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9 juillet 2022 6 09 /07 /juillet /2022 08:49

Lieu : Congo

Lever du soleil : 6h07 | Coucher du soleil : 18h00

Décalage horaire : +5 heures

Météo : 30 degrés C, 65% d'humidité

Latitude : 0° 39' 38.08" N | Longitude : 14° 53' 47.69" E

Musique : Black Bazar - Alain Mabanckou

Un Verre au Comptoir : Une Ngok congolaise bien fraîche

 

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Viens, assieds-toi, prends-toi un tabouret, je t'offre une bière, tu veux ? Presque minuit, l'heure des chauves-souris et des chats gris qui fouillent dans les poubelles de ce boui-boui. Viens, n’aie pas peur du noir, j'aime la pénombre, ça dissimule ma tristesse. Qu'est-ce que tu prends ? Une Sierra Nevada, jolie. Le silence s'installe autour du comptoir, un instant évaporé loin du brouhaha de la piste de danse où les gazelles noires, de leur pagne coloré, bouge leur arrière-train de façon provocante, ces filles habillées comme si elles n'étaient pas habillées, on voit tout gratuitement, mais je ne vais pas m'étaler ici, autrement on va encore dire que moi j'exagère toujours et que parfois je suis impoli sans le savoir...

Tu veux une deuxième bière, mon histoire est longue et parler me donne toujours soif, à croire que mes mots viennent du désert. Pas si longue que ça, quoique ça fait longtemps que je n'ai pas revu mes cours d'anatomie, non mon histoire dure trois jours. Tu t'en souviens toi, de ces trois longues journées du samedi 19 mars 1977 au lundi 21 mars 1977. Oui, je vois, tu y étais aussi. A Brazzaville ? Moi, j'étais à Pointe-Noire, fier de mon uniforme d'écolier, de mes baskets à la mode Bruce Lee et de ma chemisette à l'effigie de notre bon camarade président Marien Ngouabi. Je me souviens que Papa Roger écoutait, sous le manguier, La Voix de la Révolution Congolaise, une bouteille de vin rouge à ses pieds. Maman Pauline devait préparer à manger, peut-être qu'elle faisait ses beignets, recette appliquée de cette jeune béninoise qui les vend aux abords du marché. Mais depuis plusieurs heures, il ne passait que de la musique soviétique. Alors de son Grundig Papa Roger est passé sur La Voix de l'Amérique, parce qu'il est bien connu que l'Amérique sait ce qui se passe parce qu'elle a des espions partout. C'est là qu'on a appris que notre bon camarade président Marien Ngouabi s’est fait lâchement assassiner à 14H30, une heure où la sueur dégouline pour qui ne fait pas la sieste... et que Papa Roger a recraché son vin rouge...

Je veux bien d’une Ngok congolaise bien fraîche et comme je n’ai pas peur du noir ni même du silence, je m’attarderai dans cette gargote en mémoire à notre célèbre Robinette et son verre cassé. Ah cette Robinette, un délice, quelle grâce ! À mon corps défendant je dois quand même dire qu’il m’a manqué dans ce livre les odeurs du Congo, de Brazzaville et son quartier de Bacongo, la terre natale de Mabanckou. Et tout ce que l’Afrique évoque de saveurs, d’odeurs, de couleurs, comme ces jolis boubous. Ça me dirait bien d’en porter, même si en passant par la ligne orange du métro, direction McGill, je détonnerais un peu, mais qu’importe. Hum et les odeurs alléchantes de fumée dans la bicoque de maman Mabanckou, le porc et le manioc cuit à l’étouffé dans des feuilles de bananiers. Danser le ndombolo jusqu’aux petites heures du matin, soukous, mamba, eyenga en lingala, festoyons ! Et rendre hommage à Martin Luther King Jr., à son épique discours, le plus grand des grands : I have a dream today… Je l’écoute en boucle depuis des années, épique ! Presqu’autant que SOYCD. Mais là je m’égare dans les effluves de ma Ngok…

Notre cher Alain vit désormais au centre de Los Angeles, du moins à l’époque du livre. Je l’écoute me parler de son Amérique, son Hollywood, regorgeant de descendants de migrants : Natalie Portman, Nicole Kidman, Charlize Theron et les belles de ce monde. Il me parle aussi des écrivains qu’il admire, James Joyce, Jorge Luis Borges, Bertold Brecht… Ernest J. Gaines, ce vieil homme de la Louisiane, auteur afro-américain et de son célèbre Dites-leur que je suis un homme. J’ai aimé ce livre plus que tout ! Et Malibu Beach, l’une des plus belles plages de l’océan Pacifique, je m’y suis baignée il y a quelques années, je n’ai pas croisé Pamela Anderson ni même Jeremy Jackson. C’est dommage quand même…

Il vit là-bas sous un climat tempéré, qui s’apparente à son Afrique natale, le soleil, les vagues. Il dira que Santa Monica occupe la même place dans mon cœur que ma ville congolaise de naissance, Pointe-Noire. C’est une petite Afrique sans Noirs. J’aime aussi l’entendre parler de sa rencontre avec un clochard africain. De son voisin coréen Chin-Hae. De son balcon avec vue sur les palmiers, où il écrit, une photo de Cassius Clay alias Ali fixée au mur… Float like a butterfly, sting like a bee. De son amie écrivaine danoise Pia Peterson.

Mais lorsqu’il me parle du Circle Bar, mes papilles sont en effervescence et c’est le moment choisi pour me reprendre une Ngok bien fraîche, mon âme envolée vers les terres congolaises qu’il me tarde de découvrir, un jour…

Mais ce soir, loin du Santa Monica Beach Club, le Congo a peur. La radio ne le dit pas mais je le sens dans les yeux de Maman Pauline ou la sueur de Papa Roger. Dans la rue, les cris des enfants en train de jouer ont été remplacés par des tirs de kalashnikov. D’ailleurs, il n’y a plus d’enfants. Plus aucun klaxon venu claironné à la nuit tombée ; Il n’y a plus de voitures non plus, sauf des convois militaires ou miliciens venus ramassés des individus apeurés ou des corps fusillés. Même dans les bars où les plus belles femmes noires s’assoient attendant qu’un vieux aux cheveux gris vienne lui poser sa main sur sa croupe en lui demandant ce qu’elle boit, ces corps d’ébène se retrouvent figés dans la stupeur et la tristesse. Ils ne bougent plus alors qu’un corps comme ça, luisant de sueur et de chaleur, est fait justement pour faire pétiller le regard des messieurs mais je ne vais pas m'étaler ici encore une fois, autrement on va encore dire que moi j'exagère toujours et que parfois je suis impoli sans le savoir... Alors j’allume une dernière fois la radio, fini les beaux discours, place à la musique. Et là, je revois enfin le sourire de tous ces beaux culs danser devant mes yeux.

 

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« I have a dream that one day this nation will rise up and live out the true meaning of its creed: "We hold these truths to be self-evident; that all men are created equal."

I have a dream that one day on the red hills of Georgia the sons of former slaves and the sons of former slave owners will be able to sit down together at the table of brotherhood.

I have a dream that one day even the state of Mississippi, a state sweltering with the heat of injustice, sweltering with the heat of oppression, will be transformed into an oasis of freedom and justice.

I have a dream that my four little children will one day live in a nation where they will not be judged by the color of their skin but by the content of their character.

I have a dream today.

I have a dream that one day down in Alabama, with its vicious racists, with its governor having his lips dripping with the words of interposition and nullification, that one day right down in Alabama little black boys and black girls will be able to join hands with little white boys and white girls as sisters and brothers.

I have a dream today.

I have a dream that one day every valley shall be exhalted, every hill and mountain shall be made low, the rough places will be made plain, and the crooked places will be made straight, and the glory of the Lord shall be revealed, and all flesh shall see it together.

This is our hope. This is the faith that I will go back to the South with. With this faith we will be able to hew out of the mountain of despair a stone of hope. With this faith we will be able to transform the jangling discords of our nation into a beautiful symphony of brotherhood.

With this faith we will be able to work together, to pray together, to struggle together, to go to jail together, to stand up for freedom together, knowing that we will be free one day.

This will be the day when all of God's children will be able to sing with new meaning, "My country 'tis of thee, sweet land of liberty, of thee I sing. Land where my fathers died, land of the Pilgrims' pride, from every mountainside, let freedom ring."

And if America is to be a great nation, this must become true. So let freedom ring from the prodigious hilltops of New Hampshire. Let freedom ring from the mighty mountains of New York. Let freedom ring from the heightening Alleghenies of Pennsylvania.

Let freedom ring from the snow-capped Rockies of Colorado. Let freedom ring from the curvaceous slopes of California. But not only that; let freedom ring from the Stone Mountain of Georgia. Let freedom ring from Lookout Mountain of Tennessee.

Let freedom ring from every hill and molehill of Mississippi. From every mountainside, let freedom ring.

And when this happens, and when we allow freedom ring, when we let it ring from every village and every hamlet, from every state and every city, we will be able to speed up that day when all of God's children, black men and white men, Jews and gentiles, Protestants and Catholics, will be able to join hands and sing in the words of the old Negro spiritual, "Free at last! Free at last! Thank God Almighty, we are free at last!" »

Martin Luther King's - I have a dream speech August 28, 1963

 

 

 

Nos lectures :

 

« Les cigognes sont immortelles (clicker) » - Alain Mabanckou

et

« Rumeurs d’Amérique » - Alain Mabanckou

 

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 Modogo Abarambwa, Alain Mabanckou, Sam Tshintu

 

CLICKER POUR ÉCOUTER

 

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Les Escales

Un trip littéraire composé à 4 MAJEURS (CLICKER)

 

Prochaine escale : la Finlande

commentaires

D
Bonsoir Nad, quand je lis "Congo", je pense à deux romans terribles sur l'occupation de ce pays par les Belges. Le rêve du Celte de Mario Vargas Llosa et Pandore au Congo d'Albert Sanchez Pinol. (deux romanciers hispanophones). Bonne soirée.
Répondre
N
Merci à toi de ces deux suggestions et désolée de cette réponse si tardive! Bonne soirée
M
En vous lisant, je m'y voyais... Bravo ! :)
Répondre
N
C'est l'effet hot du Congo. <br /> Gros becs mon sweet king :-*
L
J'allais oublié... Ne pas oublier ta mini en poil de castor pour la prochaine escale. La Finlande, c'est pas la chaleur du Congo, sauf dans un sauna, mais là, tu n'as plus besoin d'une mini non plus :-)
Répondre
N
Ha ha ha je prends note... et comme dirait Charlebois, ton poil en queue d'castor wow wowww ^^
L
Un plaisir, cette escale noire. Et Excellent ce titre de Mabanckou. Black Bazar quand il s'essaie à la chanson. Magnifique
Répondre
N
Black Bazar, un titre qui lui va à merveille, à ce bel homme coloré et vivant... toujours un plaisir de faire escale. Merci

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