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8 octobre 2017 7 08 /10 /octobre /2017 18:25

 

« Sombrer pour de bon, plonger dans un coma, que ce soit profond, très profond, un fond d’océan, un abysse depuis lequel on ne peut plus distinguer aucune lueur, une sorte de mort. »

 

4 novembre 2008, l’Amérique s’apprête à élire un nouveau président. Les citoyens se ruent aux urnes, au terme de cette journée, les américains auront-ils élu un Afro-Américain à la tête des États-Unis? Suspendus à leur téléviseur, le pays est dans l’attente. Le souffle retenu, en apnée...

 

Laura n’est pas allée voter ce jour-là. Elle retient aussi son souffle, pour d’autres motifs, car au terme de cette journée, c’est sa vie qu’elle va foutre en l’air. N’en a rien à cirer des élections présidentielles et de son soi-disant devoir démocratique. L’Amérique est malade, à quoi bon...

 

4 novembre 2008.

 

Un mari, deux beaux enfants, elle vivait dans les quartiers huppés de Los Angeles, l’American dream, le drapeau qui flotte au vent, triple entrée de garage avec voitures de luxe. Mais ce qu’elle aimait, de ce temps-là, c’était le sentiment d’indispensabilité, les heures surchargées dont il ne reste qu’une cruelle langueur, l’écroulement des jours, l’écoulement insupportable du temps. Laura marche sur des sables mouvants, déséquilibrée par l’audace assassine des remous sournois, ceux qui vous entraînent vers le fond des mers noires. Pour toute consolation, il ne reste que la récurrence des gestes quotidiens, rassurants, les actes répétitifs, banals en somme. Se réveiller chaque jour à la même heure, aller travailler au Joey’s Cafe, les yeux dans le vide, rougis, mais y être quand même. Les rêves se sont envolés, écroulés, les illusions avec, que reste-t-il d’espoir que toute cette douleur cesse enfin? Lâcher prise, parce qu’il le faut inévitablement, qu’importe l’issue.    

 

L’Amérique s’apprête à élire un nouveau président, mais Laura n’en a vraiment rien à foutre. Elle est plongée dans cette même solitude amère dans laquelle nous enlise la société contemporaine.  

 

Faut-il une bonne raison pour se tuer? Non, juste l’épanchement fade des jours. « La solitude sentimentale, la fragilité sociale, le défaut d’avenir, le désarroi face au temps qui passe, l’inaptitude à trouver sa place, l’engourdissement général, une infirmité, une imbécillité... »

 

« Je n’ai pas eu le choix, pardon. »

 

4 novembre 2008.

 

Aujourd’hui, Samuel enterre son fils Paul, 17 ans. Il vient de se suicider et son père n’avait perçu aucun signe avant-coureur. Il est plongé dans la torpeur - comment peut-il en être autrement... ? - la culpabilité, l’épuisement, l’abattement, les nuits sans repos… Une envie de fuir le réel. Comme Laura, lui manquent les heures surchargées dont il ne reste qu’une cruelle langueur, l’écroulement des jours, l’écoulement insupportable du temps. Souvenirs douloureux de Paul sur sa planche de surf, affrontant la vague, cherchant l’équilibre. Bordel de vie, la vie qui perd pieds, le chagrin sous la vague, plus d’air, une écume de maux, un naufrage de l’âme. Ne même plus voir la ligne d’horizon. Et sombrer...  

 

« L’océan, c’est autre chose. C’est la turbulence, c’est aussi l’interminable, l’inintelligible, l’inattaquable. Une pureté qui gronde. »

 

L’Amérique s’apprête à élire un nouveau président, mais Samuel n’en a vraiment rien à foutre. Il est plongé dans cette même solitude amère dans laquelle nous enlise la société contemporaine...  

 

Faut-il une bonne raison pour se tuer? Non, « ça ne peut être seulement qu’une accumulation, un moment d’épuisement, une pulsion, un abattement insurmontable, ne plus trouver la force de continuer... »    

 

« Je n’ai pas eu le choix, pardon. »

 

Ce roman de Philippe Besson est une claque en plein visage, de ces gifles qui laissent des traces éternelles. C’est une rare et riche introspection de l’âme humaine submergée par le vide et la mélancolie, l’isolement. Le triste portrait d’une société égoïste, celui d’une Amérique malade qui a perdu ses repères, une structure sociale dans laquelle les armes à feu sont devenues le plus important symbole de liberté individuelle. L’Amérique se fiche de Laura et Samuel, aujourd’hui on est le 4 novembre 2008 et elle s’apprête à élire un nouveau président...

 

« Un jour, il n’y aura plus de reproches, de regrets, de repentirs, il n’y aura que de la douceur. Plus de visions atroces, de corps suspendu, de cercueil consumé, d’urne, seulement des images radieuses. Des aquarelles. »

 

Un immense merci Bison, une lecture inoubliable, ça c'est certain... Quel homme ce Philippe Besson!

 

commentaires

N
Je n'ai toujours pas lu cet auteur. Tu as le don de susciter la curiosité avec tes jolis billets si bien construits!! Je t'embrasse.
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N
C'est vrai que je suis assez souvent enthousiaste avec mes billets (mdr), il faut dire que je n'ai pas l'occasion d'en écrire beaucoup alors je ne parle que de ceux que j'ai aimé... Philippe Claudel c'est mon nouveau chouchou!!! :-))<br /> Gros becs xx
V
je n'ai jamais entendu ce titre (et je m'en serais souvenue, tu parles!) et qu'est-ce que ça me parle! Très tentée, merci pour ce billet!
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N
Je n'ai lu que deux romans de Besson mais je sens que celui-là me restera toujours gravé en mémoire...<br /> Bon weekend Violette
L
Comme d'habitude, tu en parles merveilleusement bien. Philippe Besson est un auteur grave, que j'aime énormément. Je n'ai pas lu celui-ci par contre, mais je le note!
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N
Il laisse ses marques... Bisous
L
J'aime beaucoup cet auteur :)
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N
C'est seulement mon deuxième livre de l'auteur mais déjà je l'adore et je sais qu'un jour ou l'autre je lirai tout de lui :-)
L
Ne pas trouver sa place dans cette société, c'est bien écrit, c'est juste, c'est ce que ressente beaucoup de gens. Ne pas avoir le choix, une évidence, ce choix ne se commande pas sur un catalogue de VPC. Il vient de soir. Il n'est pas triste, il est juste à l'image de notre société.<br /> <br /> Magnifique billet, magnifique livre, vivement le prochain Besson. <br /> <br /> Bang.
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N
Ne pas avoir le choix, une évidence, une raison comme une autre, l'une aussi valable que l'autre. Merci encore Bison pour ce super roman que je n'oublierai jamais. Bang...
G
avec Besson, j'ai souvent envie de recopier des phrases qui me touchent, qui font échos. Je me revois sur cette plage....un roman que j'ai aussi beaucoup aimé.
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N
Comme je te comprends Guillome! À chaque page il y avait des phrases à citations... ^^<br /> Bisous
A
Ca n'a pas l'air très gai, en effet. Mais ton avis enthousiaste fait que je le lirai sans doute.
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N
Dans les lectures tristes il y a aussi de très belles émotions, encore plus fortes... Merci Alex
A
Aaah ça m'a l'air encore bien gai tout ça^^ - vide, mélancolie, isolement, Amérique malade en perte de repères - et tellement le reflet de nos sociétés, je ne sais pas si j'y survivrai.;-)<br /> Là j'ai besoin de soleil, de musique, de joie ! Je prépare ma valise ! Youhou !<br /> Bonne semaine, big mouaaaaacks !!
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N
ptdrrrrrrrrrrrrr sûr que si c'est pour revivre une réplique de ton "Zabor" c'est pas la peine, surtout avant de partir en vacances! ^^<br /> Ah ah quel bonheur, je te souhaite un super voyage avec plein de gros becssssssssssssssss SMACK! xxx<br /> Profites-en bien, tu le mérites! :-*
F
Il me semble que ça a été mon premier Besson...j'en garde un souvenir particulièrement fort.. tu me donnerais envie de le relire!<br /> As-tu lu "Arrête avec tes mensonges" ?
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N
Celui-ci est déjà un chef d'oeuvre à mes yeux :-)
F
Et il est encore mieux que celui-ci...et ce n'est que mon avis objectif.. bien sûr ;-)
N
Non pas encore mais j'veux VRAIMENT le lire!
M
Bon ben faut vraiment que je le lise !!!<br /> Ton billet est vraiment top, une fois encore... ;)
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N
J'veux tout lire de Besson, c'est trop bon! Gros becs mon kinG

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