« Les mots de l’homme sont pires qu’une gifle »
1959, en Virginie.
Je m’appelle Sarah Dunbar, j’ai 18 ans et je suis Noire. Si je vous le dis, c’est que dans mon histoire ce tout petit détail prend toute son importance. En septembre dernier, avec ma sœur Ruth et quelques élèves Noirs, nous avons intégré le Lycée Jefferson, un collège de Blancs. Le juge fédéral a émis son verdict, nous sommes les premiers Noirs du comté de Davisburg admis dans l’enceinte d’une école blanche. Au premier jour, nous n’avions même pas encore franchi la grande porte que les insultes fusaient dans tous les sens. Ici, nous n’étions pas les bienvenus, nous n’étions qu’une bande de « sales négros ». On nous a jeté des pierres, craché en pleine figure, balancé des coups de pieds, des coups de bâton, on s’est même fait agresser dans les couloirs. On s’est fait traiter d’agitateurs, d’intégrationnistes, on nous a violenté et regardé avec dédain, comme si le noir de notre peau était sale et contagieux. L’autre jour, mon ami Chuck s’est tellement fait tabasser qu’il s’est retrouvé à l’hôpital, entre la vie et la mort. À tous ceux qui croient que les Noirs sont inférieurs, j’aurais envie d’hurler que l’ignorance et le mépris de l’autre sont des actes bien plus faibles, qu’ils témoignent de la peur de reconnaître une richesse dans les différences…
« Tous les hommes sont créés égaux » - Thomas Jefferson
Mais mon histoire ne s’arrête pas là, au contraire, je crois qu’elle est vraiment née le jour où j’ai rencontré Linda, une rousse aux yeux bleus, Blanche en l’occurrence. Son père est rédacteur en chef de la Gazette de Davisburg, un raciste ségrégationniste qui véhicule dans ses éditoriaux des messages haineux à l’encontre des Noirs. Et mon père travaille pour lui…
« Tout ce qui se passe, c’est la faute des Noirs »
« Les gens de couleur ne sont pas aussi intelligents »
« D’accord, je n’ai aucune envie de travailler pour un homme qui jette un verre à la poubelle parce qu’il croit que je l’ai touché, mais je ne pense pas que papa ait davantage envie de travailler pour un homme qui écrit des éditoriaux sur l’infériorité des Noirs. On n’a pas toujours le choix. »
Dans les premiers temps, je comprends Linda d’avoir été un peu hostile envers moi. J’ai réalisé qu’elle s’obligeait à ne pas contredire son père même si elle était en désaccord avec lui. C’est un homme violent, il l’a déjà battue pour n’avoir pas tenue les mêmes opinions que lui. Ce doit être terrible pour elle d’avoir chaque jour à affronter de l’intérieur ce discours ambivalent entre les mots de son père et la naissance de ses sentiments à mon égard. Au début, je la jugeais de ne pas s’assumer et de ne pas agir. Jusqu’au jour où elle a pris ma défense et s’est fait traiter de « lèche-nègres ».
« J’essaie d’imaginer ce que ça doit être de réfléchir à quelque chose si fort qu’on finit par se rendre compte qu’on s’est trompé toute sa vie. De déclarer devant tous ceux que l’on connaît qu’on a changé d’avis. »
Avec le temps, les choses ont changées, nous avons cessé de nous cacher la réalité et choisi d’être nous-mêmes. Nous ne comprenions pas ce que nous « faisions de si mal ». Le blanc et le noir c’est qu’une couleur de peau, plutôt bien assortie je trouve. Et les sentiments que j’éprouve pour Linda portent les couleurs de l’amour.
Je m’appelle Sarah Dunbar, j’ai 18 ans et je suis Noire. Je suis même la première Noire diplômée de Jefferson. J’ai la fierté de reconnaître le courage que j’ai eu d’assumer mes choix et d’affronter la tête haute le regard des autres.
Robin Talley signe ici, avec son premier roman, un hommage émouvant aux précurseurs de toute une génération de jeunes qui ont eu la force de s’être battus au nom de leur dignité. Ils sont à mes yeux des héros…
Des mensonges dans nos têtes, une envie de vivre librement sa vie.
« Nous nous punissons nous-mêmes pour des fautes qui n’existent que dans notre tête et nous finissons par nous convaincre que ce que nous faisons est mal. Voilà dix-huit ans que je crois ce que les autres me disent sur le bien et le mal. À partir de maintenant, c’est moi qui décide. »
Un IMMENSE coup de coeur dont je dois la découverte à mon sweet manU!
Merciiii! :-*