Si je n’ai pas lu ce roman avec la même énergie que La puissance des vaincus, du même auteur, il n’en demeure pas moins que je l’ai dévoré en quelques jours. Là où La puissance des vaincus abordait la recherche identitaire chez les jumeaux identiques, en opposant la normalité à la folie, celui-ci décortique en 600 pages un pan de la détresse adolescente : l’obésité. Au fil des pages, Wally Lamb arrive à nous faire vivre le quotidien de Dolorès, de son déclin à la chute. L’héroïne a 13 ans lorsqu’elle se fait violer (je ne vous dévoile rien, c’est dans la quatrième de couverture). Ses tourments sont à l’image des souffrances auxquelles certaines adolescentes font face. Elle est la risée de toute l’école, jusqu’au jour où, l’âme meurtrie, elle se laisse mourir en se gavant de sucreries, vivant en parfaite réclusion avec son désespoir. Ce qui l’habite est la culpabilité constante des victimes du viol.
Comme lectrice, je l’ai détestée. Son caractère est trop représentatif à mon goût des femmes qui attribuent leur malheur aux fautes commises, et qui, par le fait même, offrent une justification au lâcher-prise. Ces femmes qui intériorisent la victimisation et ont cessé de lutter. J’avoue que je suis très peu objective, j’ai toujours eu en aversion ce genre de personnalité. Par contre, j’ai adoré le fait que l’héroïne ne réponde pas aux standards de la beauté et que ce livre aille à l’encontre des clichés de la femme parfaite et séduisante que l’on côtoie dans trop de romans. J’ai aussi toujours été étonnée par ces hommes auteurs qui abordent avec autant de finesse l’intimité des femmes. Je pense notamment à Douglas Kennedy, qui arrive à décrire une dépression post-partum à vous couper le souffle! Bref, ce livre est aussi une leçon de courage, un cri du cœur et une longue introspection visant à se défaire de sa rage et de sa culpabilité, de son impuissance et de ses remords, de sa détresse psychologique et de sa solitude. Dans ses deux romans, Wally Lamb nous élabore un processus thérapeutique avec suffisamment de doigté pour que je sois portée à aller lire sa biographie et chercher en lui un psy de formation. J’ai fait fausse route à ce sujet, mais l’auteur est certes profondément humain…