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30 octobre 2017 1 30 /10 /octobre /2017 20:11

 

« Je vous écris dans le noir. De l’obscurité dans laquelle mon crime m’avait jetée, bien sûr, mais aussi de celle qui terrorise les enfants, remplie de monstres et de fantômes. Je me demande si l’on écrit autrement que dans le noir, dans cette opacité qui ne révèle ce qu’elle cache qu’au fur et à mesure de l’écriture, comme l’œil finit par s’habituer à l’obscurité et à redessiner les contours des obstacles qui pourraient nous faire trébucher. »

 

J’ai refermé ce livre bouleversée, émue, me demandant s’il est possible de mourir autant de fois que cette femme, s’il est envisageable de tenir debout, après tant de deuils et de cruauté, s’il est seulement possible d’avoir survécu autant d’années à autant d’horreurs et de mépris de la part des hommes. Jean-Luc Seigle nous écrit dans le noir, ce terrain vague aux limites des obscurités les plus denses, les plus opaques, presqu’impénétrable mais nécessaire pour s’approcher de la vérité, s’il en est une. Il s’est enquis de l’histoire de cette femme, Pauline Dubuisson, à travers des mots qu’il nous adresse à la première personne, comme habité par son mystère. 

 

Nous sommes en 1961. Pauline regarde sur son écran « La vérité » de Clouzot, le film inspiré de sa vie et dans lequel son rôle est incarné par Brigitte Bardot. Brisée par ces images, comme autant de trahisons et de fausses représentations sur son histoire - camouflant les silences de sa vie chargés d’enfance et de rêves, pour n’exposer que des instantanés basés sur des faits dépourvus d’affects – elle s’exile au Maroc pour refaire sa vie, sous une autre identité. Une mort pire encore, si cela est possible, que ses neuf ans d’emprisonnement.  

 

« Je crois qu’on ne peut mourir que d’être désaimée. Et ça, ce n’est pas mourir d’amour, c’est même l’inverse. »

 

Ce que Clouzot a caché dans les interstices de son film ce sont les brûlures affectives, la guerre - élément déterminant de sa vie - ce sont les viols, la honte, une sexualité exacerbé telle la marque d’un corps qu’elle se découvre et auquel elle cherche à donner vie, un certain pouvoir pour panser la souffrance des jours. Cette femme a été tondue sur la place publique durant la Libération, elle n’avait que 17 ans. Des lames acérées lui ont blessé la peau, à vif, mise à nue, une croix gammée tatouée sur le crâne. Elle vivait entre l’effacement d’une mère dépressive et la vénération d’un père, ancien colonel qu’elle adulait pour sa puissance, sa droiture, ses discrétions. Sa beauté suscitait la jalousie et elle vendit son corps pour nourrir sa famille. Avant tout, Pauline Dubuisson était une femme libre et indépendante, dont les visions féministes en firent en quelque sorte le précurseur d’une génération de femmes qu’elle souhaitait voir s’émanciper. En vain…      

           

À 21 ans, elle fut condamnée à la peine de mort pour un crime passionnel, convaincue qu’elle fut accusée pour bien plus que son crime.

 

Six mots suffirent à donner un sens à la charge des émotions contenue dans son histoire : « Je vous écris dans le noir ». Jean-Luc Seigle est allé au-delà des faits, de ceux mis de l’avant par Clouzot, pour peindre sa propre « Vérité ». Et elle est impossible désormais à oublier…

 

« Ce n’est pas l’amour, ni le désir, ni la sexualité qui fait une femme mais sa prodigieuse capacité à affronter et à transformer la vie comme aucun homme ne serait capable de le faire. »

 

Un immense merci à toi BISON pour ce grand livre... :-*

 

 

commentaires

V
Je suis passée à côté de ce roman mais c'est la seconde fois avec cet auteur, je pense qu'il n'est pas pour moi.
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N
Comme quoi les goûts... Belle journée à toi
L
Bonjour,<br /> <br /> Je voulais te dire que je t'ai nommée aux Liebster Awards et je serais très contente que tu participes !<br /> Voici le lien : http://libriosaure.com/liebster-awards-quelques-faits-sur-le-libriosaure/ :)
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N
Bonjour Libriosaure, je suis vraiment touchée que tu aies pensé à moi pour le Liebster, vraiment, malheureusement en ce moment le temps me manque plus que jamais. Merci quand même et je te souhaite une très belle journée
D
Voilà mon petit billet :<br /> http://imagimots.blogspot.fr/2016/06/en-vieillissant-les-hommes-pleurent.html<br /> et merci pou me refaire penser à celui-ci <br /> Bisous
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N
Merci pour le lien Didi, j'irai te lire avec plaisir :-)
D
Coucou, <br /> Jean-Luc Seigle est un auteur qui a su réellement me toucher dans "En vieillissant les hommes pleurent" un très beau livre. <br /> Quant à celui-ci j'espère me le procurer bientôt pour découvrir cette femme.<br /> Bisous
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N
Ahhhhhhhh ce livre que tu cites "En vieillissant les hommes pleurent" je me meurs de le lire !!!<br /> Je crois qu'on ne peut faire autrement qu'être émue par le destin de cette femme... Bisous
N
Je suis passée à côté de ce livre à sa sortie. Tu en parles tellement bien, tes mots sont bouleversants. Je lirai l'histoire de cette femme, c'est sûr. Je t'embrasse.
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N
Son histoire est bouleversante, je ne l'oublierai pas, elle est gravée en moi à jamais... Je t'embrasse
L
Je l'avais lu pour le prix Elle 2016 et beaucoup aimé, alors que ce n'est pas le genre de livre vers lequel je serais spontanément allée.
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N
Une belle découverte donc ;-)
L
Une triste histoire de femme... Tout à fait mon genre de lecture ! ;)
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N
Je te comprends, j'aime ces femmes hors de leur temps, Frida Kahlo, Camille Claudel, tant d'autres encore...
A
Une lecture qui m'avait marquée.
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N
Impossible de faire autrement...
J
Tu en parles merveilleusement bien !
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N
Comment survivre à une histoire de vie pareille, y'a des destins comme ça qui savent m'émouvoir...<br /> Bon weekend Jérôme
L
Pfiou, quelle chronique... Tes mots sont très forts... Le titre de ce roman est superbe lui aussi!
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N
Le titre m'a vraiment interpellée, quelques mots écrits à la veille de son procès, comme un cri du cœur plein de détresse...
A
Après avoir lu ton article j'ai mis directement ce livre dans mon panier, c'est touchant et je cherche des héroïnes ou des figures féminines un digressives, marginales.
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N
Tu as ici le portrait idéal de ce genre de femme! Je serais curieuse d'avoir ton avis, bon dimanche à toi Ambroisie
A
Ouf, si ça ce n'est pas du coup de coeur ! J'en ai beaucoup entendu parler de ce livre dans mon entourage, et paraît-il en effet qu'il vaut vraiment le détour. Un de ces livres qui marquent à vif. Tu le confirmes. Quel magnifique billet ! Ça décoiffe vraiment !<br /> Big smaaaaacks ! Mardi mais en vacances, wouhou !
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N
Oui vraiment pour moi c'était un immense coup de cœur! <br /> Yaouhhhhhhhhhh les vacances, profites-en! SMACKKKKKKKKKK xxxxxx
F
Waouh, comment veux-tu résister à un tel billet! <br /> <br /> J'avais déjà lu quelques avis mais pas aussi passionné que le tien... il faut que je le lise! (Ma bibliothèque l'a en stock, c'est merveilleux!)
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N
Je suis toujours passionnée par les histoires de femmes qui se sont démarquées :-)<br /> Belle journée à toi Fanny
L
Très beau billet comme toujours !<br /> <br /> Et puis une histoire forte, d'une femme que la société ne voulait pas laisser libre. Si j'ai eu un peu de mal à rentrer dedans, à mi-chemin je me suis retrouvé dans le noir, et j'ai senti toute cette émotion, toute cette rage intérieure, toute cette force...
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N
Une histoire de femme extrêmement courageuse, dans un monde d'hommes cruels et sans pitié. Je me demande comment on peut survivre à tout ça et trouver la force d'avancer. Ce livre m'a marquée, merci encore... :-*
M
Très beau billet comme toujours !
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N
Merci mon sweet kinG :-*<br /> C'est surtout l'histoire de cette femme qui est "terriblement" magnifique..

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