« Par-delà la lande, je voyais jaillir des paquets d’écume blanche jetés au ciel par les vagues déchaînées. Je me suis collée au carreau pour tenter d’apercevoir le phare… Je n’oublierai jamais ce que j’ai vu alors… Le phare n’était plus ce solide bâtiment de pierre dressé fièrement face à la mer. Il ressemblait maintenant à un jouet d’enfant, fragile sous les éclairs de l’orage. »
Qu’y a-t-il de plus paisible qu’un phare pour éclairer la mer, la nuit venue? C’est une métaphore poétique, un repère. À l’image de l’amitié, il accompagne et guide, éclaire aux nuits de tempêtes quand la mer se déchaîne de remous intérieurs. C’est une boussole sur la marée des jours…
Le phare de l'oubli, de Fabian Grégoire, est une histoire de cœur mêlée aux embruns salés des vagues océanes. Dès les premières pages, j’ai tout de suite été happée par la beauté de ses illustrations qui épousent avec magie la douceur des coloris au bouleversement des propos. Ainsi, un coucher de soleil côtoie, l’instant d’après, une nature endiablée d’éclairs et de rafales de vent au milieu desquels un phare tente de survivre, tant bien que mal. Est-ce à l’image de l’homme qui cherche à se redresser quand le ciel au-dessus de sa tête est gorgé de tourmente ?
Augustin avait 11 ans quand ses parents se sont installés à côté du phare. Un grand-père y vivait avec sa petite-fille, Lucie. S’il était gardien du phare, bien des années avant, il avait navigué sur des mers agitées. Il s’était même rendu au pays des Papous, dont il sculpte maintenant, avec nostalgie, de petits visages blancs dans les os de seiche échoués sur le rivage. Dans les replis du temps et le tumulte des jours, un phare est fièrement dressé face à la mer. Jusqu’au jour de la tempête où il s’est éteint…
Véritable histoire d’amour entre un grand-père et sa petite-fille, Le phare de l’oubli nous rappelle à quel point rien n’est plus fort que l’héritage d’amour. Que la mémoire et l’oubli nous fragilisent pour nous rendre aussi vulnérables qu’un bateau de papier sur une mer de flammes. C’est aussi une belle histoire d’amitié, ce phare fièrement dressé face à la mer et qui éclaire, jours et nuits. Mon exemplaire a quelque peu délaissé l’étagère océane pour ma table de chevet. Il veille sur mes nuits…
Dans Les évadés du Mont St-Michel, toujours aussi magnifiquement illustré par Fabian Grégoire, Augustin rend visite à sa mère, enfermée dans la prison du Mont St-Michel, pour avoir volé une couverture afin de tenir son petit au chaud. Autre « Augustin », autre lieu, une grande silhouette élevée vers le ciel et surplombant la mer. Un symbole à l’image du phare, imposant rocher où s’échouent, à marées hautes, les âmes blessées. L’endroit est mystique, dédale de couloirs dans un labyrinthe de salles voutées. Augustin organise la libération de sa mère. Petit enfant courageux dans un monde de grands...
L’histoire de Justin est celle de milliers de familles et d’enfants qui ont Perdu en mer un être aimé. Un jour de tempête, avec une forte houle et beaucoup de brume, le père de Justin s’est penché un peu trop pour tendre sa ligne par-dessus le doris. Et les vagues l’ont emporté… Au lendemain du retour du Ferdinand, après plusieurs mois d’absence et à son bord un chargement de morues salées, une mère et son fils pleurent ce mari et ce père. Jusqu’au jour où on rendit un dernier hommage à sa vie de marin…
Ces trois histoires ont en commun la mer et ses tempêtes : celles du cœur et celles d’une nature contre laquelle nous ne pouvons rien. Elles nous rappellent nos limites et la cruauté des hommes, en plus d’éveiller en nous le fait que rien ne sera plus jamais comme avant une fois le tumulte des orages passé. Plutôt, il déposera en nous un courage sans nom, cette force face à laquelle des enfants courageux comme Augustin, Lucie et Justin seront devenus un peu plus fort encore. Elles sont aussi des histoires touchantes d’amour et d’amitié, d’héritage et de mémoire. Si la mer est libre et sauvage, elle entraîne aussi le cœur à affronter les épreuves de la vie…
Merci à toi manU de m’avoir permis ces grands voyages d’amour et de mer…
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