Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
17 août 2016 3 17 /08 /août /2016 18:04
Lever de rideau sur Terezín - Christophe Lambert

« Faites de moi ce que vous voulez, mais faites le vite… »

 

L’été dernier, j’ai pris le train pour Terezín, à une soixantaine de kilomètres au Nord-Ouest de Prague. Mes enfants étaient là, ils avaient besoin de « savoir », de toucher l’empreinte inhumaine, encore floue à leurs yeux, des camps d’extermination nazis. Nous n’oublierons jamais cette journée, comme marquée pour toujours au fer rouge…

 

Durant la Deuxième Guerre Mondiale, la ville-forteresse de Terezín fut transformée en ghetto juifs, réservé aux gens célèbres, savants, musiciens, intellectuels et artistes de toutes sortes. Chaque semaine, ils y étaient déportés par centaines, entassés dans des wagons à bestiaux. Qui pourrait comprendre, sinon ceux et celles qui l’ont vécu, le poids de l’épuisement? La soif et la faim qui vous rongent? Le dégoût des odeurs fétides s’échappant du seau d’excréments plein à ras bord? Qui pourrait comprendre le cri des enfants, peut-être les vôtres, et pour qui vous avez peur, impuissants à les protéger des souffrances qu’ils endurent? L’incertitude vis-à-vis ce qui les attendait, aux vues des traitements inhumains qui leurs étaient accordés, ne laissait présager rien de bon. L’homme est capable des pires atrocités…

 

Ce soir-là, Victor Steiner, célèbre dramaturge juif, marchait dans les rues de Paris, en direction de son domicile. Il sortait de la représentation du Soulier de satin de Paul Claudel – durant la guerre, les salles de spectacle étaient interdites aux Juifs. Des coups de sifflet se firent entendre. Il est arrêté et déporté à Terezín, où il trouvera, en l’officier nazi Waltz, l’un de ses plus grands admirateurs. En vue de la visite de contrôle des membres délégués de la Croix-Rouge – et dans l’unique but de les divertir - l’officier SS lui commandera une pièce inédite en allemand. Coup de théâtre, les nazis vont tenter de créer un « faux décor », un paradis artificiel où les malades seront cachés dans les sous-sols. Il y aura un match de football, un orchestre, des jeux de rôle simulés dans le bonheur et l’épanouissement. Steiner « jouera le jeu ». Parce que l’écriture est avant tout un exutoire, qu’elle sera son unique chance de survivre. Et qu’il n’aura plus rien à perdre.

 

« L’art est une version stylisée de la vie. »

 

Lever de rideau sur Terezín nous raconte le courage de milliers d’êtres humains. Dans cette ville coupée du monde, deux à trois mille personnes sont mortes chaque mois. Des listes affichées sur les murs du baraquement Magdebourg décidaient du sort de centaines de prisonniers. Y étaient inscrits tous ceux qui seraient envoyés par convois vers Auschwitz-Birkenau, pour y être gazés. Lors de la visite des membres de la Croix-Rouge, le 23 juin 1944, 7500 noms ont été inscrits sur ces listes. Il fallait « faire le grand ménage »…   

 

Ce livre est aussi une histoire de courage et de solidarité. Je repense à l’humoriste Jean Milton, au bibliothécaire Moese Richter, à Léo Sapolsky et son grand-père Slavek, au Grand Sebastian, qui a donné sa vie. Et à tous les autres…

 

En fin de journée, en reprenant le train pour Prague, j’avais la gorge nouée. Oui, vraiment, l’humain est capable des pires atrocités…

 

Un immense merci au kinG des marais. Avec ce roman, j’ai revécu la teneur émotionnelle que m’avaient laissé les lieux. Je suis encore bouleversée...

(Vincent viendra y poser ses mots…) ;-)

 

************************

 

A little garden,

Fragrant and full of roses.

The path is narrow

And a little boy walks along it.

 

A little boy, a sweet boy,

Like that growing blossom.

When the blossom comes to bloom,

The little boy will be no more.

 

Poème écrit en 1943 par un enfant déporté à Terezin

Lever de rideau sur Terezín - Christophe Lambert
Lever de rideau sur Terezín - Christophe Lambert
Lever de rideau sur Terezín - Christophe Lambert

commentaires

C
Un billet plein d'émotion et le livre est à lire, c'est vrai!
Répondre
N
Un très beau livre oui. Bonne journée à toi Claudia
L
Ouille, ouille, ouille... Une couverture attirante, une chronique époustouflante... Mais comment je résiste moi?
Répondre
N
Tu ne résistes pas, il faut le lire! ^^<br /> Je sais, c'est rien pour aider ta PAL................. :D
N
Merci pour ce beau et émouvant billet. Je t'embrasse.
Répondre
N
Merci d'être passée le lire ma Nadège. Je t'embrasse xx
M
Je ne doutais pas que tu saches trouver les bons mots et que tu nous fasses partager l'émotion liée à cette lecture et à ta présence sur ce lieu lors de "cette journée, comme marquée pour toujours au fer rouge…"
Répondre
N
Sans toi je n'aurais sans doute jamais découvert ce livre, marqué au fer rouge comme cette journée à Terezin, et dans laquelle tu nous "avais accompagné"... ;-)<br /> Merci pour tes bons conseils quand j'hésitais à y amener les enfants. Ils ont vécu quelque chose d'inoubliable...<br /> BisouillEs
L
Ca doit pas être le même Christophe Lambert que je connais... :)<br /> Sujet douloureux, je ne sais pas si je serais capable d'aller "visiter" ces camps de la mort, ni même envie. <br /> <br /> « Faites de moi ce que vous voulez, mais faites le vite… »<br /> Dans un autre contexte, voilà une phrase qui m'interpelle et se prête à afficher un beau sourire et un oeil lubrique :)
Répondre
N
Effectivement, c'est sans doute un autre :D<br /> Mes enfants avaient envie de découvrir cette réalité. Avant d'y aller j'avais quelques appréhensions pour eux, mais comme c'était leur choix je me disais qu'ils apprendraient sur la vie, qu'ils en retireraient forcément quelque chose. Et puis ça été le cas. Quand j'avais 15 ans on m'a amenée au camp de Mauthausen en Autriche. J'avais été bouleversée par cette visite, et des années plus tard je m'en souviens comme si c'était hier. Mais sans traumatisme, je l'avais vécue comme une expérience de vie. J'avais compris que les hommes peuvent être à ce point inhumains, je ne comprenais pas trop. C'était un aprentissage dur mais plongé dans la réalité...
A
Je l'avais acheté pour mes ados, mais je ne l'ai pas encore lu. Des photos de Terezin ?
Répondre
N
Oui ce sont des photos que j'ai prises dans les "jardins" du camp. Mes ados aussi l'ont lu. Une façon émouvante de se souvenir de leur journée à Terezin...
D
Bonsoir, <br /> c'est une bonne chose de faire actes de mémoires et de visiter ces lieux très sombres.<br /> Je n'ai jamais visité de camps de concentration, je ne m'en sens pas capable ... <br /> En visitant Prague cette année j'ai pu me recueillir dans un temple dans le gettho juif où tous les noms des victimes de l'holocauste étaient inscrits... Très émouvant.<br /> Merci Nadine et bisous
Répondre
N
Il y a plusieurs façons de se souvenir. Visiter ces lieux en est une, mais comme tu l'as fait dans le temple du ghetto juif, s'en est une autre tout aussi émouvante. Je me souviens de tous ces noms inscrits, des centaines, des milliers...<br /> Merci à toi Didi d'être passée ici pour laisser une trace de tes émotions...<br /> Bisous et bon weekend
J
Antoine Choplin a lui aussi écrit un très beau roman sur Terezin l'an dernier (Une forêt d'arbres creux).
Répondre
N
Un grand merci pour l'info Jérôme, j'irai le découvrir, c'est certain, je ne peux pas passer à côté. Je vois que c'est inspiré de la vie d'un artiste. Ce doit être extrêmement touchant. Je n'oublierai jamais Terezin...
A
Merci infiniment de m'avoir fait un peut connaître ce lieu dont j'ignorais tout . Oui, l'homme est capable des pires atrocités Bonne fin de semaine. Bises
Répondre
N
Et à travers toi je découvre la vie de peintres merveilleux... ;-)<br /> Merci Aimela, bonne fin de semaine et des bisous
L
Je le lirai sûrement :)
Répondre
N
Je te le conseille vraiment. Bonne journée à toi Léa.

L'amarrée Des Mots

  • : L'amarrée des mots
  • : « Si ce que tu dis n’est pas plus beau que le silence, alors tais-toi... » - Eric-Emmanuel Schmitt
  • Contact

En ce moment je lis...

 

Rechercher