Nom, prénom, âge, « profession du père »?
Trois mots qui se détachent du formulaire scolaire auquel le jeune Émile doit répondre. Agent secret? Fabulateur? Son père a été Compagnon de la chanson, pasteur pentecôtiste, ceinture noire de judo, parachutiste à la guerre, footballeur professionnel et j’en passe.
Enfin, c’est ce qu’il raconte…
Avec le chef de l’OAS (l’Organisation de l’Armée Secrète) et d’autres complices, il planifie une opération afin de tuer de Gaulle le 1er janvier 1963, à 11 heures. Il vient de s’allier à Salan dans sa lutte contre l’indépendance de l’Algérie. À l’entendre parler, avant le putsch de 61, il avait été le bras droit de de Gaulle. Mais ça, c’était avant qu’il ne le trahisse.
Enfin, c’est aussi ce qu’il raconte…
« Mon fils, je ferai de toi un rebelle! Tu rejoindras le camp de la France! »
C’est à coups de fouet qu’Émile a rejoint ce fameux camp de la France. Son bourreau de père l’a martyrisé. Il l’a forcé à jeûner pour l’endurcir. L’a enfermé dans sa « maison de correction », des heures dans le noir, une nuit entière, la peur au ventre. Coups de martinet et gifles. Perdant connaissance en même temps que la raison, sa tête heurtant le mur. Black out. D’après son père, il ne méritait rien de mieux ce « salaud d’incapable ». 12-13 ans, tout juste sorti de l’enfance. À peine le temps de reprendre son souffle entre deux bourrasques.
« Je ferai de toi un soldat! »
Élan de survie, les mains devant le visage pour parer aux coups. Se boucher les oreilles pour ne pas entendre les cris de sa mère en train de se faire battre. Longue descente en enfer.
C’est ce qu’on raconte, mais c’est aussi ce qui s’est passé…
Ce roman illustre à perfection la folie d’un père violent, fabulateur, parano et manipulateur. La chute vers l’enfermement psychiatrique. Les séquelles à long terme de la maltraitance, les conséquences d’une enfance meurtrie. La survivance d’un enfant aux pires violences psychologiques et physiques, à l’abandon, au rejet, au désillusionnement. Certains parleront de résilience. Qu’importe les mots, que fait-il que certains s’en sortent et d’autres non? « Profession du père » nous parle aussi d’une mère qu’il ne faudrait jamais oublier dans ce processus de survie : impuissante et résignée.
Il n’est pas peu de dire que ce livre est une claque en plein visage. Puissant. Souffrant. Une histoire qui ne s’oublie pas. Impossible...