Ce livre de Paul Auster, conjoint de Siri Hustvedt, est écrit selon le modèle type du roman inséré dans le roman. Il nous invite à une réflexion sur la conception littéraire à travers maints questionnements. Est-ce que l'écrivain entretient un lien avec la réalité et est-ce que le roman influence lui-même l'avenir de cette réalité? Le message véhiculé reflète-t-il les angoisses de l'écrivain, lequel utilise le médium de l'écriture pour tenter de les apaiser, voire les guérir? Son parcours de vie influence-t-il la dynamique des émotions dévoilées? D'où proviennent les personnages? Quelle est la relation entre eux et son vécu personnel? Bien d'autres questions encore... Son personnage principal, Sidney Orr, est écrivain et lui-même choisira un éditeur comme personnage principal du livre qu'il écrira. Ses questionnements entourant la dynamique du processus littéraire sont dévoilés à eux seuls à travers ce choix.
Paul Auster se révèle être un narrateur plutôt qu'un dialoguiste, ce qui, au demeurant, n'enlève rien à la qualité du roman. Le procédé est complexe mais non exagérément. Il arrive à maintenir notre intérêt et notre compréhension à travers trois histoires qui se chevauchent. Les émotions sont à fleur de peau. Les angoisses de l'auteur sont palpables à chaque page. Certaines rencontres entre personnages sont fascinantes, notamment celle entre Sidney et le papetier chinois. Ceci dit, les longueurs des notes en bas de pages peuvent s'étirer jusqu'à plus de cinq pages, ce qui est peu commun. J'ai eu l'impression de souvent perdre contact avec le roman, pour entrer brusquement dans la réalité. Cette scission ne m'a pas plus, au point où j'ai finalement opté pour un survol rapide de la majorité de ces notes au fil de ma lecture.
Je suis heureuse de m'être initiée à la littérature de Paul Auster après avoir lu «Tout ce que j'aimais», de Siri Hustvedt. Dans l'un ou l'autre cas, il s'agissait de ma première lecture d'une de leurs œuvres et leur empreinte respective dans l'oeuvre de «l'autre» est frappante. Même si le thème abordé est complètement différent, j'ai eu l'impression dans le deuxième roman d'entamer la seconde partie d'une œuvre musicale. J'en sors positivement troublée...