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17 septembre 2012 1 17 /09 /septembre /2012 23:09

Martin Page

 

Si le premier roman que j'ai lu précédemment de Martin Page, «Comment je suis devenu stupide», est à mourir de rire, en dépit d'une empreinte philosophique dense qui ne lâche pas le lecteur du début à la fin, dans celui-ci, malgré l'absurdité des situations, nous sommes immergés par de tout aussi profondes réflexions, mais portant ici sur le malentendu amoureux. L'histoire prendra naissance à travers le personnage de Virgile, qui, rentrant un soir du travail, vivra une expérience plutôt déconcertante! Un message lui aura été laissé sur son répondeur: «C'est Clara. Je suis désolée, mais je préfère qu'on arrête là. Je te quitte, Virgile». Seulement, cette Clara lui est inconnue...

 

Pour donner un sens à sa vie et se découvrir comme être humain et homme, Virgile vivra dans le fantasme de cet amour qu'il n'a pas connu, jusqu'à souffrir de l'absence de cette Clara et désirer la «reconquérir». Un processus psychologique malsain se mettra en marche: désirer être quitté avant même toute forme de relation, dans le seul but de confirmer sa solitude. Mais je préfère ne pas en dire davantage sur leur destin, ce serait déjà trop en dévoiler...

 

S'ensuivra donc une prise de conscience, chez Virgile, des rapports hommes-femmes. De plus, ce nouvel «amour» générera des sentiments nouveaux en lui: la colère, la déception, l'euphorie, etc... Il s'interrogera également sur l'influence de l'enfance sur la vie sentimentale et sur l'image projetée de l'homme qu'il est devenu, celui perpétuellement insatisfait, se plaignant sans cesse, ne se remettant jamais en question. L'auteur, à cet effet, dira que «quand nous rêvons à notre partenaire idéal, nous nous dépeignons sans les manques, ni les faiblesses». Il ajoutera que le couple est confronté à trois malentendus: «la rencontre, la relation et la séparation», et que l'amour est impossible, qu'il mène inévitablement à la perte. Vision sans doute pessimiste, penserez-vous comme moi, mais je crois que l'auteur ne cherche qu'à nous faire réfléchir aux obstacles et défis du couple.

 

Une phrase m'aura particulièrement marquée et laissée songeuse. Et je vous laisse ici sur ces mots: «Nous tombons amoureux pour avoir des souvenirs, des lettres, une collection de sensations, de nouvelles couleurs dans nos iris. Il n'y a pas de différences entre l'amour et les voyages, car nous en revenons toujours». C'est fort... vous ne trouvez pas? Je vous entends penser jusqu'ici... Un livre à découvrir, passionnément, pour ceux et celles qui sont prêts(es) à se remettre en question:)

12 septembre 2012 3 12 /09 /septembre /2012 22:04

Chagrin d'école

 

Dire de ce livre qu'il est magnifique serait un euphémisme, faire emploi d'un terme réducteur pour illustrer ce qui représente, à mes yeuxun chef-d'oeuvre littéraire. Dans «Chagrin d'école», Daniel Pennac ne dépeindra pas le système scolaire, pas plus que son rôle social, ses programmes, l'école d'hier et celle de demain, tout cela même qu'il considère changeant. Plutôt, il décrira ce qui constitue un facteur immuable de la société: la douleur partagée du cancre, des parents et des professeurs. Et, contre toute attente, pour illustrer ce cancre, il utilisera un modèle lui étant familier: le sien. Difficile à croirenon? Et pourtant... Sa scolarité fut désastreuse et il en garde de profondes blessures. Il mettra 1 an à assimiler la lettre «a» et son père lui dira sarcastiquement que 26 années devraient lui être suffisantes pour qu'il saisisse l'alphabet de A à Z!

 

Du cancre qu'il fut, il cherchera à en cibler les origines, familiales ou autres. Ces années auront laissé de lourdes séquelles: la peur et l'anticipation, la perte de confiance en soi, le renoncement à l'effort, la solitude, le chagrin, la honte, la haine et le besoin d'affection. Tel qu'il l'exprime avec vécu et justesse: «si l'on guérit parfois de la cancrerie, on ne cicatrise jamais tout à fait des blessures qu'elle nous infligea».

 

Il tentera également de retracer les gens et les situations grâce auxquels il s'en est sorti. Comment est né le professeur et l'écrivain célèbre? À quoi attribuer ce devenir? D'où en tire-t-il ses origines? Quels en sont les éléments déclencheurs? L'auteur se posera beaucoup de questionsur les dix années de sa vie, de février 1959 à septembre 1969, où il est devenu, cette métamorphose du cancre en professeur. Il y a certes eu ces professeurs qui ont cru en lui et qui lui ont donné un statut, de même que le rôle de la lecture à travers ce changement, l'écriture avant tout, l'amour également... Mais il se souviendra aussi de ses moments de délinquance comme d'un exutoire à la souffrance: «La naissance de la délinquance, c'est l'investissement secret de toutes les facultés de l'intelligence dans la ruse». La délinquance... son plus beau prétexte pour quémander en douce l'assentiment de ses professeurs, se faire voir des adultes et prouver qu'il existe.

 

Daniel Pennac a la passion de l'enseignement. Il nous entretiendra longuement de sa relation avec ses étudiants (es) et de son attachement plus marqué envers les «cancres», ceux qui ont des défis à relever, d'ordre familial, individuel ou autre. Il croira en leur avenir et sera sensible à leur vécu du moment. D'ailleurs, l'auteur partagera le contenu, par maints détails, des nombreuses heures passées auprès d'eux (elles) à les encourager et user de psychologie. Car, comme il le dira: «Il n'y a pas plus étanche que le chagrin pour faire écran au savoir». Daniel Pennac se consacrera donc corps et âme à ses étudiants (es): «Quand je suis avec eux ou dans leurs copies je ne suis pas ailleurs». Il transmettra son savoir par le jeu et l'humour: «Le jeu est la respiration de l'effort, l'autre battement du cœur, il ne nuit pas au sérieux de l'apprentissage». De cet apprentissage, il préconisera la méthode douce: «...la courtoisie mieux que la baffe prédispose à la réflexion». Et tout cela pour redonner le goût à l'effort... Il s'adaptera à leur langage, leurs silences, leur hostilité. Mais, avant tout: «Il faut aussi savoir donner de l'amour, les méthodes ne suffisent pas». Et l'amour, il en a à donner!

 

Quelle belle découverte que cet auteur. Son écriture est précise, dense, passionnée, sarcastique et ses images surprenantes... Ah, ces images tellement riches dont le livre est généreusement rempli. D'ailleurs, dès les premières pages, je venais déjà de m'arrêter à cette réflexion, parlant de sa mère: «Très tôt mon avenir lui parut si compromis qu'elle ne fut jamais tout à fait assurée de mon présent»...

12 septembre 2012 3 12 /09 /septembre /2012 22:00

Comment je suis devenu stupide

 

Ce roman est extrêmement drôle, absurde, intelligent, lucide et sarcastique. S'il s'agit du premier que je découvre de Martin Page, je sais déjà que je ne suis pas au bout de ma faim. Antoine, 25 ans, est asocial, et il attribue le malheur qui l'accable à son esprit vif, son incapacité à s'empêcher d'analyser et de comprendre. Il se dit atteint d'un «cancer de l'âme», de la maladie de l'intelligence. Avoir une personnalité est un luxe qui lui coûte trop cher. Et il considère qu'il a suffisamment souffert de ce «racisme positif» par ceux qui confondent l'apparence de l'intelligence avec l'intelligence réelle. Il veut devenir «un spectre banal». La solution? Diluer sa conscience.

 

Dans un premier temps, observant combien la pensée des personnes saoules est vague, incohérente et détachée de tout souci à l'égard de la réalité, il tentera de devenir alcoolique pour «supprimer toute velléité réflexive de son intelligence». Mais à son premier verre, il sombre dans un coma éthylique. Suivront des cours d'apprentissage au suicide abouti puis une rencontre avec son médecin pour tenter de le convaincre de lui pratiquer une lobotomie. Il se musclera à l'extrême, s'achètera une porsche, bref, d'innombrables tentatives pour affirmer les «stigmates de sa normalité». Il voudra désormais se fondre dans la masse sociale dominante: «Je connais des tas de gens idiots, inconscients, confits de certitudes et de préjugés, des imbéciles parfaits, et qui sont heureux!».

 

Sous le rire que provoquent ces pages se cache la tendance qu'a l'être humain de s'emmurer à l'intérieur d'une pensée si étroite et si rigide que le manque de jugement est trop souvent inévitable. Tel qu'il le dira si bien: «un être humain est si vaste et si riche qu'il n'y a pas plus grande vanité en ce monde que d'être trop sûr de soi face aux autres, face à l'inconnu et aux certitudes que représente chacun». Il ajoutera que: «les mots de notre esprit aiment à nous rendre service et à nous réconforter en nous dupant». Il cherchera donc à échapper à ces illusions en renonçant à une véritable intelligence, «le prix à payer pour avoir des certitudes». Il prendra conscience que les faux mécanismes psychiques nous font dériver vers la facilité et les préjugés sur la vérité. Et comme il est épuisé, las et déprimé, il tentera à tout prix l'expérience de l'imbécillité. Ce premier roman de Martin Page est tout simplement génial:)

11 juin 2012 1 11 /06 /juin /2012 13:59

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C'est le plus beau roman qu'on m'ait fait découvrir cette année. L'auteur nous plonge dans l'univers de quatre générations de femmes au lourd destin (mépris des hommes, exploitation, viols, prostitution). Ces horreurs s'insèrent au fil des pages dans la juste et précise description de la condition féminine dans une société machiste. On s'attache vite aux personnages de Rosa et Vera Candida. Elles sont libres, déterminées, courageuses, mais à la fois fatalistes et résignées, en quelque sorte «otages» de l'île imaginaire de Vatapuna où elles vivent. L'atmosphère latine hypnotise à elle seule le lecteur; on s'y sent bien, transporté. C'est à Lahoméria que le destin de la lignée se brise, là où fuit Rosa Candida à l'âge de 15 ans, pour des raisons que je veux taire et vous laisser découvrir. Mais là-bas, tout est possible...

 

J'ai été heurtée par le style littéraire assez peu ponctué, mais m'y suis adaptée après quelque temps. Ce n'est quand même pas du Saramago...

 

Les sentiments et émotions sont riches. Impossible de «sortir» de ce livre sans prendre le temps de se poser, se questionner. C'est aussi, en quelque sorte, un beau roman d'amour... d'amour solidaire et filial. Vous y passerez de belles heures...

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