« Je me suis allongé sur un banc, j’ai fermé les yeux et tout se bousculait, ma mère et mon père morts et mon sale con de frère et ma sœur, et cet enfant, Su, toutes ces conneries, je pensais à tout ça, la lune était pleine et blanche, il y avait le bruit de l’eau et quelques automobiles. Des gens passaient, ils étaient gais et parlaient fort. J’avais des mouches plein le cerveau. »
Antoine n’a qu’une envie, décamper, prendre le large, s’amarrer ailleurs, appelez ça comme vous voulez, sa vie dérape, il est comme une épave rejetée par la mer. Son frère le traite de con, sa sœur a pris ses distances, ses parents sont morts et le frère de Su, sa petite amie, jure qu’il va lui casser la gueule s’il s’approche encore d’elle. Il s’est fait quitter, alors il quitte à son tour. C’est une forme de justice, une revanche sur la vie. Solitaire, il est cette île sur laquelle on choisit de ne pas s’échouer, où l’on évite de poser les pieds. Parce qu’à la longue, ça fait trop mal, c’est une brûlure vive, on en ressort KO.
Dans la sueur du ring, il cogne sur ses espoirs perdus…
Le jour Antoine travaille comme croquemort. Il croise la mort, la souffrance des autres. Au-dessus du grand trou, un tout petit cercueil est mis en terre, un jeune garçon. Si vite enterré, trop vite oublié. La scène est insupportable. Moment de vertige, il ira vomir, « c’est le métier qui rentre », comme les coups qu’il se prend.
Dans la sueur du ring, les mains bandées, il frappe l’adversaire, uppercut dans les côtes, il fonce…
… se défonce. À coups de poings, à coups de joints, à bout de nerf, à petit feu, à grandes rasades de whisky. Les images s’entrechoquent. Ses souvenirs d’enfance, le jardin, le panier de basket, un baiser de son père sur son front. Il avait huit ans, s’en souvient encore. Le temps s’est flétrit, il a tout gâché, même ses désirs. Trois jours sans se pointer au boulot. Dans le RER, sa tête contre la vitre, ce froid sur sa joue et les gens de passage. Anonymes sur les rails qui défilent, les quais déserts, il attend, solitaire. Il attend quoi? Pas grand-chose. C’est la fin du combat. Hors du ring. KO.
Dans la sueur du ring, il joue sa vie. "Un coup de latte, un baiser".
Et foutre le camp.
« …la rage, la tristesse, tout ça c’est de l’énergie qui s’en va, du nerf qui fout le camp, qui claque et lâche, tout ça c’est de la petite chimie, faut tout maintenir à niveau, respirer tranquille et tout vider, sentir chaque muscle et la peau par-dessus, tous les rouages, n’être que ça, une machine bien huilée, si c’est grippé c’est foutu, être des membres déliés, du sang et des muscles, être un corps et rien d’autre. »
Olivier Adam me laisse à nouveau KO. C’est de la littérature "cash" (dixit Bison), c’est rude et on en redemande...
Merci au Bison, vous trouverez son nouveau blog (ainsi que ses poils et sa vodka) dans les