Ce magnifique roman, se déroulant à New York dans les années 70 et s'étalant sur une trentaine d'années, porte essentiellement sur le déclin de l'âme, de la fondation à la chute. Il met en scène quatre personnages principaux à la psychologie complexe, dont Léo Hertzberg, professeur d'histoire de l'art et narrateur, ainsi que sa femme Érica, professeur d'anglais. Ils se lieront d'amitié à Bill et Violet, peintre et écrivaine, avec lesquels ils vivront un parcours de vie parallèle, d'un quotidien dans le même immeuble du quartier de SoHo au vécu de semblables tragédies. Les couples auront chacun un fils.
Les drames, prenant par moments l'allure de «thrillers», se succéderont les uns aux autres et se révéleront dans la seconde partie du livre, la première partie servant à asseoir la personnalité des personnages et se présentant comme initiatrice des drames à venir. L'auteure nous conviera à l'univers des désordres alimentaires, de l'hystérie et nous fera vivre plusieurs deuils. Elle nous illustrera avec doigté l'effondrement d'une âme adolescente orpheline, immature, qui saura trahir, mentir pathologiquement sans remord, abuser de drogue, voler... Et l'âme d'un père «substitut» qui pardonne difficilement, mais qui pardonne...
Si ce roman porte sur le déclin de l'âme, il parle aussi d'une grande histoire d'amitié pour laquelle il nous est facile de concevoir certains élans autobiographiques, notamment en ce qui a trait à l'univers de l'art. D'ailleurs, ce n'est pas sans hasard que Siri Hustvedt dédie son livre à son mari Paul Auster (remarquez que je parle du «mari» de Siri Hustvedt et non de la «femme» de Paul Auster – c'est une grande écrivaine!). Un couple en parfaite symbiose, on retrouve dans leurs oeuvres la résonance de l'un chez l'autre et inversement. Ce roman est tout simplement bouleversant et exploite la force fragile de l'âme exactement comme j'aime la découvrir, sans artifices et avec profondeur sur les émotions dévoilées. Elle en tire sa force à un point tel que nous avons l'impression d'évoluer à travers chaque personnage, à travers leurs doutes, leurs questionnements, leurs joies et leurs peines. Hustvedt est une écrivaine honnête, authentique et humaine. Son roman est un chef-d'oeuvre. Quelle grande claque en plein visage...