« Eddie Cabot : Attends que je pige ce que tu dis. Tu dis que tu donnes jamais de pourliche?
Monsieur Pink : J'en ai rien à branler que la société dise que ça se fait. D'accord pour donner un pourboire si on fait quelque chose qui le mérite. Si on m'offre un service en plus, je paierais un extra mais le pourliche qu'on paie automatiquement, ça c'est bidon. »
Quentin Tarantino, Reservoir Dogs (extrait en première page)
Voilà un repas qui a de quoi vous couper l’appétit!
C’est à contrecœur que Paul et sa femme Claire acceptent l’invitation de Serge et Babette dans un grand resto pompeux d’Amsterdam. Le genre d’endroit où on vous détaille le moindre pignon de pin dans l’assiette et la provenance de l’huile d’olive. Bref, le cadre idéal pour les Serge de ce monde, le type arrogant, méprisant et prétentieux, imbu et se croyant doté d’une intelligence supérieure. Vous me suivez? Le parfait imbécile qui après une brève formation de 6 semaines en œnologie, accroche son diplôme chez lui à un endroit où personne ne peut manquer de le voir. Cela vous étonne si je vous dis qu’il est politicien, en tête de liste du principal parti d’opposition et grand favori pour devenir le prochain premier ministre?
Enfin, un repas qui s’éternise – c’est le lot des repas en mauvaise compagnie, non? – de l’apéritif au digestif, en passant par l’entrée, le plat principal et le dessert, marquant chacun un chapitre. Au fil du dîner, la discussion se corse, crises de larmes et règlements de compte. Tout cela allant crescendo jusqu’au sujet qui fait exploser toute possibilité d’envisager une fin de repas plus calme : Leur garçon respectif, des ados de 15 ans. Ils ont commis dans la complicité un acte d’une extrême violence qui amènera l’un d’eux à réfléchir aux conséquences d’un certain nombre de dilemmes moraux. Prises de position entre parents pour protéger ses ouailles, reste à savoir qui a influencé qui… point d’ancrage de la bombe à retardement qui n’attend que l’explosion fatale!
Je suis passée à travers ce dîner noir à la vitesse de l’éclair, aussi rapidement que je peux engloutir un millefeuille à la crème pâtissière. Contre toute attente, ce roman est teinté d’un humour décapant, écrit avec sarcasme et ironie. Les pensées à voix hautes du narrateur sont pimentées de remarques cinglantes qui habitent son discours intérieur.
Il porte aussi un regard sur le couple d’aujourd’hui, sur la famille et les défis auxquels sont confrontés les parents. Il ne manque pas de pointer du doigt la notion de « normalité » et la valeur qu’on lui accorde dans une société marquée par la violence et l’individualisme. Qu’en est-il de la part d’hérédité et de l’acte responsable? La question se pose d’elle-même par l’entremise du personnage de Paul qui, sous des dehors d’homme en parfait contrôle de ses émotions, cache une profonde détresse associée à la maladie mentale dont il souffre.
Lire ce livre peut se comparer à se retrouver dans un resto où l’ambiance est empreinte de romantisme, mais qui, en fin de soirée, provoque chez les clients des maux de tête dévastateurs. Et il n’y aura pas que le tanin en cause!
Qui vient dîner avec moi ce soir?
« …Et la tempête passe à côté. On préférerait voir les toits des maisons arrachés, les arbres déracinés et soulevés en l’air ; les documentaires sur les tornades, les ouragans et les tsunamis produisent un effet apaisant. Bien sûr, c’est horrible, nous avons tous appris à dire que nous trouvons cela horrible, mais un monde sans catastrophes et sans violence – la violence des éléments ou la violence de chair et de sang -, voilà qui serait vraiment insupportable »