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27 mars 2016 7 27 /03 /mars /2016 17:25
Rien ne s'oppose à la nuit - Delphine de Vigan

« J’ai essayé d’écrire ma mère »

 

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« À travers l’écriture je cherche l’origine de sa souffrance »

 

Je n’arriverai jamais à décrire, avec toute la force qu’elle mérite, le courage de cette femme et l’admiration que je porte à ses élans de survie. En couchant les mots sur le papier glacé des heures sombres de son enfance, Delphine de Vigan a souhaité rendre hommage à sa mère, Lucile, une femme hors du temps. Écrit à partir de lettres, de dessins, de photos et de témoignages, ce récit est teinté par l’absence d’une mère, sa mort et l’angoisse dans laquelle elle l’aura laissée. Elle racontera le milieu social, les étés passés dans un camp de naturiste, les soirées généreusement arrosées d’alcool et de vapeurs de joints, sa mère se défonçant chaque soir et leur maison tenant lieu de repère d’hippies où l’on venait s’éclater jusqu’aux petites heures du matin. Avec le temps, une distance douloureuse se sera installée entre sa mère et elle, qu’elle n’appellera plus même « maman » mais Lucile. Jusqu’au jour où elle la trouvera morte, des « minutes d’apnées » qui la plongeront inévitablement dans le brouillard et la terreur. C’est sur cet événement que s’ouvre le roman. Son histoire m’a bouleversée…  

 

Lucile, « femme abîmée », «petite chose friable, recollée, rafistolée, irréparable ». C’est le souvenir qu’en garde Delphine de Vigan, trois ans après sa mort. Dans son enfance, enfant à l’écart et la préférée de son père, elle se démarquait déjà par ses isolements silencieux, son humour à froid, ses airs absents, le mystère dont elle s’entourait et ses nombreuses peurs, du bruit, des voleurs, des voitures etc. Elle rêvait alors de « devenir invisible », ironie du sort pour cette jeune fille sur laquelle tous les regards se posaient. Elle était d’une grande beauté, modèle pour des magasines et des défilés de mode. Puis vint le grand dérapage où elle sombra dans la folie, qu’on l’interna à quelques reprises et qu’on lui diagnostiqua une psychose maniaco-dépressive où elle resta près de 10 ans dans l’enfermement de pensées suicidaires. Bourrée de neuroleptiques, les yeux dans le vague, léthargique, délirante et sujette à des pensées morbides et à des hallucinations, c’est le modèle de mère avec lequel Delphine de Vigan a passé son enfance et son adolescence.   

 

« Lucile est devenue cette femme fragile, d’une beauté singulière, drôle, silencieuse, souvent subversive, qui longtemps s’est tenue au bord du gouffre, sans jamais le quitter tout à fait des yeux, cette femme admirée, désirée, qui suscita les passions, cette femme meurtrie, blessée, humiliée, qui perdit tout en une journée et fit plusieurs séjours en hôpital psychiatrique, cette femme inconsolable, coupable à perpétuité, murée dans sa solitude. »

 

Delphine de Vigan nous raconte ici l’histoire d’une famille, la sienne, qu’elle qualifie de dévastée. Outre les nombreux amours de sa mère, les suicides, les morts, les maladies, les accidents, elle a gardé d'elle le souvenir ineffable d’une femme en perpétuel mal de vivre. De nombreux passages m’ont troublée aux larmes, son passé bien sûr avec lequel elle vit au présent de l’imparfait, mais aussi la présence néfaste de son propre père, l’anorexie, l'inceste, les viols... Merci à vous Delphine de Vigan, votre histoire est un peu devenue la mienne, la nôtre. Elle laissera longtemps en moi des traces de douleur... 

 

« Ma famille incarne ce que la joie a de plus bruyant, de plus spectaculaire, l’écho inlassable des morts, et le retentissement du désastre. Aujourd’hui je sais qu’elle illustre, comme tant d’autres familles, le pouvoir de destruction du verbe, et celui du silence. »

 

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« Lucile est morte comme elle le souhaitait : vivante. Aujourd’hui, je suis capable d’admirer son courage. »

 

Les avis de Claudia Lucia et Malika 

Et ceux de manU, Nadège et Claudia Lucia sur « D’après une histoire vraie »

 

Photo : Lucile dans une pub 

Rien ne s'oppose à la nuit - Delphine de Vigan

commentaires

L
Il est dans ma PAL. J'ai découvert cette auteure avec No et moi qui m'avait bouleversée. Celui-ci est dans un autre registre, j'attends le bon moment pour me plonger dedans.<br /> <br /> Superbe billet, comme d'habitude. Te lire m'a manqué... C'est ma faute, désolée pour mon absence. Je croulai sous le travail.
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N
No et moi me tente énormément, j'en ai lu beaucoup de bien! Je commence à me dire que l'ensemble de ses livres sont bouleversants. C'est sans doute ce qui en fait sa beauté...<br /> Mais non ne t'en fais pas, je comprends très bien, on court après le temps. C'est toujours un plaisir de te voir ici.<br /> Bisous Céline
J
On te sens tellement sous le charme, c'est un vrai plaisir de te lire.
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N
J'suis sortie de cette lecture complètement ravie... :D<br /> Bonne semaine à toi
N
Que j'aime l'écriture, la sensibilité, la sincérité et la simplicité de Delphine De Vigan. Je n'ai pas encore lu ce livre-là mais je le lirai, c'est sûr. Tu devrais aimer D'après une histoire vraie, j'ai hâte de lire tes impressions... je te conseille également Les heures souterraines, un récit bouleversant également. Je t'embrasse.
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N
Tu cites ici tout ce qui m'a touchée dans son écriture, la sensibilité, la simplicité et la sincérité. Aucun fard ni artifice, que du vrai. J’ai tellement aimé la femme sous l’écrivaine que j’en lirai d’autres, et je garde en tête les deux que tu mentionnes. J’irai voir de quoi parle Les heures souterraines… <br /> Gros becs ma Nadège
C
Comme toi, j'ai été secouée par ce récit et par la douleur que la mère comme la fille ont ressentie. C'est un livre autobiographique qui n'est jamais complaisant. Il pose aussi les problèmes propres à l'écriture lorsqu'elle est liée aux souvenirs et qu'elle fait appel à quelque chose d'aussi subjectif et aussi incertain que la mémoire.
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N
J'crois qu'on ne peut pas sortir tout à fait indemne d’une enfance pareille, il faut trouver le moyen de s'en affranchir comme elle l'a fait avec ses mots. J’admire son courage… <br /> C’est écrit avec beaucoup d’humilité, de franchise, d’authenticité, jamais je n’ai senti qu’elle cherchait à colorer ou amplifier la réalité, au contraire, elle la raconte simplement, comme les mots viennent et ça se sent. J'pense que ça explique pourquoi j'ai été aussi bouleversée...<br /> Bisous et bonne semaine
L
Que cela soit rien ne s'oppose à la nuit ou d'après une histoire vraie, cela semble deux romans extrêmement forts, du genre à rester graver au fond de soi, bien des livres après... Je ne peux passer à coté de Delphine de Vigan. Osez, osez, Joséphine.
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N
Extrêmement fort c’est vraiment le bon mot Bison, infiniment profond, j’en ressors même avec quelques passages qui m’ont complètement bouleversée. Par moments j’me sentais même opprimée, d’autant plus troublant que je m’y retrouvais quelque part.<br /> <br /> Osez, osez Joséphine, à l’arrière des berlines, à l’arrière des dauphines ^^
C
J'ai lu ce livre il y a quelques années à sa sortie et en lisant ton magnifique billet il me rappelle cette douleur dans cette relation mère-fille mais aussi comme un certain malaise. Une très belle écriture !<br /> <br /> Delphine Vigan est passé dans ma librairie il y a quelques mois pour son nouveau roman et comme je travaillai je n'ai pas pu m'y rendre rahhhhhhhhhhhhhh ^^<br /> <br /> "Plus rien ne s'oppose à la nuit... rien ne justifie" :) <br /> <br /> De gros poutou sur ta joue XXX <3
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N
Cette histoire mère-fille était vraiment douloureuse, j’ai été passionnée par son récit en même temps que j’ressentais un malaise, comme tu dis. Il faut du courage et beaucoup de dignité pour arriver à s’ouvrir ainsi au lecteur, sans fard ni artifices... <br /> <br /> Ohhhhhhh j’imagine comme tu aurais aimé la rencontrer!<br /> <br /> Rien ne justifie… osez Joséphine :D<br /> <br /> Gros becs sur l’bout de ton nez XXX
M
Je viens de le commencer mais j'ai lu ton avis avec intérêt. On sent que cette lecture ne t'a pas laissée indifférente...
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N
Elle m’a même fait très mal à certains endroits. Maintenant j’vais lire « D’après une histoires vraies » ;-)

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