« Un repas, c’est parce que quelqu’un d’autre le prépare pour vous avec amour qu’il nourrit l’âme et le corps »
Un panier à la main et une jarre de saumure sous le bras, Rinco emprunte le car qui la ramène à son village natal. À travers la grande vitre embuée, les souvenirs défilent. Dix ans déjà qu’elle a quitté ce lieu de montagnes et de rivières alors qu’elle avait quinze ans. Douceur d’une nature qui fut sa plus grande confidente et dont les paysages qui s’offrent à ses yeux éveillent en elle les vestiges émus de son enfance. Cette mère qu’elle n’a jamais revue, femme froide et indifférente. Mais surtout sa grand-mère qui lui tint lieu de refuge ; le trésor d’une vie dont elle garde en elle l’héritage des souvenirs tendres qui ne l’ont jamais quittée. L’amour d’une grand-mère comme celui d’une mère, plus fort encore, plus présent. Et les larmes qui coulent d’autant d’années de carence. Le jour où elle posera les pieds dans le car, sa vie venait de basculer. Son chemin parsemé d’embûches se résumait à une suite de deuils, de pertes qui font grandir et dont l’exutoire le plus probable consiste à tout recommencer. Ailleurs…
« C’est une petite colline sur laquelle se dresse un figuier d’une taille exceptionnelle. En dix ans, je n’avais pas eu une seule fois envie de voir ma mère, mais ce figuier, lui, m’avait manqué, et je l’avais cherché en rêve »
Les mets ont une histoire, ils traduisent l’ivresse des sentiments. Préparés avec amour et dans la joie, ils font ressortir de vieilles émotions. Ils sont empreints de souvenirs… Comme le goût suave des beignets aux graines de pavot de sa grand-mère. Pour peu que Rinco se ferme les yeux, ils fondent sur son palais. Et ce léger parfum dans l’air de garam masala qui lui rappelle son fiancé indien. Trois ans de vie commune et ces odeurs qui ne sont plus. Mais si la force de l’amour permettait de graver à jamais en nous l’empreinte olfactive des mets qui nous ont été préparés avec tendresse? Il m’arrive souvent ainsi de voyager à travers les saveurs de mon enfance. Et chaque fois je sais à qui je dois la force de ces souvenirs…
« Mon restaurant, je voulais en faire un endroit à part, comme un lieu déjà croisé mais jamais exploré. Comme une grotte secrète où les gens, rassérénés, renoueraient avec leur vrai moi »
Au restaurant L’Escargot, que vient d’ouvrir Rinco, il n’y a qu’une table par jour. Aucune musique, que le bruit des oiseaux. Chaque invité sera rencontré afin de savoir ce qu’il souhaite manger. Comme l’amour n’a pas besoin d’artifices, tout sera préparé avec simplicité. Rinco est entière, généreuse, elle souhaite contribuer au bonheur des autres…
« Le simple fait de remettre sur ses pattes un cloporte coincé sur le dos était pour moi une joyeuse rencontre. La chaleur d’un œuf fraîchement pondu contre ma joue, une goutte d’eau plus belle qu’un diamant sur les feuilles mouillées de rosée, une dame voilée cueillie à l’orée d’un bosquet de bambous, son superbe capuchon pareil à un dessous de verre en dentelle flottant dans mon bol de soupe de miso… la moindre petite chose me donnait envie de déposer un baiser sur la joue du Bon Dieu »
Même qu’une suite de petits miracles se produisent après chaque repas. Des vœux se réalisent et des amours se comblent. Et c’est d’une tendresse inouïe… J’ai fondu d’amour pour ce vieil homme venu souffler les bougies de son gâteau d’anniversaire à la veille d’être placé en maison de retraite. Et ce rêve doux qui a donné lieu au retour d’un amant. Mais la plus belle retrouvaille est à mes yeux celle de Rinco avec sa mère pour qui elle cuisinera un repas d’Amour.
« Mais dis-moi, quand est-ce que ça a mal tourné entre nous? Une fois qu’il y des nœuds, comme ils sont difficiles à défaire! Moi qui t’aime de tout mon cœur, pourquoi n’ai-je pas réussi à te le montrer? Je t’en demande pardon. Vraiment »
Ce beau roman contient des messages d’amour très forts. Il nous parle de l’être humain, de ses fragilités, de ses défis, de la confiance que l’on accorde à l’autre dans l’acte d’aimer. De l’acceptation de la perte dans l’impuissance qu’elle génère en nous : « Quoi que nous fassions, rien ne peut abolir le sentiment d’impuissance qui nous assaille quand la personne que nous aimons a décidé de partir »
Les relations mère-fille démontrent à quel point il n’est jamais trop tard pour pardonner. Quand la haine laisse place à l’amour, tout est possible, surtout l’impossible. Quand sa mère est entrée dans sa chambre, une douce odeur de parfum flottait dans l’air. Rinco faisait semblant de dormir… elle venait d’apprendre l’histoire de sa mère et sa vie s’en trouvait bouleversée. Sa mère qu’elle croyait connaître et qui évoluait dans un monde qui lui était inconnu. Il ne sert jamais à rien de regretter le passé. Il faut savoir poser les bons gestes, se serrer dans les bras l’un de l’autre et se dire je t’aime. Il n’y a rien de plus fort pour retrouver la « voix » et reprendre goût à la vie…
« Merci de m’avoir mise au monde »
Merci à toi ma belle Cristina de m’avoir fait goûter à toutes ces saveurs, et à celle de l’Amour <3
xxx