tu y étais aussi. A Brazzaville ? Moi, j'étais à Pointe-Noire, fier de mon uniforme d'écolier, de mes baskets à la mode Bruce Lee et de ma chemisette à l'effigie de notre bon camarade président Marien Ngouabi. Je me souviens que Papa Roger écoutait, sous le manguier, La Voix de la Révolution Congolaise, une bouteille de vin rouge à ses pieds. Maman Pauline devait préparer à manger, peut-être qu'elle faisait ses beignets, recette appliquée de cette jeune béninoise qui les vend aux abords du marché. Mais depuis plusieurs heures, il ne passait que de la musique soviétique. Alors de son Grundig Papa Roger est passé sur La Voix de l'Amérique, parce qu'il est bien connu que l'Amérique sait ce qui se passe parce qu'elle a des espions partout. C'est là qu'on a appris que notre bon camarade président Marien Ngouabi s’est fait lâchement assassiner à 14H30, une heure où la sueur dégouline pour qui ne fait pas la sieste... et que Papa Roger a recraché son vin rouge...

Je veux bien d’une Ngok congolaise bien fraîche et comme je n’ai pas peur du noir ni même du silence, je m’attarderai dans cette gargote en mémoire à notre célèbre Robinette et son verre cassé. Ah cette Robinette, un délice, quelle grâce ! À mon corps défendant je dois quand même dire qu’il m’a manqué dans ce livre les odeurs du Congo, de Brazzaville et son quartier de Bacongo, la terre natale de Mabanckou. Et tout ce que l’Afrique évoque de saveurs, d’odeurs, de couleurs, comme ces jolis boubous. Ça me dirait bien d’en porter, même si en passant par la ligne orange du métro, direction McGill, je détonnerais un peu, mais qu’importe. Hum et les odeurs alléchantes de fumée dans la bicoque de maman Mabanckou, le porc et le manioc cuit à l’étouffé dans des feuilles de bananiers. Danser le ndombolo jusqu’aux petites heures du matin, soukous, mamba, eyenga en lingala, festoyons ! Et rendre hommage à Martin Luther King Jr., à son épique discours, le plus grand des grands : I have a dream today… Je l’écoute en boucle depuis des années, épique ! Presqu’autant que SOYCD. Mais là je m’égare dans les effluves de ma Ngok…

Notre cher Alain vit désormais au centre de Los Angeles, du moins à l’époque du livre. Je l’écoute me parler de son Amérique, son Hollywood, regorgeant de descendants de migrants : Natalie Portman, Nicole Kidman, Charlize Theron et les belles de ce monde. Il me parle aussi des écrivains qu’il admire, James Joyce, Jorge Luis Borges, Bertold Brecht… Ernest J. Gaines, ce vieil homme de la Louisiane, auteur afro-américain et de son célèbre Dites-leur que je suis un homme. J’ai aimé ce livre plus que tout ! Et Malibu Beach, l’une des plus belles plages de l’océan Pacifique, je m’y suis baignée il y a quelques années, je n’ai pas croisé Pamela Anderson ni même Jeremy Jackson. C’est dommage quand même…

Il vit là-bas sous un climat tempéré, qui s’apparente à son Afrique natale, le soleil, les vagues. Il dira que Santa Monica occupe la même place dans mon cœur que ma ville congolaise de naissance, Pointe-Noire. C’est une petite Afrique sans Noirs. J’aime aussi l’entendre parler de sa rencontre avec un clochard africain. De son voisin coréen Chin-Hae. De son balcon avec vue sur les palmiers, où il écrit, une photo de Cassius Clay alias Ali fixée au mur… Float like a butterfly, sting like a bee. De son amie écrivaine danoise Pia Peterson.

Mais lorsqu’il me parle du Circle Bar, mes papilles sont en effervescence et c’est le moment choisi pour me reprendre une Ngok bien fraîche, mon âme envolée vers les terres congolaises qu’il me tarde de découvrir, un jour…

Mais ce soir, loin du Santa Monica Beach Club, le Congo a peur. La radio ne le dit pas mais je le sens dans les yeux de Maman Pauline ou la sueur de Papa Roger. Dans la rue, les cris des enfants en train de jouer ont été remplacés par des tirs de kalashnikov. D’ailleurs, il n’y a plus d’enfants. Plus aucun klaxon venu claironné à la nuit tombée ; Il n’y a plus de voitures non plus, sauf des convois militaires ou miliciens venus ramassés des individus apeurés ou des corps fusillés. Même dans les bars où les plus belles femmes noires s’assoient attendant qu’un vieux aux cheveux gris vienne lui poser sa main sur sa croupe en lui demandant ce qu’elle boit, ces corps d’ébène se retrouvent figés dans la stupeur et la tristesse. Ils ne bougent plus alors qu’un corps comme ça, luisant de sueur et de chaleur, est fait justement pour faire pétiller le regard des messieurs mais je ne vais pas m'étaler ici encore une fois, autrement on va encore dire que moi j'exagère toujours et que parfois je suis impoli sans le savoir... Alors j’allume une dernière fois la radio, fini les beaux discours, place à la musique. Et là, je revois enfin le sourire de tous ces beaux culs danser devant mes yeux.

 

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« I have a dream that one day this nation will rise up and live out the true meaning of its creed: "We hold these truths to be self-evident; that all men are created equal."

I have a dream that one day on the red hills of Georgia the sons of former slaves and the sons of former slave owners will be able to sit down together at the table of brotherhood.

I have a dream that one day even the state of Mississippi, a state sweltering with the heat of injustice, sweltering with the heat of oppression, will be transformed into an oasis of freedom and justice.

I have a dream that my four little children will one day live in a nation where they will not be judged by the color of their skin but by the content of their character.

I have a dream today.

I have a dream that one day down in Alabama, with its vicious racists, with its governor having his lips dripping with the words of interposition and nullification, that one day right down in Alabama little black boys and black girls will be able to join hands with little white boys and white girls as sisters and brothers.

I have a dream today.

I have a dream that one day every valley shall be exhalted, every hill and mountain shall be made low, the rough places will be made plain, and the crooked places will be made straight, and the glory of the Lord shall be revealed, and all flesh shall see it together.

This is our hope. This is the faith that I will go back to the South with. With this faith we will be able to hew out of the mountain of despair a stone of hope. With this faith we will be able to transform the jangling discords of our nation into a beautiful symphony of brotherhood.

With this faith we will be able to work together, to pray together, to struggle together, to go to jail together, to stand up for freedom together, knowing that we will be free one day.

This will be the day when all of God's children will be able to sing with new meaning, "My country 'tis of thee, sweet land of liberty, of thee I sing. Land where my fathers died, land of the Pilgrims' pride, from every mountainside, let freedom ring."

And if America is to be a great nation, this must become true. So let freedom ring from the prodigious hilltops of New Hampshire. Let freedom ring from the mighty mountains of New York. Let freedom ring from the heightening Alleghenies of Pennsylvania.

Let freedom ring from the snow-capped Rockies of Colorado. Let freedom ring from the curvaceous slopes of California. But not only that; let freedom ring from the Stone Mountain of Georgia. Let freedom ring from Lookout Mountain of Tennessee.

Let freedom ring from every hill and molehill of Mississippi. From every mountainside, let freedom ring.

And when this happens, and when we allow freedom ring, when we let it ring from every village and every hamlet, from every state and every city, we will be able to speed up that day when all of God's children, black men and white men, Jews and gentiles, Protestants and Catholics, will be able to join hands and sing in the words of the old Negro spiritual, "Free at last! Free at last! Thank God Almighty, we are free at last!" »

Martin Luther King's - I have a dream speech August 28, 1963

 

 

 

Nos lectures :

 

« Les cigognes sont immortelles (clicker) » - Alain Mabanckou

et

« Rumeurs d’Amérique » - Alain Mabanckou

 

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 Modogo Abarambwa, Alain Mabanckou, Sam Tshintu

 

CLICKER POUR ÉCOUTER

 

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Les Escales

Un trip littéraire composé à 4 MAJEURS (CLICKER)

 

Prochaine escale : la Finlande

15 avril 2022 5 15 /04 /avril /2022 13:58

Lieu : Vietnam

Lever du soleil : 5h38 | Coucher du soleil : 18h16

Décalage horaire : +11 heures

Météo : 25 degrés C, nuageux

Latitude : 14.0583° N  | Longitude : 108.2772° E

Musique : Dang Thai Son plays Chopin - live recital 1985

Un Verre au Comptoir : Un sinh to bien frais

 

 

 

 

 

« Depuis tout ce temps je me disais que nous étions nés de la guerre, mais je me trompais, maman. Nous sommes nés de la beauté. Que nul ne nous confonde avec le fruit de la violence-mais cette violence a beau avoir traversé le fruit, elle n'a pas réussi à le gâter. »

 

Si je t’écris cette lettre, aujourd’hui, c’est avant tout par besoin de mettre en mots notre histoire familiale. J’ai mis du temps à la retracer, mais encore davantage à l’intégrer à ma chair qui porte en elle l’héritage des blessures qui m’ont été transmises. J’ai compris, maman, que les tiennes te venaient d’une mère traumatisée par les bombes ennemies au Vietnam, que grand-mère et toi avez toutes deux été hantées par la guerre et les camps philippins vous retenant en otages avant de migrer dans le Connecticut. Que vous avez fui, avez connu l’horreur, l’indescriptible, l’exil, le déracinement…

Je t’écris cette lettre sachant que tu ne la liras jamais, puisque tu es analphabète, en cela les mots sont un témoignage, écrit avec sincérité, de l’histoire qui me lie à la fois à mes ancêtres et à l’homme que je suis devenu, dans une société me torturant chaque jour par son intolérance.

Si je t’écris cette lettre, c’est pour me libérer et m’éloigner du passé, en venir à comprendre tes poings de jadis sur mon corps d’enfant. Pour saisir ta rage, les douleurs atroces en toi qui te poussaient dans de tels élans de colère et de violence parfois. Et puis, malgré tout, je n’ai jamais pour autant cessé de t’aimer. Ces derniers mots, je te les prononcerai de vive voix…

Si j’écris ce livre, aujourd’hui, c’est avant tout pour témoigner, pour partager, pour mettre des mots sur les maux d’un peuple. J’ai quitté ma terre, un jour, une nuit, mais elle ne me quitte pas. Je suis parti, j’ai Visité d’autres lointaines contrées, mais je reviens toujours à ce Vietnam natal. Dès que je sens l’odeur d’une soupe tonkinoise, je reVis, Vi c’est d’ailleurs mon prénom, Vi comme dans inVisible et aussi un peu comme dans Vie, car après tout il est question de Vivre en dehors de son passé, de ses racines surtout. 

Si j’écris un peu de mon histoire, c’est pour te faire découvrir la personne que je suis. Enfouie dans un passé que j’ai fui, je replonge dans les souvenirs, les odeurs de la mémoire. J’entends des rires d’enfants jouant à la marelle dans la ruelle. J’entends des bombes venant s’écraser dans le jardin de ces mêmes enfants. J’entends et je reVis la sombre histoire de mon passé.

Et je respire la chaleur de cette soupe tonkinoise avec ses petits légumes taillés finement. Un mélange de citronnelle et de ciboulette s’échappe de la cuisine itinérante de mon esprit. Je revois ma mère, ma grand-mère, toutes trois attablées, préparant le repas dominical. J’avais huit ans quand la maison a été plongée dans le silence.

 

« J’écris parce qu’ils m’ont dit de ne jamais commencer une phrase par “parce que”. Mais je n’essayais pas de faire une phrase – j’essayais de me libérer. Parce que la liberté, paraît-il, n’est rien d’autre que la distance entre le chasseur et sa proie. »

 

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Nos lectures :

 

« Vi » CLICKER  Kim Thuy

et

« Un bref instant de splendeur » - Ocean Vuong

 

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Dang Thai Son plays Chopin - live recital 1985

 

 

ICI POUR l'ÉCOUTER

 

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Merci ma Lili de m’avoir fait découvrir ce livre MAGNIFIQUE <3

 

 

Les Escales

Un trip littéraire composé à 4 majeurs

 

Prochaine escale : le Congo

5 septembre 2021 7 05 /09 /septembre /2021 16:49

Lieu : Cagliari - Italie

Lever du soleil : 6h57 | Coucher du soleil : 19h48

Décalage horaire : +6 heures

Météo : 27 degrés C sous les nuages

Latitude : 39.2238°  | Longitude : 9.1217°

Musique : Adagio d’Albinoni

Un Verre au Comptoir : Prosecco de la King Valley

 

 

 

« Faire semblant, ça non, mais tu sais ce qui est arrivé à ta mère? Elle s’est sentie trop petite par rapport à ce qui se passait dans sa vie, je parle de cette histoire de ton père avec l’étudiante. Parfois, la vie est trop grande pour nous. Alors, comme font les enfants, elle a pleuré de désespoir jusqu’à en tomber d’épuisement, et elle ne s’est toujours pas réveillée. Et à mon avis, elle a bien fait. »

De la fenêtre, vue azuréenne sur la Méditerranée. Une eau, un ciel, tous deux parés d’un bleu magnifique, aussi bleu que le bikini éclatant de Francesca et d’Anna. En bon pervers, je les mate toutes deux, le sourire enfantin, l’insouciance dans le blanc des yeux, le regard de défi perpétuel... En face, l’île d’Elbe, une terre de vacances juste à côté, mais pourtant si loin des habitants de Piombino. Une barre d’immeubles, gris sale et à la fenêtre un bon père qui mate aux jumelles cette plage où la jeunesse de cette cité industrielle s’échappe. Pas voyeur, non. Lui, il rage, il enrage de voir sa fille habillée comme une pute. Ça va cogner à son retour, hé oui, y’a des types comme ça.

Même immeuble, autre étage, et donc autres mœurs, une mère qui enchaîne les heures de taf à l’hôpital, au lieu de s’occuper de la marmite, un père dont l’absence et la fidélité laissent entrevoir un nouveau beau portrait de famille. La fille, elle, est à la plage, bikini magnifique. Je l’ai déjà dit ? De quelle couleur ? Pervers, je suis. En attendant, pour me remettre de ces émois, celle d’une vue sur la mer, le silence des vagues, je rêve de spaghettis alle vongole... Je les prendrais al dente, avec un verre de Greco di Tufo, l’âme portée sur l’île d’Elbe, au loin la Sardaigne, au premier plan les premiers bikinis de l’été.

De la fenêtre de mon appartement où j’habite un petit entresol obscur côté rue, j’ai vue sur le stationnement. Ce n’est pas le paradis cinq étoiles et je n’entrevois aucunement la mer, ne serait-ce qu’infiniment, par un quelconque interstice. Mais mon bonheur me vient d’ailleurs, ou plutôt, il m’est venu au contact de Mr. Johnson, le voisin du dessus. À vrai dire, cette joie ne m’habitait pas d’instinct depuis que papa est mort et que maman a perdu la tête. Ce sont mes grands-parents maternels qui ont d’ailleurs acheté cette unité, prétextant que la mer me ferait du bien. Et j’y viens depuis l’âge de dix ans, depuis cette « catastrophe » qui a noircit le ciel de mon enfance. 

Même immeuble, autre étage. Face à la mer dans son appartement cossu de Cagliari qui occupe la totalité du dernier étage, j’ai reconnu sa sincérité au premier regard. J’ai commencé à faire des ménages chez lui, car Mr. Johnson a le moral dans les chaussettes du haut de ses soixante-dix ans. La première fois que je l’ai vu, il avait l’air d’une épave que la mer fait échouer sur les berges de Sardaigne. Lacets défaits, chaussettes dépareillées et vêtements déchirés, je voyais déjà à quel point cet homme est bon, à quel point les apparences sont trop souvent trompeuses. Mr. Johnson est un authentique qui ne cherche à plaire à personne sinon qu’à son public d’autrefois, car Levi fut un célèbre violoniste. À son contact, c’est toute ma vie qui a basculé. Je me suis remise aux spaghettis alle vongole, à la zuppa Gallurese, au pane carasau... Signore quanto è buono!!!

« J’aime le parfum du basilic, l’odeur des omelettes et des bouillons de légumes, celle du pot-au-feu ou des gâteaux pour le petit déjeuner. Anna descend de l’étage du dessus vers neuf heures du soir, Natasha et elle dînent et, s’il y a encore de la lumière dans ma cuisine, Anna se met à la fenêtre et me demande : « Unu zicchedd’e suppa? Pasta cun bagna? Culingionis? »

Respire ces odeurs sensuelles, celle des herbes fraiches qui s’échappent de la marmite, celle du linge étendu à la fraicheur d’un toit d’immeuble, celle de la jeunesse, encore fraîche, dont les rêves s’envolent sous d’autres cieux, un ciel bleu qui se voile d’une colonne de fumée de l’aciérie locale. Tous les regards, lorsqu’ils ne sont pas plongés dans l’azur de la Méditerranée se tournent ainsi vers cette longue cheminée qui découpe verticalement le paysage. L’aciérie est le poumon de Piombino, cette ville sidérurgique si triste aux abords de la côte. On respire son parfum, un mélange de tristesse et de dégoût par moment, qui tranche avec le fumet des mamas italiennes et le sourire des prostituées. Ménagères ou putes, l’avenir tout tracé de ces deux adolescentes dans ce pays d’effluves ensoleillées et d’acier. Respire et ferme les yeux un instant, les embruns iodés se mêlent au parfum de la pasta, le soleil chauffe les barres d’immeuble. Le regard posé sur l’horizon, ligne horizontale de nuances de bleu, une barque sur l’océan. Une goutte, un verre, un océan…

Je me laisse emporter par ces vagues d’émotions, des remous azurs aspirant tous mes sens, danse du vent dans mes cheveux défaits. Sens dessus dessous. J’entends au loin des murmures, des voix, des cris aussi, mille idées qui s’entrechoquent, s’opposent, des langues qui s’allient, se délient, des échos d’italien et de sarde. On partage des secrets mais certains sont muets. On s’aime, on se déchire, on se trahit, on se réconcilie, on se juge et on se comprend, on s’éloigne et on se rapproche, on se laisse découvrir ou on s’isole. On guérit de nos maux. Ou non. On se sépare, on s’aime à nouveau et on se déteste. On apprend, surtout, à vivre au jour le jour. A humer le parfum des quotidiens pluvieux et à s’en faire un bouquet. Je suis malade du cœur, au sens propre comme au sens figuré. Mais je me laisse emporter, par la douceur des heures qui défilent, et je suis sens dessus dessous…

« Vous voyez comme elle était belle, Madame Rosa, avant les événements. Vous devriez vous marier. »

-Je l’aurais peut-être épousé il y a cinquante ans, si je la connaissais, mon petit Mohammed.

-Vous vous seriez dégoûtés l’un de l’autre, en cinquante ans. Maintenant vous pourrez même plus bien vous voir et pour vous dégoûter l’un de l’autre, vous n’aurez plus le temps. » - Citation de Romain Gary en début de roman

 

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Nos lectures :

 

« D'acier » CLICKER - Silvia Avallone   

et

« Sens dessus dessous » - Milena Agus

 

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l'Adagio d’Albinoni a accompagné ma lecture, pour des raisons de coeur

Pour toi, Mance <3

ICI POUR l'ÉCOUTER, SILENCIEUSEMENT

 

Le pavot bleu des Jardins de Métis

 

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Merci BISON (CLICKER) d’avoir partagé ce voyage en Italie, avec tes sabots plein d’poussière galopant dans les îles italiennes, flairant le bon vin…

 

Et merci à toi mon sweet manU de m’avoir offert ce livre, dédicacé par l’auteure <3

 

Les Escales

Un trip littéraire composé à 4 majeurs

 

Prochaine escale : le Vietnam

 

21 mars 2021 7 21 /03 /mars /2021 13:58

Lieu : Cuba

Lever du soleil : 6h44Coucher du soleil : 18h34

Décalage horaire : aucun

Météo : 28 degré C

Latitude : 23.1165 | Longitude : -82.3882 

Musique : Candela de Eliades Ochoa

Un Verre au Comptoir : Ron Cubay

 

 

 

 

 

« La Havane était une putain maquillée empoisonnant les passants, les voyageurs contaminés par sa beauté de bulle mourante qui, dans une seconde, se désintégrera pour ajouter son air à l’air. »

Je débarque sur l'île, poussière de Havane. Un cigare, un rhum, une pute. C'est mon univers, ma prison, ma musique. Dans la rue aux couleurs bariolées, les palaces sont abandonnés, des saxophones jouent des mélopées libres comme le vent d'Est, l'air est chaud et humide. Je m'appelle Pedro et je suis accroc. Addict comme on dit maintenant. Je suis vieux, j'ai survécu à l'île, je me suis repenti mais en 1969, une putain d'année, j'avais quinze ans, et je découvrais l'amour avec Dinorah, une vieille pute quarante ans bien tassée, chaude et humide. Mais son sourire et son expérience firent mon bonheur, surtout celui de ma queue lorsqu'elle s'aventurait dans sa bouche. Sa langue tournait autour de mon gland, moi le vendeur ambulant de glaces, et j'avais beau me retenir pendant des heures, au final, je giclais toujours autour de ses lèvres. J'avais le sexe en feu, tant elle en redemandait. Et entre deux pipes, je laisse le cigare au repos, et j'ouvre la bouteille de rhum. Une giclée dans le gosier, une autre entre ses seins, je lèche cette douceur ambrée. OH!, enlève ton doigt de mon cul, je ne suis pas de ce genre-là. Le soleil se couche au-delà de la mer, les étoiles se réveillent, elles sont mon guide, elles sont là pour me rappeler que de l'autre côté de l'océan, il y a l'Amérique. Ils rêvent tous de mythes, mais les légendes sont rares à Cuba, et la tristesse m'emplit chaque nuit lorsque je fixe la lune bleue au plus profond de son âme. J'ai honte de ce que je suis, alors à la lumière d'une bougie de contrebande, je sors ces vieux livres interdits Truman Capote, Faulkner, Erskine Caldwell, Jean-Paul Sartre, Marguerite Duras, Nietzsche, Wright Mills, Sherwood Anderson, Carson McCullers, Hermann Hesse, Dos Passos, Hemingway... Et je rentre dans ma bulle, mon île, mon rhum. On ne quitte pas comme ça la poussière de sa vie.  

Viva la república española de Cuba! Cette île aux eaux turquoise que l’on quitte toujours avec regrets, avec autant de douleur que la poussière d’une vie. Siempre, toujours... Cuba laisse en chacun de nous une empreinte que même les ouragans les plus mortels n’arriveront jamais à emporter. Le manque s’insinue au fond de nos tripes, ce soleil qui brûle la peau, le vent des îles, sous un palmier. Viens te fondre à ma peau fiévreuse, salsa corps à corps, danse lascive, érotique. Et puis, ferme les yeux, écoute le silence et la mélodie marine des vagues qui s’échouent sur le sable fin et chaud, le sel marin, saveur iodée qui chatouille tes lèvres de mille feux brûlants. Je suis à toi, mi isla, mon « il », des heures à nager dans tes eaux bleu turquoise, en compagnie de Pedro et Rafaël.

Je suis d’ailleurs, hasard ou coïncidence, attablée avec Pedro dans une rhumerie du village. 1969, une année digne de ce nom. Dinorah flotte au son de la musique, paix à ton âme! Guidée par la lune et les étoiles, blue moon, étoile du Sud. Cette bourgade est pleine à craquer d’âmes esseulées. Ça pue le mauvais rhum qui te brûle la gorge, une odeur de vomi d’ivrogne, un nuage d’alcool et de tabac, de sexe passé date. Viva la libertad! Rhapsody in blue de Gershwin est sur la plaque tournante, piano et orchestre, fiesta. Cha-cha-cha, son y triple mango! Rafael Moya est ce gars à l’implacable instinct de survie, il nous rejoint, Pedro et moi, d’ailleurs il est là, pas très loin, dans un nuage de cigare cubain. Cohiba por favor! Sa nouvelle demeure : la prison, pavillon des idéalistes. Né à Trinidad, prisonnier politique cubain, il a dix-sept ans. Dix ans de prison pour atteinte « aux biens de l’État et conduite immorale ». Desgraciado!!! Les histoires ne sont jamais très nettes entre les vices, les viols dans les petits recoins obscurs, les bourreaux de trois cent livres qui te reluquent l’entrejambe, une terreur derrière les barreaux. Mais il faudra lui passer sur le corps à Rafaël, il en a vu d’autres. Mierde, sírveme un ron por favor! Tengo sed. La poussière d’une vie…

« … mais voilà, je n’ai fait que pleurer, pleurer pour la deuxième fois, en désirant que mes larmes soient suffisamment abondantes pour entraîner dans leur torrent l’ordure de l’invisible cachot et la charrier très loin, à travers ce sale trou, de l’autre côté du monde. »

Je ramasse un balai abandonné et balaie ainsi devant le rideau de ma vie la poussière amassée par une nuit sauvage de stupre. La trique au réveil, les lèvres sèches, donne-moi ton rhum lui dis-je, donne-moi ton foutre me dit-elle, le soleil déjà levé et la sueur qui dégouline, déjà, encore, de ses cuisses, de mes aisselles, une odeur de débauche. Je lèche l'ambre de cette vie à Cuba, terre d'accueil, île de prisonniers. Des putains et du rhum, je m'allonge sur cette plage isolée, le regard sur la myriade d'étoiles qui entourent la lune, des putains et du rhum. Pendant des heures, des jours, je garde ce silence en moi, pour moi, le regard triste porté vers la lune, les verres de rhum s'enchaînent, les éjaculations se déchaînent, un saxo furieux crie sa rage en mélopée, Cuba, île de toutes les luxures, Cuba, île de tous les rêves, Cuba, île de tous les désenchantements. Cuba, pulsion de ton cul, ô abandonne-toi dans mes sauvages pensées, prend une guitare, joue la salsa corps à corps ou rhumba cœurs enrhumés, la sauce épicée de la vie, le rhum de l'envie. Cuba, fièvre allure, les yeux clos, la mélodie iodée des vagues s'échouent sur la plage comme autant de radeaux abandonnés, tristes sorts d'une échappatoire impossible. Un cigare, odeur de fumée, le tabac roulé entre les cuisses d'une cubaine, ce doux parfum de fumet respire entre ses cuisses, sent ce bonheur mouillé, les rêves pornographiques, à peine léchés par le flux et le reflux de la marée, le va et vient de moi en toi.

C’est dans ces odeurs de cigares, de promiscuité et de cubaines aux senteurs des îles que le maquilleur d’étoiles - Chichi - entre en scène. Hasard d’une rencontre dans un port de pêche havanais, ça sent le barracuda et autres poissons aussi puants qu’incommestibles pour le commun des mortels. Les gens prennent un coup, le soleil frappe de plein fouet. C’est ainsi que se croisent Chichi, Pedro et Rafaël, trois âmes écorchées. Les deux derniers mendient un refuge, ils sont poursuivis par la police cubaine et là-bas, ça n’rigole pas, si tu ne veux pas finir à Guantanamo, te quedas callado…! C’est alors qu’ils se retrouvent chez Chichi - quinquagénaire distingué - dans un hôtel particulier, bordel bas de gamme pour gens en mal de vivre. On y trouve là un harem de femmes artistes, car Chichi, notre maquilleur d’étoiles, peinturlure les visages des chanteuses, danseuses et divas à froufrous et faux diamants pré-révolution, en autant que ça brille sur les planches des cabarets et music-halls, poudre, fard, rouge à lèvre, nuances de bleus aux paupières, rallonge de cils et faux semblants, il les rend sublimes, quoi qu’elles le sont déjà. Pedro est aux anges dans ce décor, Rafaël préfère la caresse des hommes sur sa peau, jeune prostitué homosexuel. Chichi le prend en charge, il ne sera pas au bout de ses peines, il connaîtra l’amour des sens, s’en abreuvera, s’y saoulera, moyennant un impressionnant pactole de pesos cubains. Viva la vida!

La nuit havanaise se poursuit jusqu’au petit matin. Los Latinos, Beatriz Marquez, Compay Segundo, Ibrahim Ferrer, Benny Moré, Raul Paz, Manuel Licea... Dans le silence du ciel étoilé, je prends part à la fête, Candela de Eliades Ochoa sur la platine. Cette voix et ces notes qui m’emportent vers le large. Je voudrais y rester… Sous la lueur bleue de la lune, la dernière goutte d'un rhum, le dernier souffle d'un saxo, j'entends encore la contrebasse de Charlie Haden résonner en moi, El Quinto Regimento / Los Cuatro Generales / Viva La Quince Brigada, des airs révolutionnaires, Liberation Music Orchestra. Cette chaleur et ces notes qui m'emportent vers la nuit. Je voudrais y aller...   

 

« Il y a une frontière invisible qui prostitue chaque souvenir, chaque sens, chaque visage connu nous devenant, de manière inattendue, étranger… »

 

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Nos lectures :

 

« Le nid du serpent » CLICKER - Pedro Juan Gutierrez

et

« Le maquilleur d’étoiles » - Joel Cano

 

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« Candela de Eliades Ochoa »

(CLICKER POUR ENTENDRE)

 

 

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Merci BISON d’avoir trainé tes sabots avec moi dans la poussière havanaise. Et merci de m’avoir fait découvrir ce Maquilleur d’étoiles. Un personnage unique que je n'oublierai jamais...

 

Les Escales

Un trip littéraire composé à 4 majeurs

               

Prochaine escale : Italie

4 décembre 2020 5 04 /12 /décembre /2020 04:03

Lieu : Irlande

Lever du soleil : 8h22 | Coucher du soleil : 16h08

Décalage horaire : +5 heures

Météo : 1 degré C, pluie

Latitude : 53°19′59″ Nord | Longitude : 6°14′56″ Ouest

Musique : Luke Kelly - Raglan Road

Un Verre au Comptoir : Guinness tablette please

 

 

 

La nuit dernière j'ai fait un rêve. Je me suis retrouvé confiné dans un pub irlandais. Seul. J'aime bien me retrouver seul. Les portes restent closes, verrouillées de l'extérieur. Une lucarne, grise et sale, laisse rentrer quelques ondes lunaires. Les jours passent, les lunes défilent, des jours, des mois, des années. Personne à l'intérieur, à part Madame Tabouret, Monsieur Comptoir, Madame Miroir et Mesdemoiselles Pompes à bières que j'ai prénommé Miss Guinness, Miss Beamish et Miss O'Hara… J'aime bien monter Madame Tabouret. J'aime moins causer avec Madame Miroir, elle me renvoie un reflet peu flatteur. Je caresse souvent du regard Miss Beamish, discute avec Miss O'Hara, trempe mes lèvres dans Miss Guinness. De temps en temps, un vieux monsieur, grand méchant Liam ou Nick - j'ai déjà oublié son nom, me ramène des oeufs au bacon. La plupart du temps, j'ouvre la porte de Monsieur frigo pour prendre une bière ou deux, et je me rassois sur Madame Tabouret. Je finis ma journée en regardant Madame Vieille Télé, y'a toujours des rediffusions de matchs de foot ou des épisodes de Dora. Chipeur, arrête de chiper. Dora me fait voyager, exploratrice de l'autre monde ; alors je me lève pour aller gerber dans les toilettes. Mon expédition de la journée, des fois en courant, des fois en rampant. Je retourne face à Madame Miroir, pauvre type. Confiné dans un pub irlandais. Aurai-je la force d'en sortir, de m'échapper de cet univers qui dure depuis des lunes et des années...

Des années plus tard, toujours les lèvres suspendues à ma Guinness dans ce pub irlandais où j’ai élu domicile de mes beuveries solitaires, je croise son regard… la vingtaine avancée, pétillante, en voyage explorateur dans les contrées irlandaises : Miss Dora. Grande âme charitable, elle se prend d’affection - ou de pitié - pour l’homme que je suis, plongé dans de vieux souvenirs, le regard vitreux. Elle m’écoute…

Face au front de mer, le vent de l’Irlande s’était levé ce jour-là, en même temps que le bruit retentissant de la claque reçu de mon père en pleine figure. POW! Je crois que même le son des vagues sur le ressac s’est figé dans l’élan de sa main. J’étais encore tout petit, sans mots devant le geste brutal, me retenant de pleurer. Cette gifle est l’une de mes bouffées d’enfance les plus douloureuses. Pas tant pour le corps, mais pour le cœur et l’âme. Toute mon enfance, j’ai été cet enfant « spécial », « différent », élevé entre une mère allemande, orpheline de la Grande Guerre et un père irlandais, ingénieur et aussi orphelin de cette même guerre. Un drapeau irlandais flottait devant la maison et mon père portait chaque jour avec fierté l’insigne du pays, ce fameux petit « e » pour « Eire ». Par-dessus tout, je me faisais sans cesse pointer du doigt, traiter de nazis, par le sang de ma mère et le feu de ses entrailles. Paix à son âme… Mama…   

Sieg Heil! Achtung! Schnell, schnell! Donner und Blitzen !!!

« Ma mère veut que nous, on ne se laisse jamais pigeonner par des belles paroles. Elle veut qu’on n’ait jamais de trucs à regretter, parce qu’en Allemagne chacun a des choses dans sa tête qu’il garde pour lui. Chacun a des trucs qu’il voudrait bien qu’ils ne soient jamais arrivés. »

Comment s’étonner que j’aie eu envie de noyer mon désespoir dans ce bar douteux de l’Irlande profonde, avec Miss Dora, témoin de mon passé… L’Irlande est une terre douloureuse, la lande et la tourbe si chères à l’âme assoiffée pourtant si belles. Le contraste des sentiments ne se discute pas, il laisse sans voix. Comme l’amour et sa voie, la vie se construit dans le silence d’une harmonie, celle entre un homme et sa pinte de bière, celle entre une femme et son porte-jarretelle. J’entends la pluie déverser son humeur maussade sur la petite lucarne grise de mon spleen. Elle devient de plus en plus fracassante. Je bois les heures de ma vie, écoulement futile, confinement utile pour ne pas approcher les semblables, ceux qui partagent un monde que je ne comprends plus. Une Terre qui se nourrit de violence alors que la sécheresse se ressent jusque dans les tréfonds des tonneaux du bonheur. La violence assassine, la rédemption se noie. Dans un verre, dans un fût. Les vagues s’échouent contre la falaise écornée de l’enfance. Le sang devient impur, comme des fleurs de houblon importées d’une lande étrangère. L’enfance, pourtant, est ce doux parfum d’insouciance et de Guinness Cake sorti du four, me fredonne Monsieur Vieux Juke-box Déglingué. 

Je crois que mon père n’a jamais réalisé que de telles blessures issues de la tendre enfance pouvaient à ce point m’écorcher l’âme. Je n’ai d’autres choix que de me dire – une manière de survivre - qu’il n’avait pas entièrement conscience de toute cette violence, de mots et de gestes, à défaut de quoi j’aurais grandi avec la certitude de n’avoir été qu’un enfant qui ne méritait rien de mieux que le mépris et la haine. Oui… la rédemption se noie dans un grand verre… de résilience. Dans les empreintes du temps qui me séparent de lui. Aussi dans les pages de ce livre qui me servent d’exutoire. Toute ma vie j’ai été cet homme « coupable ». Coupable d’avoir été différent, déraciné, étranger, exclus. Si bien qu’aujourd’hui, je trimballe ma solitude et mes regrets dans ce bar douteux avec mon vieux tricot d’Aran et un shamrock défraîchi à ma boutonnière, vestige de la saint-Patrick d’il y a trois mois. On a tous nos lubies… God damn, quelle fierté de pouvoir enfin m’exprimer en anglais! Du creux de sa tombe, mon père a dû se retourner cent fois en maudissant les British. Je l’entends d’aussi loin qu’il soit : « Ici, on parle irlandais! ». Mais que peut-il me faire aujourd’hui maintenant que j’ai grandi, maintenant que j’ai « choisi ». Il me reste néanmoins quelques larmes de souvenirs, qu’un réconfortant Guinness cake - cáca guinness en irlandais  - arrive à me faire oublier l’instant d’une excitation de papilles gustatives…

« Il y a des choses qu’on hérite aussi de son père, pas juste le front, le sourire ou une jambe qui boite, mais d’autres trucs, comme la tristesse, la faim, les blessures. On peut hériter de souvenirs qu’on préférerait oublier… quand je serai grand, moi aussi je m’enfuirai pour échapper à mon histoire. Moi aussi j’ai des choses que je veux oublier, alors je changerai de nom et je ne reviendrai plus jamais. »

 

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Nos lectures :

 

 « Room » CLICKER - Emma Donoghue

et

« Sang impur » - Hugo Hamilton

 

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 « Raglan Road by Luke Kelly »

(CLICKER POUR ENTENDRE)

 

 

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Merci BISON pour le voyage au pays de la Guinness et pour la découverte de ce bel auteur

 

Les Escales

Un trip littéraire composé à 4 majeurs

               

Prochaine escale : Cuba

20 juillet 2020 1 20 /07 /juillet /2020 00:52

Lieu : Corée du Sud

Lever du soleil : 5:24 | Coucher du soleil : 19:52

Décalage horaire : -13 heures

Météo : +-26° Celcius, orages

Latitude : 37.532600 | Longitude : 127.024612

Musique : Yiruma & Henry

Un Verre au Comptoir : une bouteille de soju

 

 

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« J’ignore pourquoi cette femme pleure. Ni pourquoi elle dévore mon visage du regard. Ni même pourquoi elle caresse mon poignet bandé de sa main tremblante. Mon poignet ne me fait pas mal. C’est mon cœur qui souffre. Quelque chose est bloquée au niveau de mon épigastre. Je ne sais pas ce que c’est. C’est toujours là. J’ai beau pousser un long soupir, ça ne me libère pas la poitrine. »

La nuit dernière j’ai fait un rêve. En pleine nuit, immobile et somnolente, j’ai ouvert le frigo et j’ai balancé aux poubelles toute trace de viande. Quelle pourriture ! L’homme qui partage ma vie tente de me convaincre - à moins qu’il ne tente de se convaincre lui-même - que le rêve que j’ai fait n’est qu’illusion… Qu’on me foute la paix avec ces diagnostics de schizophrénie, d’anorexie, de je ne sais quoi encore ! Ma nouvelle vie ce sont les algues, les feuilles de batavia, les pâtes de sojas, le kimch’i, les vermicelles aux légumes… je ne mange plus que des végétaux… Ma mère s’en est mêlée, quand j’étais hospitalisée, elle a tenté de me faire ingurgiter un liquide noir plutôt infect, mais il ne faut pas me prendre pour une folle, ce n’était rien de moins qu'un mélange dégoûtant fabriqué à partir d’une chèvre noire. La pauvre… j’entends la chèvre, non pas ma mère ! Enfin… je suis lasse de ma relation. Il n’y a jamais vraiment eu de passion entre mon mari et moi. Rien de festif, encore moins d’affectif. Depuis mon hospitalisation en psychiatrie, il me trouve même bizarre, mystérieuse, effrayante… Je m’en souviens comme si c’était hier, c’était un dimanche, un long dimanche sans fin. De ces jours hors du temps qui n’en finissent pas.

Un autre homme m’a fait renaître. Il a deviné et imaginé sur mon corps la naissance d’un arbre. De fleurs de toutes les couleurs. Et j’ai repris vie… mais pour combien de temps ?  

A la belle saison, des pétales de fleurs apparaissent. D'un blanc pur. Le vert du végétal se pare d'ombres blanches. Des feuilles d'abord, puis des bourgeons, avant la naissance fugace de ces fleurs, beautés éphémères qui parent son corps lui aussi pâle. Elle est nue, son corps blanc, ses seins à peine rose, sa toison noir s'ouvre comme une fleur. Je la regarde, hypnotisé par cette blancheur. D'un blanc silencieux, comme la neige qui tombe des étoiles, vole dans le ciel. D'un blanc pur, comme un amour intense, l'amour évident qui vrille l'âme, celui qui se passe de mots et se compose de regards et de silence. Elle se tourne vers l'évier, regarde les bols blancs qui traînent, quelques grains de riz blanc au fond. Je vois son ombre se déplacer lentement, comme un fantôme nu cherchant à s'éveiller vers cet autre monde, cette lumière blanche qui l'attire.

A la belle saison, le sol se recouvre de cette blancheur immaculée, celle des cristaux de neige qui floconnent dans la bise et le brouillard. Mon regard se porte au-delà de la fenêtre, la lune illumine le brouillard qui illumine la neige. Le réverbère, de sa lumière faiblarde, n'est là que pour allonger certaines ombres. D'ombres et de lumière, du noir au blanc, je me tourne vers la blancheur de ses fesses, l'ombre au creux de ses reins où j'imagine une goutte de bière blanche onduler entre ces rondeurs. Dehors la neige, tombe encore et encore, dans le silence de la nuit. De lourds flocons blancs en hiver qui contrastent avec la légèreté des pétales blanches des cerisiers qui s'envolent au printemps. Et elle, nue et blanche, pure et belle, qui s'enracine profondément dans mon âme.

Le passage des saisons sur le corps d’une femme, sur son corps à elle… accentue sa beauté. Il le raréfie, marqué par le sillage des jours sur la peau de son âme, puis l’épanouie, libéré de l’enclos du temps où il s’est façonné pour enfin s’offrir, corps floral dans toute sa pureté sauvage.

Au loin, la neige qui floconne le ciel de blancheur immaculée me renvoie à la pureté de son corps. On dirait des flocons de lumière qui s'échappent du ciel. J’en ai les larmes aux yeux. Je la revois dans le silence de mes rêves, allongée et nue, sous mon regard émue par tant de poésie. Autant de délicatesse et de fraîcheur ne peuvent que s'inscrire dans le grand secret des fleurs. Au-dessus de sa fesse gauche, l’objet de ma fascination, sa tâche mongolique. J’en rêve chaque jour, chaque nuit, à chaque souffle, je fantasme jusqu’à en perdre la raison, je suis fou d’elle. Son corps est un vaste univers, une œuvre d’art. J’y ai peint des boutons de fleurs rouges et pourpres qui se sont épanouis sur sa peau, de jolis pistils jaunes, des roses accouplées, des camélias imbriqués les uns dans les autres, pareils au jour où après l’amour, lorsque je me suis retiré d’elle, un liquide vert a jailli de son sexe divin. Tel un arbre naissant, son âme s’est envolée vers des lieux inconnus.

La neige s’étend à perte de vue. Les flocons dansent dans le ciel et je revois les ondulations de son corps végétal. Je désire la revoir, au lieu de quoi je ne répondrai plus qu’au silence de l’instant. Un silence éphémère pour un amour phénomène. Une nuée de lagopèdes à queue blanche poursuivent leur migration, la saison de l'amour. Un silence que perturbe à peine le croassement d'une grenouille surgit de nulle part, si ce n'est d'un marais salant. Ploc. La neige a fondu, les fleurs de cerisiers ont paré le ciel. Elle s'allonge, se roule, s'enroule, nue dans la verdure d'une pelouse. Son odeur devient celle de l'herbe coupée. Sous un soleil du Sud, des perles de sueur s'écoulent de ses aisselles, lentement, timidement, n'attendant que ma langue venue se rafraîchir de cette salinité érotique. Elle glisse sur sa peau, descend sur son ventre, entre en ses cuisses. Elle s'égare dans la volupté de sa toison noir, son sexe rosi par le plaisir. Blancheur du sel, sperme et lait de coco. Envie de sushis, lui dis-je. Elle se retourne, le visage blanc comme une boule de riz. Elle repense à cette tradition séculaire qui consiste à préparer des sushis de mère en fils. Une fête à ses yeux. Un feu d'artifice, jaillissement de rouge, de vert et d'or dans le ciel illuminé par une lune d'un blanc pur. Je la retourne, effet blue moon et pénètre son âme de mon obsession perverse.  

Mes rêves jaillissent de la nuit, tel un geyser en terre islandaise, une gerbe en pub irlandais ou le souffle d'une baleine dans le Saint-Laurent. L'écume blanche des vagues se fracasse sur le rivage, lèche mon esprit, caresse mon corps. Nue dans cet appartement froid, un silence de Schubert inonde la chambre, draps froissés de ce sperme bestial, de ce suc végétal. Je parcours le salon, m'engouffre dans la cuisine, me sert un verre de vin, rouge, blanc cassis. Je retourne au salon, le parfum enivrant du vin, illumine d'une bougie, colle mes seins contre la baie vitrée, le regard perdu vers un autre monde. Une perle de vin, coule de mes lèvres. Un dernier verre avant...  

« Il a écarté de ses deux mains ses cuisses dont l’élasticité lui disait qu’elle n’était pas endormie. Quand il l’a pénétrée, un liquide vert comme provenant d’une feuille écrasée a commencé à couler du sexe de la jeune femme. Une odeur d’herbe, à la fois agréable et âpre, rendait sa respiration difficile. Se retirant juste avant l’orgasme, il a découvert que son pénis était teinté de vert. Un jus frais, dont il était difficile de dire s’il venait d’elle ou de lui, avait colorié ses parties intimes jusqu’aux cuisses. »

 

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Nos lectures :

 

« Blanc (CLICKER) » - Han Kang

et

« La végétarienne » - Han Kang

 

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« Yiruma & Henry »

(Clicker pour entendre)

 

 

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Les Escales

Un trip littéraire composé à 4 majeurs

                                                                     

Merci BISON (CLICKER), je voudrais bien être un arbre! :D

MAGNIFIQUE livre!

 

Prochaine escale : Irlande

 

 

9 janvier 2020 4 09 /01 /janvier /2020 01:58

Lieu : Russie (Oural)

Lever du soleil : 09:37 | Coucher du soleil : 17:46

Décalage horaire : +11 heures

Météo : -10° Celcius, nuageux

Latitude : 61,0137| Longitude : 99,1966

Musique : Tchaïkovski : Rêverie interrompue en fa mineur op. 40 n° 12 

Un Verre au Comptoir : Hydromel température pièce

 

 

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« Un pays en dehors de l’Histoire, le pesant héritage de Byzance, deux siècles de joug tatare, cinq siècles de servage, révolutions, Staline, East is East… »

Dans un pays lointain coule un long fleuve, un fleuve qui se nomme Amour où les âmes suivent le flot tranquille du clapotis de l’eau. Parfois sereines, parfois rugueuses, ses eaux lèchent le rivage de l’Amour. Et l’Amour, je connais un gars qui en parle très bien. Pas moi, je te rassure. Dans un coin de cette Sibérie, j’ai croisé ce gars aux yeux immensément clairs, Andreï Makine qui m’avait émerveillé lors d’une première rencontre, comme quand on croise le regard d’une femme sublime sur un quai de gare. Je m’étais donc mis en condition, chapka et caleçon en peau de rennes, vodka fraîche, température ambiante, Tchaïkovski sur la platine.

Puis je décidai de déambuler dans les rues de Moscou. Nous sommes le 24 mai 1941. Direction l’opéra, je vais assister au premier concert d’Alexeï Berg, jeune pianiste prodige. Mais le concert n’aura pas lieu… Il se jouera quelque part au milieu de l’Oural, issu d’une musique intérieure et nocturne, puis de rêves qui font place aux notes sur le clavier muet que seuls l’âme et le silence arriveront à percer dans la nuit. Dans le dernier wagon du train, témoins de cette nuitée hors du monde, sont avec lui, captifs de la tempête hivernale, d’autres voyageurs, plongés dans l’obscurité. Ils s’y trouvent depuis des jours, des semaines, qui sait. Condamné à la solitude et l’exil, Alexeï Berg brisera le silence. Avec ses partitions en tête et le coeur chargé d'émotions, il bouillonnera de l’énergie du survivant…    

« Une nuit ou deux. Ou un mois. Ou toute une année. Néant de neige. Plus vague qu’un nulle part. Une nuit sans fin. Une nuit rejetée sur le bas-côté du temps… »

Cette musique l'entraîne vers l'archipel d'une autre vie, de l'autre côté de la rive, au temps du fleuve Amour. La musique et l'amour, à eux deux, font danser les cygnes sur le lac Baïkal. Cygne noir, touche blanche, touche noire, cygne blanc. Les notes de ces amours sont à la fois brèves et éternelles, la musique de la vie. Andreï et Alexeï croisent leurs souvenirs, mélangent leurs passions, regardent ensemble la lune, bleue ou noire, lumineuse ou sombre. Un vent de glace se lève, les amours s'envolent comme la plume de ce cygne venue s'échouer avec tant de délicatesse au pied de ce type, solitaire, le regard vide, les yeux embués, qui écoutent au fond de son âme l'âme d'une femme aimée, un livre fermé de Makine sur ses genoux, une bouteille ouverte de Zubrowska dans les mains.    

L’espace est démesuré, 2225 millions de km² - à l’ouest, la plaine d’Europe orientale, à l’est, la plaine de Sibérie occidentale. L’odeur de la vodka épanche à la fois la solitude des âmes, à la fois la violence de la tempête. Les amours s'envolent, certes, mais elles ont la puissance d’éveiller les forces inassouvies de l’esprit, toutes formes de résistance intérieure, de résilience. Elles nous apprennent le rêve, les rencontres nocturnes, l’espoir de l’amour renouvelé.

La plume du cygne est délicatesse au cœur du tumulte. Et Alexeï Berg s’en caresse l’âme lorsque surgissent en lui, tel un coup de poignard, les réminiscences de la guerre : les cris, les pleurs, les bombardements, les piétinements dans les tranchées, ces masses informes de corps allongés, inertes. Dans l’archipel d’une autre vie, un pianiste nous raconte la musique de son existence. Une manière de survivre à la nuit sombre et glaciale de l’Oural. Un livre fermé de Makine sur ses genoux…        

 

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Nos lectures :

 

« Le Livre des Brèves Amours Éternelles  (CLICKER) » - Andreï Makine

et

« La Musique d'une Vie » - Andreï Makine

 

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« Rêverie interrompue en fa mineur op. 40 n° 12 » - Tchaïkovski

(Clicker pour entendre)

 

 

Les Escales

Un trip littéraire composé à 4 majeurs

 

Merci BISON (CLICKER), La musique d’une vie fut une gamme d’émotions sur les notes de mon cœur.

Magnifique…

 

Prochaine escale : Alaska

 

 

24 septembre 2019 2 24 /09 /septembre /2019 20:46

Lieu : Irlande

Lever du soleil : 7h10 | Coucher du soleil : 19h25

Décalage horaire : +5 heures

Météo : 17° C, pluie

Latitude : 53.349805 | Longitude : -6.260310

Musique : I still haven't found what I'm looking for - U2

Un Verre au Comptoir : Murphy's Draught, tablette de préférence 

 

 

 

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« Imaginer que l’on tombe de très haut. Sans affolement. Imaginer que l’on contemple la vue en tombant, pendant que le corps tournoie doucement dans l’air. On n’entend que le son de sa progression. Sa  propre progression. Imaginer que tomber de très haut est une progression. Une chose qui en vaut la peine. Même si ce n’est pas une chose à conseiller. On ne fait rien. On se contente de laisser faire. Imaginer le sol tout à coup, la détente. L’arrêt. »

Bam ! Je claque la porte. Une urgence sérieuse. Je descends en quatrième vitesse, les escaliers en bois craquent sous mon poids. Je m’essouffle, mais c’est le lot de toute urgence dans ce métier. Le ciel est noir, des tonneaux de nuages prêt à déverser ses hectolitres de pluie glacée. Peu importe, de toute façon, la pluie, une vieille habitude dans ces ruelles de Galway qui sentent aussi bon la pisse que la gerbe de Guinness. Mais je ne suis pas là pour jouer les touristes, je l’ai déjà dit, l’urgence urgente, comme lorsque ta vessie est pleine craquer et que devant le seul lampadaire de la rue une mémère fait pisser son clébard fripé. Les néons d’un bar ne prennent même plus la peine de clignoter, usés par le temps et le vent. Je m’engouffre, l’imperméable du privé trempé, le regard triste d’un chien mouillé, dans l’antre sombre. Je jette un regard, genre mauvais, au barman, un dénommé Rufus, qui m’apporte avec toute la nonchalance qui sied à un barman, ma pinte de Guinness tapissée de sa mousse crémeuse, et un shot de Jameson, pour réchauffer mes vieux os, fourbus par le temps, mouillé et séculaire. J’allais être en manque, un irlandais sans sa pinte manquerait cruellement de classe. L’urgence s’efface quand je trempe mes lèvres.

Hurlement du vent, les volets claquent. Claque la porte. La peur s’immisce tel un couteau affûté dans un morceau de chair. Le rythme cardiaque s’accélère, éclatement de verre, une femme se brise. Mille éclats dans la nuit noire. Elle entend ses mots, maux maudits qui déchirent le ciel. Elle reçoit ses coups, coups de poing lâches et méprisants. Une envie de vomir, la bile qui remonte à la surface, reflux de souvenirs haineux. Mauvaise pente. Et c’est l’exil...

Bourrasques de vent, longue route étroite. Grace accélère, à fond la caisse elle ne voit plus que le bout du tunnel, des éclats de lumière dans une vie qui renaît. C’est le choc, une odeur d’Irlande après des jours de pluie. Elle fuie Monaghan, parce qu’il faut fuir, surtout ne pas rester, les souvenirs sont trop lourds, aussi douloureux que l’homme qu’elle a laissé derrière elle, gisant sur le bitume. À défaut de pouvoir se noyer l’âme à la bonne vieille taverne chez Rufus, elle entre dans un pub irlandais, commande une pinte de Murphy Draught – le stock de Guinness ayant souffert du passage d’un Bison. Martin est là, ce fils avec qui elle partage de lourds secrets. Il faut du temps pour se ré apprivoiser et comprendre qu’il n’y aura que ce même temps pour accepter l’idée que les choses ont changées, que l’on a soi-même changé. Que le regard sur la vie n’est plus pareil, ni sur les autres ni même sur soi. Mais que l’ancrage qui résiste aux intempéries est fait de souvenirs communs et d’amour. Il faut du temps pour apprendre à revivre...

Le lieu, sous une pénombre à peine travaillée, devient un bouge de la solitude. Je me sens las, la bière à la main. Une musique au fond. A droite, les toilettes. A une table, le regard perdu, le rimmel coulé, une blonde devant sa bière brune. Le pub en milieu de matinée est le repaire des gens perdus. Pas de chaleur humaine, on y va pour sentir la solitude, celle du pauvre type alcoolique ou celle de la femme battue par son mari. Le rimmel qui coule n’est que le masque des larmes d’une vie. Je m’avance pour m’asseoir à sa table. Ma route dévie au dernier moment vers la porte de sortie. Pas d’humeur à l’accabler de la tristesse d’un type ruisselant de pluie et de dégoût. Les gens tristes ne se mêlent pas aux autres, la tristesse étant une maladie d’une contagion fulgurante. De toute façon, j’ai une autre affaire. Le genre d’affaire qui nécessite de me replonger dans un autre pub, encore plus vieux, encore plus sombre, encore plus triste, le genre à servir de la Guinness sans qu’on ait besoin de demander, parce que le barman connait son métier, ses remèdes contre la mélancolie d’un type comme moi. D’ailleurs, je ne me souviens même plus pourquoi j’ai été engagé. Retrouver un tueur ou une nana, l’assassin d’une nana ou son violeur, ou le mari de cette nana qui la prend pour un punching-ball et à qui je dois lui faire passer un message, du genre coup de batte dans les couilles, si tu me suis… Ou une mère qui pleure le suicide de sa fille qui ne s’est pas noyée « seule ». Sauf que je m’en fous un peu, je traine dans les pubs, toujours plus esseulés. D’ailleurs, je l’ai toujours dit, je ne suis pas Jack Taylor pour ses enquêtes, mais pour ses délires alcoolisés, ses vues solitaires dans les bouges de Galway, ses références littéraires, et surtout ses pintes de Guinness et de Murphy’s Draught qui coulent à flot, comme toute bonne littérature irlandaise.

Face au comptoir, il y a ce grand miroir que je ne peux regarder. Voir cette sombre face qui m’anime est d’un dégoût total. Même si par le truchement de ses reflets, je découvre cette brune, aussi brune que les parfums roux de l’Irlande. Elle est là, assise à la table voisine, l’air hagard, devant sa blonde. Dans la mousse de sa bière, elle voit défiler le temps comme autant de souvenirs douloureux, l’ivresse sans fin d’une âme meurtrie, partant à la recherche de soi-même. L’exil est fait d’embûches. Il faut s’efforcer sans cesse de ne regarder derrière faute de quoi nos pas s’affaiblissent, le rythme décélère et il ne reste plus, au fond du verre, qu’une seule goutte d’espoir. Alors garder le cap. Se dire que ce qui lie une mère à son fils ce sont les souvenirs communs et l’amour. En dépit de son mépris, à lui, de ses rejets, ses colères, ses incompréhensions. Avant tout, pardonner...

Sifflement du vent, mains glacées dans les eaux de l’hiver. Un enfant s’est noyé. Il est injuste de mourir à l’instant même où tes yeux croisent le regard des étoiles. Elles sont pourtant si lumineuses, elles auraient dû t’indiquer le chemin à prendre, ou celui à éviter. Entre collines et falaises, le clapotis de l’eau, les sons, les odeurs et les étés dans le lac. Le hurlement du vent qui fait claquer les volets... 

J’ai fui Monaghan avec Grace et je me suis surprise à emprunter les pas de son histoire. J’ai fui l’amour la vie avec Jack Taylor et je me suis noyé dans l’âme de la Guinness, sombrant dans la poussière de ma putain de vie.

 

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Nos lectures :

 

« Delirium tremens (clicker) » - Ken Bruen

et

« Mauvaise pente » - Keith Ridgway

 

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« I still haven't found what I'm looking for » - U2

 (Clicker pour entendre) 

 

 

Les Escales

Un trip littéraire composé à 4 majeurs

 

Merci BISON (clicker) de m’avoir fait découvrir ce roman aux effluves houblonnées de l'Irlande. Hey Rufus!?

C'est ma tournée!

 

Prochaine escale : Russie

 

 

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