Anguille rets sous roche
Pour Lucas Lamart* mordu de pêche depuis l’enfance
ce n’était pas le moment de plier les gaules,
ça mordait, il avait une bonne touche au bout de sa ligne.
Au même instant avec ma pêche d’enfer, j’avais la gaule et
une bonne touche aussi avec sa femme qui me mordait le lobe.
Je l’avais ferrée un doux matin de mai sur la voie ferrée,
une voie désaffectée longeant la rivière où Lucas avait coutume de pêcher ;
pour elle la seule rivière qui trouvait grâce à ses yeux, c’était celle de diamants
qu’elle n’aura probablement jamais.
Allongé dans les cannes j’écoutais " il n’y a plus rien " de Léo ferré aussi.
Rebecca Lamart n’était pas du genre poupée Barbie pas non plus thon ni vieille morue
plutôt le modèle de dame poulpeuse à la fleur de l’âge mais que vaut l’âge de nos jours :
Ses vifs appas de loup, son appétissante peau de pêche, ses cannes si effilées ;
ses quarante berges, elle avait toujours su tenir sa ligne et surtout
sa langue qui ne se déliait qu’à l’approche de baisers.
En effet ce matin-là, nous fûmes très vite sans effets et Léo, Ferré bien avant nous,
avait mille fois raison: il n’y avait plus rien, que nous
tout frétillant effrayant un chemin dans la main parmi cannes et roseaux.
Rebecca elle-même, nous avait remis sur la bonne voie en m’affectant d’un
de ses baisers ventouse dont seule pieuvre a le secret, c’est comme si elle avait huit bras
qui m’enlaçaient si fort que je ne m’en lassais pas;
c’eut été inconvenant jouer l’amant lassé tant acculé par sa chair à l’escher.
Quelques touches, d’émois, des mois plus tard, carpe diem mais je n’ai pas voulu
pousser le bouchon trop loin, la rivière* se faisant insistante, je décidais de filer,
avant d’être pris dans la nasse ou la senne de ménage, pis Rebecca épuisée de noyer le poisson n’avait plus trop d’encre à cracher; filer avant que son mari nous prenne sur le vif, qu’il m’aligne une bonne pêche en pleine poire ou qu’il m’assène ses mots lestés de plomb; filer vers la petite rivière qui n’a que deux berges mais oh combien plus tranquilles pour y reposer mes pauvres cannes.
Je n’avais pas mis un couple en péril, leur seul point d’affinage, être nés sous le signe du poisson : Elle aimait les paillettes, le festival de Cannes, lui à part ses cannes et ses plumes, et moi c’est avec la mienne que je nous ai croqués !
Les touches à l’âme sont-elles vraiment des leurres dès lors qu’il n’y appât qu’en allant à la chasse qu’on peut perdre sa place!
Gardons clair à l’esprit que tout ça n’est que menu fretin, ça n’est certes pas bien mais nullement péché, d’ailleurs qui pourrait l’empêcher.
JCE Tianjin 15/06/2012
* Fils du regretté père Moulinot marchand d’articles de pêche à Cajarc
**rivière de diams pardi !