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19 septembre 2012 3 19 /09 /septembre /2012 21:31

le.grand.bleu.01

 

 

À la mer si beaucoup

 

J'en rêvais,

des pieds dans l'eau

sous les miens bien au sec

des fonds de mille mètres;

que d'eau sous le bateau.

Je le vois,

soudain l'océan se fait vieux

soucieux moi aussi,

mes cheveux blanchis si vite;

les vagues ne jouent plus

prennent de l'âme,

les vieux lions rugissent.

 

Ah la mer si beaucoup.

 

Je la suis, elle me suit?

le vent débraillé traîne ses loubards

sur ce terrain-vagues, un vague à lames

une vague de fond à crête blanche,

il me semble,

l'avoir déjà rencontrée

est-ce elle, son sosie?

Mais où et quand?

Me sourit-elle de ses dents blanches?

Elle m'a sûrement reconnu, c'est elle

la belle robe blanche et ses froufrous,

elle ressemble comme deux gouttes d'eau

à la vague de mon premier amour:

À s'y méprendre, je me souviens,

mais si mon amour souviens-toi

nous étions sur la jetée qui

tenait par la taille le vieux port endormi,

nous jouions à nous jeter des baisers

cette vague est venue se briser sur un rocher

déposer son sel sur nos lèvres nos baisers,

souviens-toi ma douce tu m'avais même dit:

qui se soucie qu'une vague meurt?

Sur l'océan une vague sait nager

mais sur terre elle se noie.

 

À la mer si beaucoup.

 

Je m'endors,

lentement les pieds dans l'eau

là, au-dessus de moi mille mètres d'eau

mon cœur à sec mon corps n'a plus froid

oui, oui je me souviens ces mots si doux:

«GO AND SEE MY LOVE»

 

JC.Eloy

29/08/2005

 

images

images (1)

19 septembre 2012 3 19 /09 /septembre /2012 18:55

soif

 

 

 

      Soif

 

Pleurant la fin de ma naissance et le début de ma vieillesse

Je sortis nu d’un sein d’ivresse

Pour traverser sans bruit l’enfance

 

Dans un désordre d’aube pâle où meurt hier, où point demain,

Un poing crispé pour toute main,

Je descendis de mon étoile.

 

Je savais perdre tout espoir dès lors que d’éphémère,

Coupé du ventre de ma mère,

Et l’univers pour mon miroir.

 

Trompant la mort avec l’amour, filant le temps, tissant la vie,

Je m’inventais des mots impies

Comme « éternel », comme « toujours ».

 

Je survolais par nuits sans lune un archipel de terres vierges,

Y tenant allumés des cierges

Pour réchauffer de sombres dunes.

 

Le bonheur dort dans ma mémoire au fond des draps du souvenir,

Le retrouver, le retenir,

A sa fontaine encore boire !


 

Théo

Juin 2008

19 septembre 2012 3 19 /09 /septembre /2012 18:53

Faussaire

J’appréhende les matins éclatants qui sertissent les yeux de faux semblant.

Au diable les « joyeux » mécontents. Je veux des matins sans décorum. Délivrant la mélancolie d’une profonde métamorphose. Des paupières rougissantes. Sans barreaux.

Je veux des cieux empourprés de mon âme close.

Elle se ferait oiseau. Libre et tonnante de mille mots endoloris. Sous la voûte, virevoltante, je jouerais Ma symphonie. Une suite d’accord morose que seuls les anges décrypteraient. J’enverrai valser les frontières aux regards foudroyants leurs rengaines, cette morne comptine… qui me lance… lance… lancinante :

« Mets ton masque petite fille
Ton visage frôle l’indécence
Mets ton masque petite fille
Ta tristesse frise l’impudence »


Et la foudre à mes mains serait mon tisonnier.

De ces longs combats nocturnes, je veux orchestrer la parade immortelle. Encenser l’éther blêmissant de mes aubes insoumises. Parader l’effroi de trop longues nuits insomniaques. Et dans la violence du déluge m’atomiser. Incendier les péchés dissidents de mes pensées. Hurler la peine qui déchire les parois de ma cage. Mettre le feu au pantin du politiquement correct.

Je veux un ciel de tempête, heureux de vivre son mal de vivre. Je veux la liberté d’être libre. Libre d’être mourante. Mourante et affamée de vivre. Vivre la tourmente et passer mon chemin.

Mais toujours cette sentence comme un boomerang:

"Les poupées cassées jamais ne se réparent
Les âmes brisées jamais ne se dénudent"


J’appréhende les beaux jours lumineux où il faut faire semblant et jouer.
Jouer un rôle qui rassure les mal heureux.

Je veux des jours sans comédie enjouée.

 

Saphariel

19 septembre 2012 3 19 /09 /septembre /2012 17:33

Belle de Toi


Au seuil macabre de la nuit
Briser le pacte je me rétracte
Loin de toi mon amour
La sagesse est une fuite en arrière
Quand ma porte se referme sur toi
Je retourne dans mon placard
Mon cœur las s’enclose
Une pause en attente de ton sourire

L’obsession est mon hiver
J’en ai bien peur
Je prise le mutisme
Comme l’on prise l’engrenage
Mais le fer est immuable
Une douce vision de la violence
Un reflet de l’éthéré novice
Qui violemment me berce
Mon androïde miroir
N’est que revers
Il m’aveugle
Comme un soleil de neige

Ici
Tout est givre
Là-bas
Ne m’oublie pas

Loin de toi
Je suis impersonnelle
L’image vacante
D’une âme sans teint
Son ombre aliénée me fait offense
Lacère
L’interne dimension

Et comment te dire l’effroi…

Le confinement des sentiments
Me rapproche de l’hérésie
Il y a une baignoire
J’y plonge avec volupté
Me laissant engloutir
Car j’ai cru pouvoir nager…
Seule

Mais nage-t-on vraiment dans le noir ?

Il y a du sang
Un goutte-à-goutte
Je m’éviscère… je la tue…
Mais l’Immortelle est illusionniste
De la résurrection
De ce temps où tout est immobile
Je ne trouve que ricanement
Face à mon extinction
Je suis le combattant de la vacuité
L’antre famélique
Où se gave l’effondrement

Mes saintes fêlures font l’éloge de la mort

L’ombre me ceint du feint secret
Me traque
Me pourfend
Je suis le dédale
Le scélérat invoqué
La mégapole exacerbant mes péchés
Je suis l’idole de la désolation
Le fan de la prodigieuse mutilation
Parfois ange déchu de l’abstraction
Je sais le jour où nous sommes mortes
J’entrevois l’oeil torve et avide
Le festin du Grand Loup
Où le rouge des origines a été bu
Comme un élixir

Le schisme se veut lent
Abrasif

Je suis l’urne de chair
Où geint l’égorgée diurne
Gorgée d’absinthe
Et morte je le suis
D’elle… à moi
Son gouffre rayonne
Distillant l’ennui viscéral
D’un monde sans Amour

Et si je suis belle
Ce n’est que de son effroi...
Par toi
Par l’offrande de ton regard

Car…
Tu me vois
Et…
Je te vois

 

Saphariel

19 septembre 2012 3 19 /09 /septembre /2012 17:24

Solange et le général


Dring, dring!!

-Ici le général De Lafosse, pourriez-vous, je vous prie, me mettre en rapport avec Mme Solange De Lafange.

-Allo, ici la résidence de l'ambassadeur, à qui ai-je l'honneur? Ah c'est vous Roger, comment allez-vous?

-Comme un charme ma chère Solange, seriez-vous par hasard libre cet après-midi?

-Euh, oui, mon mari ne rentre que demain matin de sa chasse au gros, la bonne est chez le guérisseur et mes autres boys partis retourner un chef de tribu.

-Permettez-moi alors de venir partager votre volupté au jasmin!

-Comme il vous plaira, je vous attends à cinq heures.

À cinq heures pétantes sous la véranda:

-Oh ma chère Solange quel plaisir rare que de prendre votre main et la baiser.

-Certes mon général, mais il est des plaisirs plus communs dont l'art et la manière ne se résument point à un simple baise-main et vous ne pouvez déroger à la règle.

Un silence, Solange passe!

-Auriez-vous déjà oublié qu'hier en ce lieu, j'ai joui dans vos bras et vous de même dans les miens?

-Vous semblez cher Roger avoir une idée plutôt vague de l'anatomie humaine, mon indulgence envers vous daigne mettre votre amnésie soudaine sur le compte d'émotions qu'hélas une chaude nuit n'a pu refroidir, sans vouloir vous offenser, si votre jouissance fut réelle, il eut été plus cavalier de vous enquérir de la mienne.

-Qu'ois-je, vous me décevez Solange, hier vous fîtes l'amour, enfin quoi?

-Oui, jouis dire cela à l'instant de vous.

-Enfin qu'ois-je, qu'hier vous avez feint du début à la fin?

-Oui mon général, et d'autant restée sur ma faim.

-Mais Solange (passant comme un lange dans la fange)

-En feignant général, feignant autant que vous le fûtes.

-Insinueriez-vous que ce que j'ai dans le futal ne fut pas très futé?

-Hélas c'est un fait que je ne puisse réfuter, vous fûtes un fait néant!, réjouir une femme? Encore eût-il fallu la faire jouir!

Et comment ma chère puisqu'il me semble que vous ne jouissez pas de toutes vos facultés!

-Belle mentalité, pour vous jouir est affaire de facultés et bien pour moi à faire de tous nos sens, en fait nous n'avons pas le même bon sens des valeurs; vous placez les vôtres à hauteur de vos bourses et à la moindre trique vous êtes boursouflé!

Pendant que les politesses fusent, impassible un thé infuse!

-Je ne pensais point que votre esprit pouvait être aussi étriqué qu'un cul, fut-il le votre.

-Futile le mien?, j'en conviens et certainement mieux fourni que le votre si vil et néant moins si désarmé que j'en reconnais là l'apanage du militaire.

Qui vous salue bien bas et vous prie de vous taire.

-Me taire?, croyez-vous donc que le simple fait de m'avoir truffé le fion vous donne le droit de me clore le clapet comme à un vulgaire troufion? Quelques banales étoiles sur un képi et ça se permet de s'arroger le septième ciel!!

-Pour ne pas déroger à votre humour fallacieux, sachez que le dit Roger est allé au casse-pipe pour vous avoir sauté sans parachute.

-Si votre blague est bonne, permettez-moi d'en attendre la chute!

-Vous me cassez les burnes avec vos mots simagrées de salon!

-Je devinais que la chute eut été laborieuse, mais de là à penser qu'elles purent se fracasser,

même le canard enchaîné n'y aurait pu penser!

-Ne faites pas un cas général de vos carences entre autres sexuelles, ce serait faire injure à toutes ces femmes qui savent jouir et y mettre l'esprit.

-Général de mes deux!

-Général deux étoiles ma chère!

Alors général de mes deux étoiles puisque vous y tenez, je fais plutôt de votre cas rance un cas bien particulier pour un général!

-Foutaises, niaiseries de femme de diplomate et je suis bien aise à jouir dire qu'hier, vous fûtes feignasse plus que feignant.

-Je doute fort que ce soit dans un lit, vos aptitudes n'y étant pas légions que vous puissiez relever votre honneur trop plat, quant à vos soi-disant faits d'armes sur les champs de batailles, j'ouïs dire que vous prêchiez plus souvent parmi les cons vaincus que parmi les vainqueurs!

-Ne vous en déplaise, j'ai embrassé la carrière militaire au moment où la patrie était en danger, mais c'est sûr qu'avec un cul comme le votre en guise de ligne Maginot, on ne pouvait que l'avoir dans l'cul!

Châtiez votre langage général de mon cul, ce n'est plus à ma chatte que vous vous adressez, et quand bien même elle serait l'objet de vos pensées, sachez que plus de honte que de joie elle en rougeoie toujours!

-Dégoût et rage, voilà ce qui me vient à l'esprit, d'entendre cela de votre bouche qu'hier encore me faisait jouir.

-Si vous avez joui de ses faveurs, vous m'en voyez toute réjouie mais je tiens à vous faire savoir que tout le dégoût lui est resté en travers de la gorge!

-Oh alors craignez qu'à compter de ce jour, elle ne soit la risée de tout un régiment!

-Hâbleur et en sus hypocrite à en faire rougir votre rosette honteusement accrochée au revers de votre veste, vous savez pertinemment que si la nuit tous les chats sont gris, c'est que ce sont les chattes qui les grisent!

-La votre en tout cas n'est que gri-gri sale qui ne vaut doux Jésus que par le fait que vous êtes issue d'une famille à fric de la pire espèce.

C'est ça en plus de baiser bassement, de dépit vous blasphémez bien haut en salissant la mémoire de mon père qui a fait sa fortune comme nombres de coloniaux dévoués à la sueur du front.

-Mais de quel front me parlez-vous d'un ton si effronté? Où était votre père quand les boches accouraient sur la Meuse? Probablement à courir la gueuze et la brousse sous le soleil d'Afrique.

-N'insultez-pas feu mon père.

-Et feu votre cul!

Sachez à tout hasard que depuis qu'il vous connaît, il s'est éteint, heureusement que ce soir, votre aide de camp doit venir le rallumer, ça n'est pas la flamme du soldat inconnu de vous cher général de mes.......

-J'ai rencontré des chiennes, des garces, des putes dans ma vie mais une salope mâtinée comme vous jamais!

Rompez général, allez préparer votre votre guerre des étoiles, ce soir avec votre aide de camp on ira boire à la belle à la fraîche, à votre troisième étoile de général de mes fesses!

 

JC.Eloy

12/11/1997

17 septembre 2012 1 17 /09 /septembre /2012 23:09

Martin Page

 

Si le premier roman que j'ai lu précédemment de Martin Page, «Comment je suis devenu stupide», est à mourir de rire, en dépit d'une empreinte philosophique dense qui ne lâche pas le lecteur du début à la fin, dans celui-ci, malgré l'absurdité des situations, nous sommes immergés par de tout aussi profondes réflexions, mais portant ici sur le malentendu amoureux. L'histoire prendra naissance à travers le personnage de Virgile, qui, rentrant un soir du travail, vivra une expérience plutôt déconcertante! Un message lui aura été laissé sur son répondeur: «C'est Clara. Je suis désolée, mais je préfère qu'on arrête là. Je te quitte, Virgile». Seulement, cette Clara lui est inconnue...

 

Pour donner un sens à sa vie et se découvrir comme être humain et homme, Virgile vivra dans le fantasme de cet amour qu'il n'a pas connu, jusqu'à souffrir de l'absence de cette Clara et désirer la «reconquérir». Un processus psychologique malsain se mettra en marche: désirer être quitté avant même toute forme de relation, dans le seul but de confirmer sa solitude. Mais je préfère ne pas en dire davantage sur leur destin, ce serait déjà trop en dévoiler...

 

S'ensuivra donc une prise de conscience, chez Virgile, des rapports hommes-femmes. De plus, ce nouvel «amour» générera des sentiments nouveaux en lui: la colère, la déception, l'euphorie, etc... Il s'interrogera également sur l'influence de l'enfance sur la vie sentimentale et sur l'image projetée de l'homme qu'il est devenu, celui perpétuellement insatisfait, se plaignant sans cesse, ne se remettant jamais en question. L'auteur, à cet effet, dira que «quand nous rêvons à notre partenaire idéal, nous nous dépeignons sans les manques, ni les faiblesses». Il ajoutera que le couple est confronté à trois malentendus: «la rencontre, la relation et la séparation», et que l'amour est impossible, qu'il mène inévitablement à la perte. Vision sans doute pessimiste, penserez-vous comme moi, mais je crois que l'auteur ne cherche qu'à nous faire réfléchir aux obstacles et défis du couple.

 

Une phrase m'aura particulièrement marquée et laissée songeuse. Et je vous laisse ici sur ces mots: «Nous tombons amoureux pour avoir des souvenirs, des lettres, une collection de sensations, de nouvelles couleurs dans nos iris. Il n'y a pas de différences entre l'amour et les voyages, car nous en revenons toujours». C'est fort... vous ne trouvez pas? Je vous entends penser jusqu'ici... Un livre à découvrir, passionnément, pour ceux et celles qui sont prêts(es) à se remettre en question:)

15 septembre 2012 6 15 /09 /septembre /2012 16:17

pluie

 

 

Réponse


Aux bougies affaissées par de trop longues veilles

Il lisait le passé

Près la cendre entassée de la cheminée noire

D’une maison distraite à l’écart de la ville.



Pour connaître l’amour il contournait la vie,

Rêvant ne dormant pas,

Suspendu au silence fragile

Qu’un vent mauvais mordait.



Le doute allait sans bruit mais lui trouant le cœur :

Avait-il vécu d’erreur ?

Rêve immobile il attendait

Comme un enfant de l’ombre qu’il était.



La pluie lui répondit dans un ruissellement,

L’éclair le découpa, rompant l’obscurité,

Sur le mur de ses souvenirs ;

Il comprit qu’il vivait et avança d’un pas.



Théo

Mai 2012

12 septembre 2012 3 12 /09 /septembre /2012 22:04

Chagrin d'école

 

Dire de ce livre qu'il est magnifique serait un euphémisme, faire emploi d'un terme réducteur pour illustrer ce qui représente, à mes yeuxun chef-d'oeuvre littéraire. Dans «Chagrin d'école», Daniel Pennac ne dépeindra pas le système scolaire, pas plus que son rôle social, ses programmes, l'école d'hier et celle de demain, tout cela même qu'il considère changeant. Plutôt, il décrira ce qui constitue un facteur immuable de la société: la douleur partagée du cancre, des parents et des professeurs. Et, contre toute attente, pour illustrer ce cancre, il utilisera un modèle lui étant familier: le sien. Difficile à croirenon? Et pourtant... Sa scolarité fut désastreuse et il en garde de profondes blessures. Il mettra 1 an à assimiler la lettre «a» et son père lui dira sarcastiquement que 26 années devraient lui être suffisantes pour qu'il saisisse l'alphabet de A à Z!

 

Du cancre qu'il fut, il cherchera à en cibler les origines, familiales ou autres. Ces années auront laissé de lourdes séquelles: la peur et l'anticipation, la perte de confiance en soi, le renoncement à l'effort, la solitude, le chagrin, la honte, la haine et le besoin d'affection. Tel qu'il l'exprime avec vécu et justesse: «si l'on guérit parfois de la cancrerie, on ne cicatrise jamais tout à fait des blessures qu'elle nous infligea».

 

Il tentera également de retracer les gens et les situations grâce auxquels il s'en est sorti. Comment est né le professeur et l'écrivain célèbre? À quoi attribuer ce devenir? D'où en tire-t-il ses origines? Quels en sont les éléments déclencheurs? L'auteur se posera beaucoup de questionsur les dix années de sa vie, de février 1959 à septembre 1969, où il est devenu, cette métamorphose du cancre en professeur. Il y a certes eu ces professeurs qui ont cru en lui et qui lui ont donné un statut, de même que le rôle de la lecture à travers ce changement, l'écriture avant tout, l'amour également... Mais il se souviendra aussi de ses moments de délinquance comme d'un exutoire à la souffrance: «La naissance de la délinquance, c'est l'investissement secret de toutes les facultés de l'intelligence dans la ruse». La délinquance... son plus beau prétexte pour quémander en douce l'assentiment de ses professeurs, se faire voir des adultes et prouver qu'il existe.

 

Daniel Pennac a la passion de l'enseignement. Il nous entretiendra longuement de sa relation avec ses étudiants (es) et de son attachement plus marqué envers les «cancres», ceux qui ont des défis à relever, d'ordre familial, individuel ou autre. Il croira en leur avenir et sera sensible à leur vécu du moment. D'ailleurs, l'auteur partagera le contenu, par maints détails, des nombreuses heures passées auprès d'eux (elles) à les encourager et user de psychologie. Car, comme il le dira: «Il n'y a pas plus étanche que le chagrin pour faire écran au savoir». Daniel Pennac se consacrera donc corps et âme à ses étudiants (es): «Quand je suis avec eux ou dans leurs copies je ne suis pas ailleurs». Il transmettra son savoir par le jeu et l'humour: «Le jeu est la respiration de l'effort, l'autre battement du cœur, il ne nuit pas au sérieux de l'apprentissage». De cet apprentissage, il préconisera la méthode douce: «...la courtoisie mieux que la baffe prédispose à la réflexion». Et tout cela pour redonner le goût à l'effort... Il s'adaptera à leur langage, leurs silences, leur hostilité. Mais, avant tout: «Il faut aussi savoir donner de l'amour, les méthodes ne suffisent pas». Et l'amour, il en a à donner!

 

Quelle belle découverte que cet auteur. Son écriture est précise, dense, passionnée, sarcastique et ses images surprenantes... Ah, ces images tellement riches dont le livre est généreusement rempli. D'ailleurs, dès les premières pages, je venais déjà de m'arrêter à cette réflexion, parlant de sa mère: «Très tôt mon avenir lui parut si compromis qu'elle ne fut jamais tout à fait assurée de mon présent»...

12 septembre 2012 3 12 /09 /septembre /2012 22:02

Revenir de loin

 

Ce dixième roman de Marie Laberge est, à mes yeux, et de loin, le plus sombre mais le plus émouvant à la fois. Elle y explore, dans les moindres recoins de l'âme humaine, l'univers mystique du coma, dans lequel son personnage principal, Yolande (narratrice), a sombré durant 18 jours. Sa capacité à réfléchir est demeurée intacte et son esprit vif. Mais sa mémoire est atteinte et elle est dépourvue d'affect. Elle a sombré dans l'amnésie.

 

Beaucoup de personnages rayonneront autour d'elle. D'abord, son voisin de chambre, avec qui elle entretiendra une belle complicité, ensuite, une femme qui dit être sa fille, un homme (son mari), et bien d'autres encore. Mais par un jeu complexe et bien ficelé, l'auteure nous fera vivre les enjeux troublants et décisifs de la réminiscence. Revenir de loin, mais à quel prix? Yolande sera l'initiatrice de son destin que nous suivrons, comme tenus à un mince fil, durant ces 600 pages. Les sept chapitres résumeront bien, à eux seuls, son cheminement: «Ouvrir les yeux», «Se mouvoir», «S'émouvoir», «Savoir», «Voir», «Dire» et «Vivre».

 

La densité de ce roman contribuera à cette recherche d'approfondissement des mystères encore inconnus de la conscience et de l'âme, à laquelle seul peut répondre un remarquable talent d'écrivaine. Écrit avec une extrême sensibilité, «Revenir de loin» est troublant. Il est impossible d'en sortir totalement indemne. Les dialogues sont forts et les chapitres teintés des vers de Nelligan, Miron, Rimbaud et Baudelaire. Plusieurs thèmes sont abordés: le tourment amoureux, les relations mère/fille, la perte et le deuil, la recherche d'authenticité... Les personnages sont des représentations de personnalités diamétralement opposées, ce qui ajoute à la complexité et la beauté du roman. Toutefois..... attention! Il faut vraiment rayonner intérieurement pour lire ce livre! Parce que Marie Laberge, plus que jamais et plus que quiconque, arrive à «violemment» nous ébranler. C'est un vrai bijou, comme toujours, oserais-je dire paradoxalement...

 

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12 septembre 2012 3 12 /09 /septembre /2012 22:00

Comment je suis devenu stupide

 

Ce roman est extrêmement drôle, absurde, intelligent, lucide et sarcastique. S'il s'agit du premier que je découvre de Martin Page, je sais déjà que je ne suis pas au bout de ma faim. Antoine, 25 ans, est asocial, et il attribue le malheur qui l'accable à son esprit vif, son incapacité à s'empêcher d'analyser et de comprendre. Il se dit atteint d'un «cancer de l'âme», de la maladie de l'intelligence. Avoir une personnalité est un luxe qui lui coûte trop cher. Et il considère qu'il a suffisamment souffert de ce «racisme positif» par ceux qui confondent l'apparence de l'intelligence avec l'intelligence réelle. Il veut devenir «un spectre banal». La solution? Diluer sa conscience.

 

Dans un premier temps, observant combien la pensée des personnes saoules est vague, incohérente et détachée de tout souci à l'égard de la réalité, il tentera de devenir alcoolique pour «supprimer toute velléité réflexive de son intelligence». Mais à son premier verre, il sombre dans un coma éthylique. Suivront des cours d'apprentissage au suicide abouti puis une rencontre avec son médecin pour tenter de le convaincre de lui pratiquer une lobotomie. Il se musclera à l'extrême, s'achètera une porsche, bref, d'innombrables tentatives pour affirmer les «stigmates de sa normalité». Il voudra désormais se fondre dans la masse sociale dominante: «Je connais des tas de gens idiots, inconscients, confits de certitudes et de préjugés, des imbéciles parfaits, et qui sont heureux!».

 

Sous le rire que provoquent ces pages se cache la tendance qu'a l'être humain de s'emmurer à l'intérieur d'une pensée si étroite et si rigide que le manque de jugement est trop souvent inévitable. Tel qu'il le dira si bien: «un être humain est si vaste et si riche qu'il n'y a pas plus grande vanité en ce monde que d'être trop sûr de soi face aux autres, face à l'inconnu et aux certitudes que représente chacun». Il ajoutera que: «les mots de notre esprit aiment à nous rendre service et à nous réconforter en nous dupant». Il cherchera donc à échapper à ces illusions en renonçant à une véritable intelligence, «le prix à payer pour avoir des certitudes». Il prendra conscience que les faux mécanismes psychiques nous font dériver vers la facilité et les préjugés sur la vérité. Et comme il est épuisé, las et déprimé, il tentera à tout prix l'expérience de l'imbécillité. Ce premier roman de Martin Page est tout simplement génial:)

L'amarrée Des Mots

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