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31 mai 2016 2 31 /05 /mai /2016 23:38
Le coeur cousu - Carole Martinez

« Maman n’a jamais su écrire qu’à l’aiguille. Chaque ouvrage de sa main portait un mot d’amour inscrit dans l’épaisseur du tissu. »

 

Au départ, il y eut cette boîte étrange que Frasquita reçut de sa mère en héritage. Un trésor confié sous la consigne de ne l’ouvrir que neuf mois plus tard, jour pour jour. Luttant contre l’envie irrésistible d’en découvrir le secret, elle l’enterra dans l’oliveraie du Seigneur Hérédia – « l’homme à l’oliveraie ». Lorsqu’elle fut en âge de comprendre la vie sous des yeux de jeunes filles, sa mère lui fit apprendre un ensemble de prières pour chaque misère humaine. Mais elle devra user avec parcimonie des pouvoirs qui en découleront… 

 

Personnage central de cette histoire fascinante, Frasquita, la couturière du faubourg Marabout, est emplit de dons. Elle coud et brode, magicienne faisant naître ce qu’elle touche du bout de ses doigts. À son contact, les robes et les châles se transformeront en maléfices qui agiront sur les hommes comme des philtres d’amour. Les fils aux mille couleurs changeront le regard qu’elle porte sur le monde. D’abord, il y eut ce petit cœur brodé dans les entrailles de la Madone qui un jour s’est mis à battre, et ce papillon qui prit son envol. Elle arrivera même à recoudre le visage de Salvador, ravagé par la haine des anarchistes. De quel miracle ou phénomène surnaturel Frasquita s’est-t-elle fait l’héritière? Empruntant un chemin opposé, vivant en marge de la société, s’affichant avec des prostituées et mettant au monde des enfants étranges – comme Angela qui nait avec des plumes et couine comme un canard - elle fera fuir les gens du village. N’aidant en rien l’ostracisme dont elle fut la victime, son mari devint fou et entra dans le monde des volailles pour en devenir l’un des membres. Il vivait dans le poulailler et se prenait pour une poule… Il lui vint même l’idée de couver un œuf rouge et de faire de ce coq le plus beau coq de combat.

 

Chassée, elle prendra la fuite avec ses cinq enfants, la sixième reposant dans son ventre. Elle s’appellera Soledad et sera la narratrice de cette histoire. Son prénom lui viendra de cette solitude dans laquelle elle sera plongée dès sa naissance dans une « volonté de résister au monde ». D’aucun diront qu’ils ont vu une femme en robe de noces tirant une charrette avec sa marmaille dans les jambes…

 

« J’ai peur toujours de cette solitude qui m’est venue en même temps que la vie, de ce vide qui me creuse, m’use du dedans, enfle, progresse comme le désert et où résonnent les voix mortes. »

 

Le cœur cousu, premier roman de Carole Martinez, est l’histoire d’une famille entourée d’un mal mystérieux. C’est avant tout une histoire de transmission entre les générations. Celle de femmes fortes unies par d’étranges pouvoirs. C’est aussi le basculement entre le rêve et la réalité dont le point d’ancrage sera la recherche d’équilibre, un univers de « folie » où la haine et le mépris des hommes ne saura régner qu’au prix d’une certaine liberté. À travers ses personnages en marge, c’est un roman sur la différence et l’acceptation, les choix que l’on exerce et les épreuves de la vie. Le cœur cousu est un portrait de femmes, tissé au fil des pages, dans une broderie d’humanité et d’entraide qu’aucun lien ne pourra dénouer…

 

« Il arrive qu’on interrompe une promenade, oubliant même ce vers quoi l’on marchait, pour s’arrêter sur le bord de la route et se laisser absorber totalement par un détail. Un grain du paysage. Une tache sur la page. Un rien accroche notre regard et nous disperse soudain aux quatre vents, nous brise avant de nous reconstruire peu à peu. Alors la promenade se poursuit, le temps reprend son cours. Mais quelque chose est arrivé. Un papillon nous ébranle, nous fait chanceler, puis il repart. Peut-être emporte-t-il dans son vol une infime partie de nous. , notre long regard posé sur ses ailes déployées. Alors, à la fois plus lourds et plus légers, nous reprenons notre chemin. »

 

Un grand merci à toi ma chère Nadège pour ce cadeau aux mille couleurs <3

Et le billet magnifique de Céline du blog Le livre-vie

27 mai 2016 5 27 /05 /mai /2016 18:03
Les dix enfants que madame Ming n'a jamais eus (3) - Éric-Emmanuel Schmitt (Le Cycle de l'invisible)

« La vérité m’a toujours fait regretter l’incertitude. »

 

Madame Ming s’occupe des latrines masculines du Grand Hôtel de Guangdong, dans le sud de la Chine. Étrange personnage de bonté et de dévouement, elle voit chaque jour défiler ces hommes dans l’urgence d’un soulagement aussi bref que nécessaire. C’est alors qu’elle rencontre le narrateur – dont le prénom n’est pas cité – et qu’une belle relation de confiance et de partage s’établit entre eux. Il travaille à l’étage supérieur à multiplier les contrats commerciaux avec la Chine et profite de chaque occasion, même de celles qui ne lui sont pas accordées, pour poursuivre ses bavardement avec dame pipi, cette femme pleine de sincérité et de douceur…

 

« Madame Ming incarnait la permanence dans un monde versatile. »

 

Elle lui raconte ses dix enfants, Li Mei, ses jumeaux Kun et Kong et tous les autres. DIX! Mais Madame Ming, comment est-ce possible d’en avoir dix alors que l’État chinois interdit aux couples d’avoir plus d’un enfant??! Au départ, il subit ses affabulations, puis éprouve de la sympathie pour elle. Une amitié se développe sous le couvert des confidences, dans ce milieu parfumé aux boules à mites à l’odeur de cèdre, et qui au départ n’avait rien on s’entend d’un lieu où s’attarder dans l’épanchement de sentiments. Rien que pour ce contraste délirant j’ai eu envie de remercier l’auteur, il m’a fait vraiment rire! :D Cette p’tite parenthèse mise à part, il réalise son besoin de fantaisie, d’illusions. Celui de s’évader dans un monde factice où la réalité se confond avec le rêve et l’urgence de vivre. Il en arrive à comprendre que le bonheur est plus fort que la recherche de vérité.

 

« À travers ces broderies où s’épanouissait son imagination, je sentais sa carence, sa nostalgie de transmettre, son aspiration à aimer. »

 

Toujours dans la poursuite de mes lectures du « Cycle de l’invisible », qui accorde à chacune de ses six nouvelles le plaisir de nous faire découvrir une religion ou une quelconque forme de spiritualité, Éric-Emmanuel Schmitt nous parle ici des entretiens de Confucius sur l’amour familial et le sens du respect. Ces quelques pages de douceur et d’amour nous amènent à nous questionner sur la vérité. Mais surtout sur la réalité à laquelle il ne faut pas s’attarder au détriment du rêve. Le bonheur est dans l’équilibre fragile des choses qui nous entourent.

 

Qui ne voudrait pas d’une Madame Ming dans sa vie? Je me suis profondément attachée au personnage qu’elle incarne avec tant de tendresse et d’humanité...

 

« De la Chine de Mao, madame Ming conservait l’égalitarisme ; de celle de Confucius, elle perpétuait l’humanisme. »

Les dix enfants que madame Ming n'a jamais eus (3) - Éric-Emmanuel Schmitt (Le Cycle de l'invisible)
24 mai 2016 2 24 /05 /mai /2016 23:37
Quand un Bison fête son anniversaire sur la banquise du phoque en Alaska

Joyeux anniversaire Bison! Sors ta tuque pis tes mitaines, tu vas te geler les majeurs sur la banquise... ^^

 

Qu’un nuage Unibrouesque déverse une pluie de bonheur au-dessus de ton Ranch, qu’il fasse frémir tes majeurs et fondre ton igloo…

 

Joyeux anniversaire tabarnak!

 

LA COMPLAINTE DU PHOQUE EN ALASKA
(paroles et musique: Michel Rivard pour Beau Dommage)

 

Pour l'écouter Clicker ici


Cré-moé, cré-moé pas
Quéqu'part en Alaska
Y a un phoque qui s'ennuie en maudit
Sa blonde est partie
Gagner sa vie
Dans un cirque aux États-Unis

Le phoque est tout seul
Y r'garde le soleil
Qui descend doucement sur le glacier
Y pense aux États
En pleurant tout bas
C'est comme ça quand ta blonde t'a lâché

REFRAIN:
Ça vaut pas la peine
De laisser ceux qu'on aime
Pour aller faire tourner
Des ballons sur son nez
Ça fait rire les enfants
Ça dure jamais longtemps
Ça fait plus rire personne
Quand les enfants sont grands

Quand le phoque s'ennuie
Y r'garde son poil qui brille
Comme les rues de New York après la pluie
Y rêve à Chicago
À Marilyn Monroe
Y voudrait voir sa blonde faire un show

C'est rien qu'une histoire
J'peux pas m'en faire accroire
Mais des fois j'ai l'impression qu'c'est moé
Qui est assis sur la glace
Les deux mains dans la face
Mon amour est partie pis j' m'ennuie

 

REFRAIN

Quand un Bison fête son anniversaire sur la banquise du phoque en Alaska
Quand un Bison fête son anniversaire sur la banquise du phoque en Alaska
13 mai 2016 5 13 /05 /mai /2016 12:48

Pendant que le soleil se couche sur Cognac, les grenouilEs prennent un bain de minuit :D

J'en entends une qui croasse plus fort que les autres………… bonyeux c’est le kinG des marais!!! ^^

Crôa Crôa Crôaaaaaaaaaaaaaaaaa

« Kossar froskuR » ! :D))))

Des grenouillEs sous le soleil...... :D
Des grenouillEs sous le soleil...... :D
Des grenouillEs sous le soleil...... :D
Des grenouillEs sous le soleil...... :D
Des grenouillEs sous le soleil...... :D
Des grenouillEs sous le soleil...... :D
8 mai 2016 7 08 /05 /mai /2016 19:05
Les amants de Coyoacán - Gérard de Cortanze

« Je ne crois pas au destin. Je ne veux que vivre, c’est le but central de ma vie »

Frida Kahlo

 

En 1936, Léon Trotski et sa femme Natalia quittent le port d’Oslo pour le Mexique. Voyageant en tant que prisonniers en liberté surveillée, cette terre d’accueil leur promet un asile politique, pour autant qu’ils prêtent le serment de ne s’impliquer dans aucune activité liée au marxisme. Président du premier soviet de Saint-Pétersbourg, créateur de l’Armée rouge et de la révolution d’Octobre, Trotski est accusé d’espionnage et de terrorisme, aux suites desquelles Natalia et lui se sont vus retirer la citoyenneté soviétique. 24 heures sur 24, policiers et gardes privés – des Trotskistes mexicains - assurent une surveillance accrue sur un large périmètre encerclant la Maison bleue de Coyoacán, qu’ils habitent, depuis leur arrivée, avec Frida Kahlo et Diego Rivera. Trotski est menacé par les agents de la Guépéou. L’exil tant attendu ne sera qu’une suite de la longue descente en enfer que le Mexique se proposait de réparer en eux.

 

Mais avant l’abîme il y eut l’amour, celui entre Frida et Trotski, un amour passionné, passionnel, pimenté d’escapades nocturnes dans la maison de campagne d’Hidalgo à Bojorquez. Les amants se glissaient d’abord des mots d’amour dans les livres qu’ils s’échangeaient secrètement. Puis vint les heures des nuits torrides sous la chaleur du Mexique. Communions de corps et d’âme, ils remplissaient chez l’autre le vide que Diego et Natalia n’arrivaient plus à combler.

 

« L’amour dure autant de temps qu’il donne du plaisir » - Frida Kahlo

 

« Frida, mon amour, je couvre de baisers tes épaules, tes mains, tes seins, ton ventre… » - Léon Trotski

 

« Nul besoin de l’aube, dit Léon, le nez enfoui dans le sexe de Frida. Te sentir toi, ici, c’est comme sentir le premier de tous les matins. Ton parfum ressemble au parfum perdu de l’ancien lac de Mexico. » - Léon Trotski

 

Gérard de Cortanze nous peint, avec le mérite qui lui revient, le portrait d’une femme libre. De la belle mexicaine à la beauté mystérieuse, avant-gardiste, rayonnante, théâtrale et indépendante. Les années plus sombres aussi, les dépressions, l’accident de tramway qui, s’il ne lui a pas coûté la vie, l’aura cloué dans un lit avec des douleurs atroces au dos et l’impossibilité d’avoir des enfants. Un drame qu’elle aura souvent peint, d’ailleurs n’a-t-elle pas transposé ses souffrances, ses amours, ses passions, ses folies et ses euphories à l’ensemble de son art? À 13 ans, Frida Kahlo rejoignait les Jeunesses communistes. Ses voyages à Paris et New York lui ont ouvert la voie d’une renommée internationale ; elle était admirée de Kandinsky, Picasso, Miro et tant d’autres artistes...

 

J’ai eu un énorme coup de cœur pour ce roman! C’est le plus complet que j’ai eu l’occasion de lire sur la vie de cette femme passionnante. Si l’auteur nous parle plus spécifiquement de sa relation d’amour à Trotski, il nous raconte aussi, inévitablement, sa vie avec Diego, leur mariage, leurs séparations puis le divorce. Ses amants, ses maîtresses, Franck, Nick, Maria, Jacqueline et plusieurs autres… Le lecteur découvre la provenance de ses œuvres et leurs sources inépuisables d’inspiration. Quel régal... L’ensemble du roman est placé dans le contexte historique de la Révolution mexicaine. À lire et relire <3

 

« Le jus de tes lèvres est riche de tous les fruits, le sang de la grenade, la rondeur du mamey et l’ananas parfait. Viens demain à 8 heures. À l’entrée ouest du parc du Centenaire. J’ai hâte d’être à toi » - Léon Trotski

 

« Mon Léon, JE – voudrais être – La PREMIÈRE FEMME de ta

V

I

E »

 

Un immense merci au sweet kinG des marais pour ce cadeau merveilleux :-*

 

Coup de cœur <3

Les amants de Coyoacán - Gérard de Cortanze
Les amants de Coyoacán - Gérard de Cortanze
Les amants de Coyoacán - Gérard de Cortanze
Les amants de Coyoacán - Gérard de Cortanze
Les amants de Coyoacán - Gérard de Cortanze
2 mai 2016 1 02 /05 /mai /2016 01:03

Les mots dHitomi

 

クリスティーナさん、お誕生日おめでとう!素敵な一年になりますように。

Hello, I'm writing this message from Japan. I wrote above :

"Mrs.Cristina, happy birthday! I wish you have a wonderful year."

I hope this Japanese character above wouldn't be garbled :)

Have a great birthday!!!

 

*******************************

 

Joyeux anniversaire Cristina!!!

 

Pour tes 25 printemps, aujourd’hui je soufflerai 25 bulles de savon de toutes les couleurs.

 

Et parce que tu les aimes tant, je t’offre ces cerisiers en fleurs de Tokyo. Des trésors photographiques venus du Soleil Levant, là où Hitomi se joint à moi pour te souhaiter une journée pleine d’amour et de douceur...  

 

Gros bisous de caribou bou bou bouuuuuuuu XXX

Danse nocture

Danse nocture

Pour éclairer la nuit...

Pour éclairer la nuit...

De fleurs et d'amour

De fleurs et d'amour

Temple de Koudaiji

Temple de Koudaiji

Soleil Couchant au pays du Soleil Levant...<3

Soleil Couchant au pays du Soleil Levant...<3

1 mai 2016 7 01 /05 /mai /2016 00:21
Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran (2) - Éric-Emmanuel Schmitt (Le Cycle de l'invisible)

 « À onze ans, j’ai cassé mon cochon et je suis allé voir les putes. »

 

C’est ainsi que débute l’histoire…

 

***************

 

« Ce que tu donnes, Momo, c’est à toi pour toujours ; ce que tu gardes, c’est perdu à jamais. »

 

J’ai toujours aimé ce roman, c’est comme une histoire d’amour que je retrouve chaque fois que j’en ouvre la première page. Il suffit que je me retrouve au cœur des échanges entre Monsieur Ibrahim et le petit Momo pour que je sois bousculée d’émotions tendres. Ce livre est touchant, il est beau, il fait du bien, c’est une vraie caresse pour l’âme. On y voit la vie à travers le regard d’un enfant qui apprend l’amour et l’attachement à l’autre. Je crois qu’on peut tous s’y reconnaître quelque part dans ces personnes qui ont changé le cours de notre vie. Qui nous ont amené à nous questionner juste assez pour que s’ouvre la voie des réponses.   

 

« C’est dingue comme, avec les mêmes mots, on peut avoir des sentiments différents. Quand je disais « papa » à monsieur Ibrahim, j’avais le cœur qui riait. »

 

Momo est juif, il a onze ans, il vit seul – ou presque – dans un appartement à moitié vide, vide de tout, de chaleur humaine surtout. Il passe ses soirées à se faire engueuler par son père qui le traite de voleur. Ce même père qui s’enferme dans « les murs de sa science », négligeant l’essentiel et se pourrissant la vie avec la nette exactitude à laquelle il arrive à abandonner son fils dans les rues de Paris. Comment un enfant de onze ans arrivera-t-il à cesser d’avoir honte? À se demander ce qui tourne de travers chez lui pour à ce point repousser l’amour des autres? Momo appréhende la vie à travers le regard de son père, avec mépris. C’est le modèle qu’il a reçu…

 

«-Qu’est-ce que ça veut dire, pour toi, Momo, être juif?

-Ben j’en sais rien. Pour mon père, c’est être déprimé toute la journée. Pour moi… c’est juste un truc qui m’empêche d’être autre chose. »

 

Monsieur Ibrahim est propriétaire d’une épicerie, on l’appelle « l’Arabe de la rue Juive ». En réalité, il vient du Croissant d’Or, les gens y sont « musulmans », mais ça sonne moins faux qu’ « arabes », vous ne trouvez pas? Ce vieil homme ressemble à un sage, il est calme, posé, il adhère au soufisme, c’est sa façon d’appréhender la vie. Leur route se croise un jour et au fil de leurs échanges Momo renaît. Cet homme chaleureux lui ouvre un regard nouveau sur le monde des adultes. À son contact, il retrouvera le sourire. Il se débarrassera de sa haine et découvrira la liberté. Il comprendra mieux pourquoi son père est parti, son histoire, ses parents morts dans les camps nazis. Il apprendra à faire la différence entre ce qu’il a vécu auprès de son père et le monde tel qu’il est aujourd’hui au côté de Monsieur Ibrahim : « Avec monsieur Ibrahim et les putes, il faisait plus chaud, plus clair. »

 

« -M’sieur Ibrahim, quand je dis que c’est un truc de gens riches, le sourire, je veux dire que c’est un truc pour les gens heureux.

-Eh bien, c’est là que tu te trompes. C’est sourire, qui rend heureux.

-Mon œil.       

-Essaie.

-Mon œil, je dis.

-Tu es poli pourtant, Momo?

-Bien obligé, sinon je reçois des baffes.

-Poli, c’est bien. Aimable, c’est mieux. Essaie de sourire, tu verras. »

 

Un jour, ils partiront voir la mer et rejoindre ce Croissant d’Or si cher au cœur de Monsieur Ibrahim. Devant ce spectacle, Momo ne pourra s’arrêter de pleurer. Ils s’arrêteront dans un tekke et assisteront à la transe des Soufis. Le vieil homme attendait ce moment depuis longtemps. Sa rencontre avec Momo sera l’occasion de renouer avec ses racines. De lui transmettre un héritage d’amour qui passera à jamais par le souvenir….

 

« La beauté, Momo, elle est partout. Où que tu tournes les yeux. »

 

Pour lire le magnifique billet de Nadège

Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran (2) - Éric-Emmanuel Schmitt (Le Cycle de l'invisible)
Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran (2) - Éric-Emmanuel Schmitt (Le Cycle de l'invisible)
24 avril 2016 7 24 /04 /avril /2016 03:20
Moka - Tatiana de Rosnay

« Pourquoi nous? Pourquoi ça nous arrive, à nous? Qui décide de tout ça? »

 

Le 23 mai à 14h30, Justine ne se doutait pas que sa vie allait basculer. Elle s’est levée ce jour-là en se croyant à l’abri. Un seul coup de fil a suffi pour comprendre que plus rien ne serait jamais pareil. Comment voit-on le désastre venir? Son fils Malcolm, 13 ans, s’est fait happer par une voiture, le chauffard a pris la fuite. Il repose dans le coma. D’aussi loin qu’il se trouve, qu’on le touche ou lui parle, il ne réagit pas... Mais que savons-nous de ce faux sommeil? Le petit entend-il sa mère? A-t-il des rêves?

 

En sortant de cette lecture, on ne peut faire autrement que se poser mille questions, à commencer par comment apprendre à vivre « avec ça »? Y arrive-t-on seulement? La terre continue de tourner et pourtant, il y a ce poids constant au creux de la poitrine qui empêche d’avancer. L’absence, le vide, les souvenirs qui remontent, la peur dans laquelle la solitude nous plonge. Il y a le supplice de l’attente, l’incertitude. Ceux qui nous soutiennent et ceux qui nous abandonnent, parce qu’ils n’auront pas su comment s’y prendre. Il y a Andrew, son mari, le gars stoïque, la forteresse qui s’effondre et le couple qui fout le camp. Comment fera-t-elle pour le soutenir alors qu’il était toujours celui qui consolait, qui rassurait? Il y a le discours prudent des médecins, le jour J de l’accident, la culpabilité d’avoir survécu. Une envie de revenir en arrière et de tout reconstruire, d’être allée chercher Malcolm après son cours de musique. Et d’avoir évité le pire…     

 

« Le plus dur, c’était de tenir. Calquer le quotidien sur l’horreur qui nous arrivait. Et puis le réveil. Le moment où on ouvrait les yeux, on ne se souvenait de rien, on se sentait léger. Puis tout revenait. »

 

« Quelqu’un m’avait dit, il y a longtemps, que c’était dans l’épreuve qu’un couple se révélait. Dans la douleur. C’était ainsi qu’un couple tenait, ou pas. »

 

Le 23 mai à 14h30, Justine ne se doutait pas que sa vie allait basculer. Qui était le conducteur de la Mercedes couleur Moka qui a plongé son fils dans le coma?

 

Tatiana de Rosnay explore avec finesse la longue descente dans le monde du sommeil profond. Je suis chaque fois charmée par sa plume, les sujets délicats dont elle sait parler avec justesse. Son livre me ramène quelques années en arrière au si beau roman de Marie Laberge, Revenir de loin.

 

****************

 

Malcolm, entends-tu? C’est Big Ben qui sonne et la voix de Churchill, ta chanson favorite. Attends, je pose le casque d’écoute sur tes oreilles d’enfant. Tu entends? : “We shall go on to the end. We shall fight on the seas and the oceans.”

 

"History recalls how great the fall can be

When everybody’s sleeping, the boats put out to sea

Borne on the wings of time

It seemed the answers were so easy to find"

 

R’n’B

Moka - Tatiana de Rosnay
19 avril 2016 2 19 /04 /avril /2016 23:29
Le sumo qui ne pouvait pas grossir (1) - Éric-Emmanuel Schmitt (Le Cycle de l'invisible)

« À l’envers des nuages, il y a toujours un ciel. »

 

********

 

« Ce qu’on refoule pèse plus lourd que ce qu’on explore. »

 

Jun a quinze ans. Un jour, il s’est levé et a eu envie de tout foutre en l’air, de réorganiser sa vie autour de ce qu’il croyait être son incapacité à vivre en collectivité. Dégoûté de lui autant que de la vie, il s’est dit que ce qu’il perdrait en « confort » il le gagnerait en liberté. En réalité, Jun a peur, c’est pour cette raison qu’il abandonne tout avant même de s’être donné la chance de réussir. Il fait partie de ces jeunes qui attribuent aux autres l’entière responsabilité de leurs malheurs - quand on se pose en victime, on se décharge de ses torts, c’est moins lourd à porter... Certes, son père est mort et sa mère, selon lui, ne lui a jamais témoigné de tendresse. A-t-il seulement saisi le message d’amour derrière ses lettres? Je ne dis pas qu’on naît tous égaux, loin de là, mais je pense qu’à l’adolescence il peut nous arriver d’occulter la réalité sous une avalanche de certitudes. En fuguant, Yun s’est protégé derrière une carapace. Une couche bien solide de repli sur soi pour lui éviter de se sentir constamment agressé par les paroles des autres, de les déformer, de les juger, d’en douter, de les interpréter. Ce n’est pas lâche, c’est une manière comme une autre de survivre…

 

« Tu agonises parce que tu as tout recouvert, tes émotions, tes problèmes, ton histoire. Tu ne sais pas qui tu es, donc tu ne construis pas à partir de toi. »

 

Il vit maintenant le cul sur un bout de béton d’une ruelle insalubre de Tokyo et s’alimente de restes de poubelles. De temps en temps, pour pouvoir se permettre le luxe de quelques boîtes de conserves, il vend des canards pour le bain, mais pas n’importe lesquels… les siens ont des formes de femmes, des seins aussi rouges qu’une promesse. Jusqu’au jour où il rencontre Shomintsu, un maître de sumo. Et que d’une voix aussi douce qu’imperturbable, ce dernier se tourne vers lui et lui dit :

 

« -Je vois un gros en toi.

-… »

 

Et le jour suivant…

 

« -Je vois un gros en toi.

-Va te faire foutre ! »

 

Ce que Shomintsu a réellement vu en Jun ressemble à de faux semblants pour cacher ses souffrances. Un monde de sensibilité étouffé sous les apparences. Il repoussera d’abord le maître, puis finira par se laisser apprivoiser. Son univers basculera. Jun sera sur la voie de l’apprentissage... En participant à son école de sumo, ses instincts seront plus vifs, ses certitudes s’écrouleront. Il perdra ses repères mais vaincra ses préjugés. Surtout, il apprendra à penser à travers son propre regard. Le temps sera-t-il venu alors d’ouvrir les lettres de sa mère et de découvrir ses secrets?

 

« J’ai dit que c’était possible, pas que c’était facile.

-Tu progresses, Jun. Tu rates tes combats, mais tu échoues avec style. »

 

Le Cycle de l’invisible d’Éric Emmanuel-Schmitt comprend six romans – nouvelles - que j’ai décidé de relire. Chacune d’elles nous parle d’une religion. C’est mon p’tit Vincent qui m’en a donné le goût, il en a loué deux à la biblio de son collège la semaine dernière. Et comme c’est l’un de mes auteurs favoris…

 

Dans celui-ci, il est question de bouddhisme zen, que pratique Shomintsu. Un homme paisible et généreux qui médite durant des heures pour atteindre en lui le vide suprême. Une fois ce vide atteint, la force en lui s’éveille. Et nous apprenons, à son contact, que rien n’est impossible…

 

« Tu as raison, Jun. Le but, ce n’est pas le bout du chemin, c’est le cheminement. »

 

***********

 

« Jun, si ce que tu dis n’est pas plus beau que le silence, alors tais-toi... »

Le sumo qui ne pouvait pas grossir (1) - Éric-Emmanuel Schmitt (Le Cycle de l'invisible)
Le sumo qui ne pouvait pas grossir (1) - Éric-Emmanuel Schmitt (Le Cycle de l'invisible)
16 avril 2016 6 16 /04 /avril /2016 00:38
Angel, l'Indien blanc - François Place

Quelque part dans l’estuaire du rio de la Plata, au XVIIIe siècle

 

Angel, l’Indien blanc, est né là où les paysages sauvages de la pampa s’étendent à des kilomètres à la ronde. Avant sa naissance, sa mère, Française, avait été engagée pour enseigner la musique aux enfants de Don Alonzo, un riche propriétaire. Jusqu’au jour où elle se fit enlever par des Indiens. Esclave battue et méprisée par eux, elle mit au monde Angel neuf mois plus tard, faisant de lui un Indien de sang-mêlé. Après un combat mené par une troupe de soldats armés jusqu’aux dents, il ne la revit plus jamais. Mais de son enfance indienne dans le désert du Sud, il garda d’elle ce qu’il y a de plus précieux : le courage et la volonté de rester en vie, la confiance, la force de se battre et le pouvoir de la réflexion.

  

« Je me remettais en marche, en me raccrochant à la seule pensée de ma mère. Tout ce qu’il y a de bon et de beau, c’est elle qui m’en avait donné le goût. Je me réfugiais dans son souvenir. Je la revoyais, entre mes paupières mi-closes, ramper jusqu’à moi comme elle le faisait, chaque nuit pour me serrer dans ses bras. Personne ne pourrait jamais me voler ces moments-là, personne ne pourrait me voler la tendresse de sa voix, ni les contes qu’elle nous inventait soir après soir. »

 

Un jour il est vendu comme esclave à un marchand de Buenos Aires quand il saisit l’occasion de fuir clandestinement à bord d’un trois-mâts, le Neptune.

 

« Et là-haut, c’était beau, tout simplement : la mer à perte de vue, sous un ciel sans limites. Parfois l’horizon pris de vertige se mettait à danser, les vagues se hérissaient de crêtes d’écume, toute la mâture penchait, plongeait, s’envolait, l’estomac se prenait de spasmes, il fallait se cramponner davantage. »

 

Il jetait l’ancre vers le grand Sud de la Terre australe. C’est dans ce paysage d’aurores polaires qu’Angel vivra auprès des Woanoas, des monstres à deux bouches. Et que nous, lecteurs, nous serons transportés par la magie de son aventure auprès des Indiens Plumes-Grises. Il apprendra à se battre en duel, ce qui lui vaudra quelques côtes cassées mais le respect des siens. Il se mesurera aux baleines-léopards, aux loutres des neiges et aux « gens-de-l’eau », naviguera à travers les icebergs, apprendra à chasser au harpon – une occasion pour l’auteur de nous rappeler le rôle de l’Homme chassant pour sa survie.

 

« La chasse est la grande affaire des hommes, mais tout ce qui relève de son utilisation voit le premier rôle leur échapper. »

 

Jusqu’au jour où il s’élancera dans le vide… saura-t-il voler de ses propres ailes, digne du « saut de l’ange » dont il héritera le prénom? 

 

Quel bonheur d’avoir partagé cette lecture jeunesse avec mon ti Tom Tom ! <3 Depuis qu’il est tout petit les histoires d’Indiens l’ont toujours fasciné. Je me demande parfois si plus tard il gardera encore l’envie de se souvenir de nos ancêtres. Je l’espère vraiment, nos racines font de nous ce que nous sommes aujourd’hui, d’aussi loin qu’elles viennent. Angel pourrait vous dire à quel point celles de sa mère l’auront suivi à chaque souffle de sa vie depuis sa mort. Parce que l’héritage d’amour est le plus fort…

 

D’esclave, matelot malmené à otage étranger, Angel a suivi la plus belle des quêtes, celle de la liberté. Une fois que nous l’atteignons, fort d’avoir su apprivoiser le quotidien, voulons-nous seulement en revenir?

 

« Alors, Angel, qu’en dites-vous? C’est un bon point de départ, non?

-Je ne vois pas de quoi vous parlez.

-Mais ces îles. Si on parvient à s’emparer d’une pirogue…

-Mais qui vous dit que je veux repartir?

-Vous délirez, mon pauvre Angel! Le succès vous est monté à la tête! Réfléchissez! Vous n’êtes pas fait pour ce monde!

-Qu’est-ce qui vous fait croire que je lui préfère le vôtre? »

 

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Heureuse coïncidence, aujourd’hui les Indiens Métis du Canada viennent de se faire offrir par la Cour suprême du Canada une pleine reconnaissance de leur statut d’« Indien » - englobant tous les peuples autochtones canadiens y compris les Indiens non inscrits et les Métis. Ils attendaient ce moment depuis des décennies. 

 

Un grand merci à mon amie Nadège pour ce magnifique voyage…

Angel, l'Indien blanc - François Place

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