Marianne ne se serait jamais doutée cette nuit-là que sa vie allait basculer. Qui peut seulement savoir ce qui l’attend? Petit train-train quotidien jusqu’au coup de fil qui vous brise à jamais. Son fils Simon est dans le coma. Les lésions sont irréversibles, il est sous assistance respiratoire, en état de mort encéphalique.
Je l’accompagnais ce soir-là, il faisait froid à crever, journée typique d’un février glacial. On venait de cirer nos planches et on partait pour un trip de surf. S’étaient joints à nous quelques amis de Simon, aussi enragés que nous pouvions l’être lui et moi. C’est ça avoir vingt ans, le cœur rempli de fougue et l’envie de repousser ses limites. Rien au monde ne nous aurait empêché d’aller affronter la vague, le « swell » comme on dit dans le jargon, genre de déferlante de Mavericks qui se produit au plus trois fois par année. Au retour, dans le van, c'était juste un peu passé Étretat et il se faisait tard. Tout s’est passé si vite, je cherche encore à comprendre. Un endormissement, une erreur de manœuvre, la seconde de trop où tout vole en éclat.
Marianne vit dans une autre temporalité. Le temps n’a plus de signification. Si elle pouvait seulement s’endormir et ne jamais s’éveiller. C’est une douleur insoutenable et innommable, le choc de l’impuissance, un état de désespoir. La pièce tangue. Je lui prends la main, pour peu qu’elle arrive à la sentir. Et je l’accompagne au chevet de Sinon. Ses yeux sont clos mais sa poitrine se soulève. Saleté de vie qui vous arrache à un bref instant d’espoir. Je suis forcée de lui dire qu’il respire artificiellement. Je voudrais n’avoir jamais eu à tenir ce rôle...
Je connaissais le synopsis de ce roman et je savais d’emblée que ce n’était pas le genre de lecture pour moi. Comme j’aurais dû m’écouter! Ça me bouleverse trop, ça me fait même mal en dedans, c’est ma fibre maternelle qui n’arrive pas à imaginer cette douleur. Je suis consciente du fait que l’auteure signe un très bel ouvrage avec ce livre, je n’ai juste pas l’objectivité ou le recul pour l’apprécier à sa juste valeur.
J’ai fait aussi l’erreur d’aller voir le film en cours de lecture, un excellent film par ailleurs, mais qui ne m’a pas donné envie de revenir vers le roman. J’avais déjà le sentiment d’avoir bouclé la boucle d’une histoire que je mettrais du temps à digérer, par le poids de son contenu.
Le livre en soi ne se réduit pas à une simple histoire de transplantation cardiaque. Bien au-delà, il y a une multitude de sentiments humains. Il y a le corps médical amené chaque jour à côtoyer la mort. Toutes ces vies tenues entre leurs mains et l’impuissance trop souvent ressentie. Il y a les questions délicates, comme celle notamment présentée dans le roman, d'aborder le don d’organe auprès d'une famille sous le choc, dans un délai que ne doit pas dépasser la survie de l'organe en question. Comment les proches peuvent-ils seulement l’envisager alors qu’ils n’ont pas encore réalisé que cette vie à laquelle ils tenaient leur sera arrachée à jamais?
Le cœur est bien plus qu’un organe vital, c’est aussi un symbole. Car c’est à travers lui que passe les sentiments humains…
« Enterrer les morts et réparer les vivants »
C'est le genre d'histoire qui vous bouleverse vous aussi?
Pour lire le billet de mon amie Nadège